Budget du Québec : le déficit explose, le retour à l'équilibre reporté à ...

12 Mar 2024

La situation budgétaire du gouvernement québécois est encore plus difficile qu’on ne l’imaginait.

L’économie stagne. Les revenus augmentent, mais moins que les dépenses. Résultat : le déficit explose.

Budget Québec 2024 - Figure 1
Photo ICI.Radio-Canada.ca

Le manque à gagner pour l’année 2024-2025 est évalué à 11 milliards de dollars, après versements au Fonds des générations – du jamais vu en nombre absolu. C’est presque quatre fois plus que ce qui était prévu dans le budget de l’an dernier, alors que le gouvernement entrevoyait un déficit de 3 milliards pour l’année qui vient.

C’est aussi plus qu’à l’apogée de la pandémie de COVID-19.

Par conséquent, Québec met de côté le plan qui devait lui permettre de renouer avec l’équilibre budgétaire en 2027-2028. Un nouveau plan sera déposé en 2025-2026 en vue de mettre la table pour un retour au déficit zéro au plus tard en 2029-2030, assure le gouvernement.

Entre-temps, des gestes d’optimisation seront posés pour dégager des économies d’environ 3 milliards de dollars sur cinq ans. Québec compte par exemple réduire l’aide fiscale aux entreprises.

Le gouvernement, toutefois, devra rivaliser d’imagination dans les prochaines années pour résorber ce qu’il présente comme un déficit structurel qui s’établira, selon ses propres projections, à 4 milliards de dollars à partir de 2026-2027.

Écrit à l’encre rouge, le budget déposé mardi par le ministre des Finances, Eric Girard, intervient dans un contexte difficile, admet le principal intéressé.

La croissance économique, qui devait voir le produit intérieur brut (PIB) du Québec croître de 0,6 % en 2023, n’a finalement été que de 0,2 %.

Et celle de l’année en cours ne s’annonce guère mieux. Prévues à 1,4 % lors du dépôt du budget de l’an dernier, les prévisions de croissance du PIB québécois, qui avaient déjà été revues à 0,7 % lors de la mise à jour économique de novembre dernier, sont une fois de plus révisées à la baisse, à 0,6 %.

Le début de l’année 2024 sera difficile, a prévenu le ministre Girard en Chambre, mardi. Mais l’économie du Québec est bien positionnée pour amorcer une reprise durable dès le deuxième semestre de l’année 2024, de manière synchronisée avec la diminution de l’inflation et l’assouplissement de la politique monétaire.

Un peu plus optimistes, ses prédictions de croissance s’établissent quant à elles à 1,6 % en 2025.

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Au chapitre des revenus, Québec souffrira beaucoup d’une réduction des transferts fédéraux, qui passeront de 31,3 à 29,4 milliards de dollars l’an prochain, une diminution de 6 % qui s’explique entre autres par une baisse de la péréquation.

Le gouvernement pâtira aussi de la chute de la redevance versée en 2023-2024 par Hydro-Québec, qui a connu une diminution du volume de ses exportations découlant de la faible hydraulicité de ses bassins principaux.

Budget Québec 2024 - Figure 2
Photo ICI.Radio-Canada.ca

Le budget dévoilé mardi confirme que le dividende de la société d’État sera plus bas que ce qui avait été prévu dans le budget de l’an dernier. La différence est de 1,5 milliard de dollars.

Ces deux raisons expliquent en bonne partie pourquoi les revenus de l’État n’augmenteront que de 2,4 % en 2024-2025, tandis que les dépenses, elles, seront majorées de 4,4 %.

Le ministre des Finances, Eric Girard, et la présidente du Conseil du Trésor, Sonia LeBel, ont présenté ensemble le budget 2024-2025 du gouvernement du Québec, mardi.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Les dépenses de portefeuilles, au premier chef, augmenteront de 6,5 milliards de dollars l’an prochain, notamment en raison des ententes conclues et de celles à venir avec les employés du secteur public.

En tout, ces négociations, une fois terminées, coûteront annuellement 3 milliards de dollars de plus que ce qui avait été prévu lors de la mise à économique du mois de novembre, a expliqué le ministre Girard en conférence de presse, mardi.

L’énoncé du ministre, l’automne dernier, misait sur des offres aux syndicats de 10,3 % sur cinq ans (pour un total cumulé de 10,7 %). Or, Québec s’est finalement entendu avec le Front commun et la FAE sur des hausses salariales de 17,4 % (pour un total cumulé de 18,6 %). Les négociations se poursuivent maintenant avec la FIQ, le SPGQ et le SFPQ.

S’ajoute à la hausse des dépenses de portefeuille une légère hausse du service de la dette qui, à 9,8 milliards de dollars, demeure le quatrième poste budgétaire de l’État, après la Santé, l’Éducation et l’Enseignement supérieur.

Une provision pour éventualités de 7,5 milliards de dollars sur cinq ans est également créée, grevant de 1,5 milliard le budget de cette année.

Enfin, un versement de 2,2 milliards de dollars dans le Fonds des générations explique pourquoi le Québec devrait enregistrer un déficit de 11 milliards en 2024-2025 au sens de la Loi sur l’équilibre budgétaire.

Rééquilibrer le budget au plus tard en 2029-2030

Pour l’instant, le ministre ne prévoit pas de renouer avec le déficit zéro, du moins, pas à court terme. Pour y arriver, Eric Girard déposera, au moment de la publication du prochain budget, un plan qui lui permettra de retrouver cet équilibre au plus tard en 2029-2030.

En attendant, des efforts d’optimisation seront déployés afin de dégager des économies de 2,9 milliards de dollars sur cinq ans, a expliqué le ministre mardi.

Certaines aides fiscales aux entreprises seront revues, d’abord, dans le but de réduire leur coût d’environ 1 milliard sur cinq ans.

Un effort équivalent sera aussi demandé aux entreprises du gouvernement comme Hydro-Québec, Loto-Québec, la Société des alcools du Québec (SAQ), la Société québécoise du cannabis (SQDC) et Investissement Québec.

La taxe sur les produits du tabac sera en outre majorée de 2 $ dès mercredi, puis une autre fois, de 2 $ encore, le 6 janvier 2025.

Le plan budgétaire présenté mardi fait près de 450 pages.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

Des initiatives visant à renforcer le contrôle fiscal et le recouvrement ainsi qu’à intensifier la lutte contre les crimes économiques seront également déployées au coût de 96,5 millions de dollars dans le but de générer des revenus additionnels sept fois plus importants (660 millions).

Mais surtout : un examen des dépenses gouvernementales sera lancé ce printemps.

L’exercice permettra notamment d’identifier des crédits d’impôt ou des exemptions de taxes qui ne produisent pas les effets escomptés. Le crédit d’impôt aux entreprises favorisant le maintien en emploi des travailleurs d’expérience, qui n’a pas eu les effets attendus, sera supprimé dès cette année, par exemple.

L’examen qui sera lancé dans les prochains mois permettra aussi d’évaluer la pertinence des programmes des ministères et organismes environnementaux, fait valoir le gouvernement.

Une dette en dent de scie

Pendant ce temps, la dette continue de croître et son poids, qui avait fléchi au sortir de la pandémie, remonte peu à peu.

Au 31 mars 2024, la dette nette du gouvernement devrait atteindre 221,1 milliards de dollars, soit 39 % de l’économie du Québec, alors qu’un an plus tôt, elle s’établissait à 206,8 milliards, soit 37,4 % du PIB.

Ce taux devrait d’ailleurs continuer de croître pour atteindre, selon le scénario de référence, 41 % de l’économie québécoise en 2026, soit le même seuil qu’au début de la pandémie, en mars 2020.

Il devrait ensuite redescendre, selon les prévisions du gouvernement, qui conserve l’objectif de réduire le poids de sa dette à 30 % du PIB d’ici 2037-2038.

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