Vieux-Montréal | Une mère et sa fille de sept ans fauchées par l ...

C’est le genre de dénouement que tous redoutaient. Une mère et sa fille d’à peine sept ans auraient péri dans l’incendie d’origine criminelle qui a ravagé un édifice du Vieux-Montréal dans la nuit de jeudi à vendredi, selon ce que des sources proches du dossier ont confié à La Presse. L’immeuble est la propriété d’Émile Benamor, qui possède aussi le bâtiment ravagé par un incendie criminel mortel l’année dernière dans le même secteur.

Le SPVM a confirmé officiellement que deux dépouilles ont été extirpées des décombres, mais refuse de discuter de leur identité pour l’instant. Des sources fiables ont toutefois confirmé à La Presse que la mère et son enfant ont perdu la vie. Plusieurs policiers, même parmi les plus endurcis, étaient sous le choc vendredi devant l’horreur de la situation.

Selon les autorités, l’incendie s’est déclaré vers 2 h 40 dans un édifice de trois étages situé à l’intersection des rues Notre-Dame et Bonsecours. La Presse a obtenu des images de caméras de surveillance qui montrent un suspect masqué, tout de noir vêtu, s’approcher de l’édifice juste avant l’apparition des flammes. Le Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) a déclenché une alarme générale pour combattre le brasier alors que de son côté, la police traite le dossier comme un incendie criminel.

Selon des sources de La Presse qui ont requis l’anonymat, car elles ne sont pas autorisées à parler aux médias, l’incendie aurait fait au moins deux morts.

Lisez l’article « Une auberge de jeunesse avec des chambres sans fenêtre »

L’immeuble abritait un restaurant et un café au rez-de-chaussée, où les flammes ont pris naissance, ainsi qu’une auberge de jeunesse de 20 chambres aux étages supérieurs. Contacté au téléphone, l’exploitant de l’auberge de jeunesse a refusé de s’identifier et de donner des informations sur l’occupation de l’établissement la nuit dernière.

Riadh Hasseni, propriétaire du restaurant Loam, qui semble être le lieu de naissance de l’incendie, était dans le noir vendredi matin. « Il est très tôt pour répondre aux questions, moi-même je n’ai pas pu approcher. Les enquêteurs font leur boulot », a-t-il déclaré.

Une personne a été transportée à l’hôpital en raison de brûlures. Selon nos informations, elle serait dans un état critique. Deux autres personnes auraient été blessées, dont une qui a été incommodée par la fumée.

« On s’attend à des décès »

« Plusieurs personnes ont réussi à sortir indemnes [du bâtiment]. Malheureusement, on s’attend à des décès », avait confirmé l’inspecteur David Shane en point de presse vendredi après-midi. Il est trop tôt pour confirmer le nombre de victimes et de blessés. Une ligne téléphonique a été mise en place pour les familles ou proches des potentielles victimes. « La collaboration du public est très importante ».

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a déclenché un plan de mobilisation, mettant à contribution plusieurs unités de sa division des enquêtes spécialisées. Le dossier a vite été transféré à la Section des Crimes majeurs du SPVM, qui travaille de pair avec le module des incendies criminels. Les pompiers devront durant les prochains jours rendre le site sécuritaire et accessible pour les enquêteurs.

« Il est impossible de confirmer actuellement le nombre de personnes décédées et leur identité » – L’inspecteur David Shane, du SPVM

Une partie de l’immeuble s’est d’ailleurs effondrée vers 4 h 20. Une alerte générale est toujours en cours et 125 pompiers sont sur place.

Incendie suspect

Plusieurs rues étaient encore bloquées par le SPVM vendredi soir dans le secteur situé près de l’hôtel de ville. Des coupures de courant sont aussi possibles dans les environs.

« L’enquête a été transférée au Service de police de la Ville de Montréal étant donné qu’il s’agit d’un incendie d’origine suspecte », a indiqué Valérie Plante, la mairesse de Montréal, dans un message publié sur X.

Le rôle d’évaluation foncière de la Ville de Montréal indique que l’édifice patrimonial est détenu par Émile Benamor. Ce dernier est aussi le propriétaire de l’immeuble situé sur la place d’Youville rasé par un incendie criminel ayant coûté la vie à sept personnes, le 16 mars 2023.

Six mois plus tard, M. Benamor avait poursuivi la Ville pour 7,5 millions, alléguant plusieurs fautes en matière de prévention d’incendie. La Cour supérieure avait finalement donné raison à la Ville sur la majorité des points de reproche.

« C’est évident que ça nous fait penser à ce qui s’est passé il y a deux ans […] Je sais qu’on a des questions, elles sont toutes très bonnes, mais il va falloir laisser le SPVM faire leur enquête », a souligné Valérie Plante après une visite du site, vendredi après-midi.

Une auberge de jeunesse

L’immeuble qui a brûlé la nuit dernière abritait une auberge de jeunesse, Le 402, qui propose des chambres à louer pour la nuit avec un salon et une salle de bain partagés. Sur le site de réservations Booking.com, les transactions avec l’établissement ont été suspendues.

L’édifice avait été inspecté à la fin septembre par les fonctionnaires du SIM, qui n’avait pas trouvé de problème majeur sur les lieux, selon nos informations.

Le SPVM et le SIM n’étaient pas capables de dire à l’heure actuelle combien de personnes logeaient dans l’hôtel.

Martin Guilbault, chef de division du SIM, a confirmé que des mises en demeure avaient été envoyées au propriétaire de l’immeuble à la suite de l’incendie de 2023. « Toutes les non-conformités majeures ont été rectifiées au printemps 2024 », a-t-il assuré. Il n’y avait pas de chambres sans fenêtre dans le bâtiment à sa connaissance, a-t-il dit.

Me Alexandre Bergevin, l’avocat qui représente les intérêts du propriétaire Émile Benamor, attendait des nouvelles des services d’urgence vendredi matin. « On s’est manifestés auprès des autorités et on se tient prêt à collaborer pour la suite. », a-t-il déclaré à La Presse.

Des dizaines d’évacués

Hatim Benallouane habite à deux pas du foyer de l’incendie. Il est l’une des nombreuses personnes à avoir dû quitter son logement au beau milieu de la nuit, sans ses effets personnels. « Les bâtiments sont vieux, ça brûlait vite. Ça menaçait de tomber. Je ne passe pas un bon matin, mais au moins je suis sain et sauf. » Il passera la journée dans le local de la Croix-Rouge destiné aux sinistrés, non loin des lieux de l’incendie. Il y a peu de chance qu’il puisse regagner son logis aujourd’hui, admet-il. « Au moins j’ai des options, de la famille. »

Othmane Hosni, sa conjointe, et leur bébé semblaient désespérés vendredi matin. Ils sont arrivés à Montréal jeudi soir. Le début de leurs vacances familiales a été chamboulé : ils ont senti la fumée et ont dû évacuer l’hôtel. « On est très fatigués. On attend pour être transféré à un autre endroit », explique M. Hosni en soupirant.

Tania Adnane, qui habite en face du 402 Notre-Dame, a déploré qu’un deuxième incendie criminel ait pu survenir dans son quartier. « La première fois, c’était triste, mais maintenant, je suis juste frustrée qu’on ait laissé ça se reproduire », a-t-elle affirmé vendredi après-midi, en revenant d’une marche avec son chien. « C’est inquiétant pour ceux qui habitent dans le quartier », a-t-elle ajouté.

Avec La Presse canadienne, Isabelle Ducas et Jean-Philippe Arcand, La Presse