Un incendie a ravagé un bâtiment patrimonial du Vieux-Montréal et ...
Au moins une personne manque toujours à l’appel à la suite d’un grave incendie qui a ravagé un bâtiment patrimonial du Vieux-Montréal dans lequel se trouvaient des logements loués à court terme sur Airbnb. Neuf personnes ont été blessées, dont trois gravement, a annoncé le Service de sécurité incendie de Montréal (SSIM), qui tente d’éclaircir les causes de cet incendie.
On en sait encore bien peu sur les circonstances ayant mené à cet incendie, mais « d’après ce qu’on a entendu », il n’y avait pas d’avertisseurs de fumée dans le bâtiment, a déclaré jeudi midi le directeur du SSIM, Richard Liebmann, lors d’un point de presse tenu à quelques dizaines de mètres du lieu de l’incendie.
« C’est important de rappeler que les avertisseurs de fumée, ça sauve des vies. Il y a des gens qui ont sauté des fenêtres. Il y a des gens qui ont dû être évacués, sauvés par des pompiers et des pompières. Plus on a du temps pour évacuer de nous-même, plus les gens vont être en sécurité. Donc, les avertisseurs de fumée, ça fait toute la différence », a insisté M. Liebmann.
L’incendie s’est déclaré vers 5 h 45 dans un bâtiment de trois étages situé sur la rue du Port, qui comprend 14 logements et un local commercial au rez-de-chaussée, occupé par la firme d’architectes Lapointe Magne et Associés. Le bâtiment est situé à l’intersection de la place d’Youville, à quelques dizaines de mètres à l’ouest du musée Pointe-à-Callière.
Tout près de ce bâtiment se trouve un hôtel dont l’ensemble des occupants ont dû être évacués très tôt jeudi matin. C’est le cas de Nate Tipple et de son ami, deux Américains en vacances dans le Vieux-Port de Montréal. « Il était environ 5 h 45 et on a juste senti de la fumée. […] On a regardé par la fenêtre et on a vu la lumière et l’alarme d’incendie s’est déclenchée. On voyait toute la fumée provenir du bâtiment, il y avait des flammes qui sortaient du bâtiment, des gens qui descendaient des fenêtres par des échelles. C’était assez épeurant », a raconté M. Tipple, rencontré près de l’immeuble ravagé par les flammes jeudi.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir
Au plus fort de l’incendie, environ 130 pompiers du SSIM avaient été dépêchés sur les lieux. Ceux-ci ont d’abord procédé à l’évacuation des occupants de l’immeuble. Prise de panique, au moins une personne a dû sauter par sa fenêtre pour fuir les flammes, tandis que plusieurs autres ont été évacuées par des échelles à partir de leur fenêtre ou du toit de l’immeuble.
Au moins neuf personnes ont été transportées à l’hôpital, dont trois pour des blessures graves, notamment en lien avec des brûlures « au niveau respiratoire », a indiqué le chef aux opérations du SSIM, Martin Guilbault. Un pompier est aussi en évaluation après avoir reçu du sang dans les yeux pendant l’opération.
Au terme de cette évacuation, les pompiers ont entamé des efforts visant à éviter que les flammes se propagent aux immeubles voisins, dans un secteur dense du Vieux-Montréal. Vers 9h14, l’incendie a ainsi été déclaré « sous contrôle » par le SSIM. Au moins une personne manque toutefois toujours à l’appel.
« Mais on ne sait pas combien d’autres personnes pourraient être manquantes parce que quelques appartements étaient loués sur Airbnb », a relevé M. Liebmann.
Depuis 2009, le propriétaire du bâtiment incendié est l’avocat Emile-Haim Benamor, indique le rôle d’évaluation foncière de la Ville de Montréal.
En janvier 2021, cet avocat a plaidé coupable devant la Cour du Québec à des accusations d’évasion fiscale. Il s’est alors vu imposer une amende de 136 180 $ pour avoir omis de déclarer 21 traites bancaires encaissées dans un compte personnel et qui totalisaient 469 591 $. « Ces montants provenaient d’un stratagème frauduleux », indiquait l’Agence du revenu du Canada dans un communiqué émis le 8 janvier 2021. M. Benamor n’avait pu être joint au moment où ces lignes étaient écrites.
L'incendie de la rue du Port dans le Vieux-Montréal est sous contrôle.
Merci au @SPVM et à @Urgences_sante pour leur précieuse collaboration lors de cette intervention.
Les représentants médias du SIM demeurent disponibles coin Saint-Nicolas/Place D'Youville.
Le bâtiment incendié, construit en 1890, est protégé en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel comme étant l’édifice William-Watson-Ogilvie. Celui-ci porte le nom de l’important homme d’affaires William Watson Ogilvie, qui a initialement fait construire cet immeuble pour y loger les bureaux de la Ogilvie Milling Company. Cette entreprise a construit les plus grands moulins à farine au Canada, incluant celui de la marque « Five Roses », dont l’enseigne lumineuse est devenue au fil des années une icône du patrimoine industriel montréalais.
« Le bâtiment dont on parle, il a l’air peut-être un peu modeste, mais c’est un bâtiment extrêmement important pour sa dimension historique », relève ainsi le directeur des politiques d’Héritage Montréal, Dinu Bumbaru. L’immeuble avait d’ailleurs conservé « beaucoup de ses qualités architecturales », note-t-il.
Ce bâtiment n’est toutefois plus que l’ombre de ce qu’il était. « Il n’y a essentiellement plus d’intérieur. Le toit s’est effondré, les étages se sont effondrés », a énuméré M. Liebmann, tout en indiquant que « les deux murs extérieurs semblent relativement stables pour l’instant ». « On va tout faire pour protéger ça », a assuré le directeur du SSIM.
Contacté par Le Devoir, le ministère de la Culture et des Communications a indiqué suivre la situation de près, étant donné le statut particulier de ce bâtiment. Dinu Bumbaru dit d’ailleurs espérer que le ministère contribuera à une éventuelle restauration de ce bâtiment, qui « a une place dans le futur, pas juste dans les livres d’histoire ».
Un musée à protégerCe bâtiment est d’ailleurs situé à un jet de pierre des installations du musée d’archéologie Pointe-à-Callière, inauguré en 1992 à l’occasion du 350e anniversaire de Montréal. Au sous-sol de ses installations se trouvent d’ailleurs les vestiges du fort de Ville-Marie, site de la fondation de Montréal en 1642.
Jeudi, Richard Liebmann a assuré que les flammes ont pu être circonscrites sur un seul bâtiment. La fumée pourrait toutefois endommager des oeuvres du musée voisin, a indiqué le directeur du SSIM, qui indique que des équipes ont été déployées pour protéger les oeuvres de l’institution,
« On a travaillé avec les gens responsables de l’exploitation du musée pour protéger le plus possible les oeuvres d’art. À ce stade-ci, il n’y a aucun dommage par le feu, mais évidemment, il y a beaucoup de fumée », a déclaré M. Liebmann.
Avec Jean-François Nadeau