Valérie Plante tourne le dos aux « vents de face »

4 hours ago
Valerie Plante

Le silence était absolu dans la petite salle de l’hôtel de ville où Valérie Plante avait convié les médias, mercredi matin. Ses dizaines de collègues et employés politiques, réunis pour l’occasion, affichaient des mines solennelles, tendues.

Publié à 1h06 Mis à jour à 5h00

« Parlez, dites quelque chose », a-t-elle blagué en s’installant au lutrin, cherchant à alléger l’atmosphère. C’est plutôt elle qui a parlé pendant 15 minutes, solide et souriante, sans répondre aux questions des journalistes par la suite.

Valérie Plante a confirmé la rumeur qui courait en coulisses depuis quelque temps : elle ne sollicitera pas un troisième mandat à la mairie de Montréal. Elle a pris sa décision dans les dernières semaines, elle qui affirmait il y a un mois à peine qu’elle serait candidate.

Il n’y aurait pas eu un élément déclencheur en particulier, soutient-on dans son entourage. Pas de problème de santé non plus. Plutôt une « réalisation », toute récente : elle ne pouvait garantir aux Montréalais un niveau d’énergie suffisant pour diriger la ville quatre années de plus.

Sur ce point, il est bien difficile de ne pas la croire.

Valérie Plante a battu Denis Coderre en 2017, à la surprise générale, pour prendre la tête d’une des métropoles les plus difficiles à gérer en Amérique du Nord. Avec ses 19 arrondissements, sa centaine d’élus, ses villes défusionnées et ses infrastructures croulantes, Montréal est à bien des égards un fouillis de catégorie olympique.

Sept ans à gérer tout ça, huit lorsqu’elle aura terminé son deuxième mandat, c’est déjà beaucoup. Même lorsqu’on se garde en forme comme le fait la mairesse de 50 ans en nageant tous les matins.

Mais Valérie Plante, première femme à tenir les rênes de la métropole, aura aussi eu à affronter une série de crises. Et pas les moindres.

Pandémie de COVID-19, explosion de l’itinérance, épidémie de surdoses, hausse de la criminalité, congestion chronique, pénurie de logements abordables, sous-financement des transports en commun : tous ces problèmes se sont accumulés et, semble-t-il, stratifiés, au cours de ses années à la mairie.

Valérie Plante a répété jusqu’à plus soif que son administration ne détenait pas tous les leviers pour s’attaquer à ces maux. C’est vrai. Le transport collectif, le logement social ou encore les ressources en santé mentale dépendent des fonds de Québec et d’Ottawa. Des fonds souvent bien insuffisants.

Mais la cheffe de Projet Montréal avait placé la barre très haut dès sa première campagne à la mairie, dans plusieurs dossiers.

Vous rappelez-vous les 60 000 nouveaux logements abordables qu’elle avait promis ? Du règlement « 20-20-20 », qui devait garantir la mixité dans tous les projets résidentiels ? De la ligne rose qui devait sillonner l’île de Montréal comme un long cobra ? De ses promesses d’améliorer la mobilité ?

Ces engagements ont fait rêver. Leur non-réalisation, même si la faute n’en revient pas entièrement à Valérie Plante, a déçu les Montréalais.

C’est d’ailleurs ce qui ressort du sondage SOM-La Presse réalisé ce mois-ci auprès de 1450 résidants de la métropole : 54 % d’entre eux ne souhaitaient pas qu’elle obtienne un troisième mandat, selon ce coup de sonde.

Les Montréalais jugent sévèrement son bilan dans plusieurs domaines clés, comme la gestion de l’itinérance, des finances publiques et de la crise du logement. La perception fait foi de tout en politique, et Valérie Plante aurait pu payer le prix de cette vague d’insatisfaction aux prochaines élections municipales.

Elle part donc de son plein gré, « la tête haute », plutôt que de courir le risque d’être défaite en novembre 2025.

Celui – ou celle – qui la remplacera héritera d’une situation difficile, dont on aura déjà un premier aperçu au dépôt du budget municipal le mois prochain.

Les « vents de face » qu’a nommés la mairesse pendant son allocution ne semblent pas près de s’apaiser. Bien au contraire.

L’aggravation des crises actuelles, dont celle des finances de Montréal, pourrait porter ombrage aux réalisations de l’administration Plante, comme ces centaines de kilomètres de pistes cyclables et ces jolis parcs éponges qui ont poussé partout en ville.

À quoi s’attendre pour la suite des choses ?

Les paris sont ouverts, tant à Projet Montréal que dans le parti de l’opposition officielle, Ensemble Montréal.

La formation de Valérie Plante tiendra une course à la chefferie dans les prochains mois. Des noms de candidats potentiels commencent déjà à circuler, comme ceux des élus Luc Rabouin, Sophie Mauzerolle, Robert Beaudry, François Limoges et Émilie Thuillier.

Une source proche du parti me dit s’attendre à beaucoup de « grenouillage » à l’interne au cours des prochaines semaines. Des candidats vedettes pourraient aussi se manifester de l’extérieur du parti. Tout est possible.

Ensemble Montréal, l’ancien parti de Denis Coderre, a lancé sa course à la chefferie la semaine dernière. Les candidats ont jusqu’au 15 décembre pour lever la main.

On entend quelques noms jusqu’ici, dont celui de l’ex-ministre libéral David Heurtel. D’autres, comme Claude Pinard, président de Centraide, se sont déjà auto-exclus de la course. Un seul candidat a officiellement déposé sa candidature : Younes El Moustir, un courtier immobilier de 32 ans.

De nouveaux partis pourraient aussi émerger du champ gauche (ou droit) et venir brouiller les cartes.

Je pense entre autres à Transition Montréal, un mouvement issu du Plateau-Mont-Royal et de Rosemont. Ce groupe est formé de citoyens qui trouvent que Projet Montréal ne va pas assez loin en matière de lutte contre les changements climatiques. Ses membres voudraient plus de pistes cyclables et d’infrastructures vertes. Le nom du parti a déjà été réservé auprès du Directeur général des élections et quelques candidats potentiels seraient sur les rangs.

Sortez le pop-corn, le spectacle commence à peine.

La mairesse sortante a encore un an et des poussières avant de terminer son mandat. Elle a promis mercredi de se consacrer « à 100 % » à la tâche jusqu’à la fin. Attendez-vous à un déluge d’annonces, puisqu’elle voudra sans doute laisser une forme de legs au terme de ses huit années à la mairie.

Dans tous les cas, Valérie Plante aura fait une chose honorable en annonçant son départ avec autant d’avance, plutôt que de s’accrocher jusqu’à la toute dernière minute comme le font d’autres chefs politiques.

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