Que retenir des mandats de Valérie Plante à la tête de Montréal?

Le 5 novembre 2017, Valérie Plante créait la surprise en devenant, à 43 ans, la première femme élue mairesse de Montréal. Tandis qu'elle termine son deuxième mandat, elle a annoncé qu'elle ne se lancera pas dans une troisième course municipale l’année prochaine. Quel legs laisse-t-elle aux Montréalais? Quatre experts notent les bons et les moins bons coups des années Plante.

Environnement : la mairesse du vélo

Le premier accomplissement de l’administration Plante qui vient en tête à Pierre Barrieau, chargé de cours en planification des transports à l’Université du Québec à Montréal? La création du Réseau express vélo, du jamais vu à Montréal pour sécuriser et améliorer l’expérience des cyclistes, d’après lui.

Ils [Projet Montréal] ont vraiment livré la marchandise. Le réseau s’étend de plus en plus et devient un joueur dominant dans la mobilité active à Montréal, souligne M. Barrieau.

Le REV de Valérie Plante connaît un vif succès populaire, avec plus de 1,5 million de passages l’année dernière. Une fois terminé, il comptera 17 axes cyclables toute l’année et fera 191 kilomètres.

Dans nos livres […] d’histoire de Montréal, ce sera la mairesse qui aura transformé le cyclisme [en ville] pour aller de quelques personnes, qui étaient plus des militants, à un vrai mode de vie.

De son côté, Danielle Pilette, professeure associée à l’École des sciences de gestion de l'UQAM, salue une autre réussite de la mairesse Plante, à son avis, soit celle d'avoir sensibilisé les citadins aux changements climatiques.

L’installation de parcs éponges, notamment, qui permettent de juguler un peu les inondations. […] Conscientiser et faire en sorte qu’il y ait des initiatives populaires qui viennent appuyer ça, comme […] maintenant les ruelles bleu-vert qui sont en expérimentation, pour absorber justement davantage d’eau de pluie.

Sous l'administration Plante, Montréal a aussi adopté un plan climat pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990.

Transports : des accomplissements… et des rêves en chantier, ou enterrés

Annoncé de longue date, le prolongement de la ligne bleue a reçu le feu vert sous l’administration Plante, en 2022. Le prochain tronçon sera mis en service en 2031, selon l'échéancier actuel.

C’est quand même quelque chose de majeur. […] C’est celle qui a réalisé le rêve, depuis l’administration de Jean Drapeau, de réaliser la ligne bleue dans l’est, dit Pierre Barrieau.

Le service rapide par bus (SRB) Pie-IX est également une des grandes réalisations de la mairesse, selon M. Barrieau.

Au rayon des déceptions, il évoque toutefois la ligne rose, promise par Projet Montréal en 2017. Elle est absolument moribonde. Il n’y a plus rien qui se passe dans cet axe diagonal, déplore-t-il.

Qu'en est-il des tramways, tant souhaités par Valérie Plante? Elle disait ne pas rêver en couleurs, au printemps dernier, en imaginant une pléthore de circuits de tramways dans la ville en 2050. En attendant, sous son administration, pas l’ombre d’un wagon en vue.

Commerces : un manque de fluidité en ville

Pour ce qui est des entreprises montréalaises, le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, retient tout d’abord que Valérie Plante aura été la mairesse résiliente, qui a traversé, avec nous, la pandémie.

C’était nécessaire, à ce moment-là, de lancer des signaux que Montréal allait continuer à fonctionner. […] La pandémie a été vécue durement, mais on s’en est bien sortis, dit M. Leblanc.

Il reconnaît aussi que l’équipe de Projet Montréal a renforcé le concept de vie de quartier, qui vient appuyer les commerces de proximité, un legs important, selon lui.

Cependant, dans la colonne des mauvais points, il note que la mairesse Plante n’a pas su enrayer la congestion au centre-ville, dont pâtissent les commerces.

La question de la fluidité du centre-ville pose de plus en plus de problèmes. Malgré toutes les tentatives d’améliorer la coordination des travaux, on a vu que c’était mal coordonné. On a aussi vu la disparition de beaucoup de voies de déplacement pour les véhicules, et le transport collectif n’a pas compensé.

Pour Pierre Barrieau, Valérie Plante a surtout hérité d’un retard de plus de 40 ans dans les chantiers. Ce n’est pas juste le routier, c’est les égouts, les aqueducs. On le voit, les problèmes qu’on a, entre autres, avec l’incident sur Notre-Dame. Notre réseau a de grands problèmes […].

L’année dernière, Montréal figurait parmi les 30 villes les plus congestionnées du monde, d’après l’Inrix Global Traffic Scorecard.

Logement et attractivité de la ville : le 20-20-20 en question

La mairesse Plante était arrivée avec d’importantes ambitions pour le logement. Sept ans plus tard, le bilan, très dépendant des investissements d’autres ordres de gouvernement et marqué par les effets de la pandémie, est jugé plutôt terne.

Dans plusieurs quartiers, la spéculation immobilière a entraîné un embourgeoisement rapide, complexifiant l’accès au logement pour les familles à faible revenu.

Entre 2020 et 2023, le nombre d’autorisations de construction de logements n’a cessé de baisser à Montréal, d'après des données de l'Institut de développement urbain du Québec. Elles sont passées de 12 631 à 5561, alors que le règlement pour une métropole mixte était censé faire grandir le parc immobilier abordable.

Le règlement 20-20-20 est une initiative pour favoriser la mixité sociale et l’accès au logement abordable.

Modifié depuis son entrée en vigueur, en 2021, il exigeait que les promoteurs construisent 20 % de logements sociaux, 20 % de logements familiaux et 20 % de logements abordables.

Pour Christian Savard, directeur général de l’organisme Vivre en ville, la stratégie de l'administration Plante n’a pas eu les effets escomptés.

Peut-être [qu’un] certain retard sur la prise en compte de la crise de l’habitation fait en sorte qu’on va peut-être souffrir dans les prochaines années un peu plus qu’on aurait dû, si on avait posé des gestes plus tôt, pas que miser sur le règlement 20-20-20.

Corollaire de la crise du logement, l’itinérance a crû à Montréal, exacerbée par la pandémie de COVID-19. Et même si des refuges temporaires ont été créés, la situation reste difficile dans plusieurs quartiers.

L’arrondissement de Ville-Marie, selon Danielle Pilette, n’arrive pas à freiner des problèmes aigus de sécurité publique et d’itinérance. On a perdu du terrain pendant la pandémie et ce terrain n’a jamais été récupéré.

La professeure regrette aussi une explosion du budget et du nombre d'employés à la Ville de Montréal. Plus on a de fonctionnaires, plus on a de l'encadrement, et plus les risques de politisation des enjeux sont grands et souvent inutiles. Et même contre-productifs.

N'empêche que, malgré tous ces points, Montréal reste très attrayante, note Christian Savard. L’année dernière, sa population a augmenté de 4,3 %, une croissance démographique presque deux fois plus rapide que dans l’ensemble du Québec. Le mythe que tout le monde veut quitter Montréal […] n’existe pas, c’est une ville qui attire encore.

Avec les informations de Mathieu Prost