Tentative d'assassinat contre Trump | Violence politique américaine

2 days ago
Trump

(Washington) « Il n’y a aucune place dans notre pays pour la violence politique et la violence tout court », a dit Joe Biden dimanche.

Publié à 1h25 Mis à jour à 5h00

C’était la deuxième fois en deux mois que le président des États-Unis devait dénoncer une tentative d’assassinat sur le candidat républicain à la plus haute fonction du pays. Avec exactement les mêmes mots.

Ce qui prouve qu’au contraire, il y a beaucoup de place pour la violence politique aux États-Unis, comme il y en a pour la violence armée tout court.

Encore une fois, incroyablement, Donald Trump a échappé de justesse à un assassinat en pleine campagne électorale. Cette fois, aucun projectile n’a été tiré en sa direction. Un homme avec une arme de style militaire était pourtant bien installé pour le tuer et probablement filmer l’assassinat en direct.

Il n’y a pas que Donald Trump qui l’a échappé belle. Les conséquences politiques et sociales pour le pays d’un tel attentat, à 50 jours de l’élection, auraient été incalculables.

Cette fois, on pourra peut-être un peu mieux comprendre les motivations du suspect. Le profil de cet homme de 58 ans est totalement différent de celui qui a raté la tête de Donald Trump de quelques millimètres le 13 juillet. Un jeune homme de 20 ans cette fois-là.

Déjà, des hypothèses sur le mobile sont avancées : Ryan Routh, l’homme arrêté dimanche, était un ardent supporteur de l’effort de guerre en Ukraine, d’après ce que rapportent divers médias.

Mais sera-t-on vraiment plus avancé si, dans son interrogatoire par le FBI, l’homme dit qu’il voulait tuer Trump à cause de sa politique envers la Russie et l’Ukraine ?

On comprendra ses motivations apparentes. Mais ça n’expliquera pas comment un individu déjà condamné pour divers crimes, dont possession d’un fusil-mitrailleur militaire, a décidé de passer à l’acte. S’est trouvé en possession de son arsenal. A mis à exécution son plan. A failli réussir.

Il l’a fait parce qu’il le pouvait. Comme ces centaines de tueurs de masse qui passent à l’action régulièrement dans un restaurant, une église, un bureau de poste, un centre commercial, un McDonald’s…

Les attentats contre des politiciens ne sont malheureusement qu’une manifestation de la violence par les armes tout court. Et qui, au degré renversant où elle se trouve, distingue ce pays de toutes les autres démocraties constitutionnelles.

Certains déjà accusent la rhétorique politique agressive, et c’est vrai que la violence verbale a atteint un degré inquiétant. Donald Trump, grand utilisateur de métaphores violentes, parle dans chaque discours d’une menace existentielle aux États-Unis s’il perd l’élection. Kamala Harris, à la suite de Joe Biden, parle de menaces à l’État de droit si Trump l’emporte.

Quel que soit le côté de l’anxiété politique où l’on se trouve, le fait est que des millions de personnes perçoivent l’issue de cette élection de manière extrêmement dramatique. Vitale.

La théorie de l’incivilité grandissante du discours et de la division extrême du pays est séduisante, mais elle n’est pas satisfaisante.

Ce pays a appris à vivre depuis longtemps avec la violence politique, bien avant ce qu’on appelle « la division ».

Je ne parle pas seulement des quatre présidents en fonction assassinés. Ou des candidats. Ou des leaders politiques, comme Martin Luther King.

Cette union a été maintenue au prix d’une guerre civile qui a encore des échos en 2024. Abraham Lincoln a payé de sa vie la victoire de l’armée de l’Union et la fin de l’esclavage.

Depuis ce jour de novembre 1963 où John F. Kennedy a été assassiné, chaque présidence a été marquée par au moins un complot d’assassinat déjoué, et pour lequel les auteurs ont été condamnés devant la cour criminelle. Ils ont visé démocrates et républicains.

Un militant de gauche s’est rendu tirer sur des élus républicains en 2017, et un militant d’extrême droite s’est rendu chez Nancy Pelosi pour la kidnapper, et a presque tué son mari. Un commando armé s’est fait arrêter juste avant de kidnapper la gouverneure du Michigan, Gretchen Whitmer. Etc.

Je doute fort que si jamais, par impossible, le combat politique devenait plus civil, les agressions de ce type disparaissent aux États-Unis.

Aucun politicien ne justifie l’usage de la violence, mais tout le monde l’a plus ou moins internalisée. Elle est emmaillée au tissu social américain. « Ça fait partie de la job : tu veux être président, attends-toi à ce qu’un fou veuille te tirer dessus », me disait un militant à la convention de Milwaukee, pas trop troublé par l’attentat contre son candidat.

Ce pays a intériorisé le bruit des coups de feu, sorte de bruit de fond.

Jeudi, à la porte du petit local du Parti républicain dans une petite ville de l’Arizona, j’ai vu cette affiche : « Si vous avez une arme, vous êtes le bienvenu, car nous sommes de fiers défenseurs du deuxième amendement ». Une réponse à tous les commerces qui affichent : arme à feu interdite ici. Les gens à l’intérieur étaient de sympathiques grands-parents très loin de Rambo. L’idée que, peut-être, un cinglé d’un autre parti, ou d’aucun parti, ou de leur parti vienne avec une arme dans un jour de rage ou de délire les inquiète moins qu’une restriction du droit inaliénable d’en porter une.

On apprendra bientôt les « raisons » de Ryan Routh. Je mets des guillemets parce que l’apparence politique peut être trompeuse.

Dans le cas de Thomas Crooks, en juillet dernier, des démocrates ont accusé en coulisse l’ancien président d’être victime de sa rhétorique violente. Des républicains ont dit que c’était la faute des démocrates, qui parlent sans cesse de fascisme et de dictature.

On a su que le jeune homme avait entretenu toutes sortes d’idées politiques. Et qu’il avait vérifié les déplacements de Biden comme ceux de Trump. Il a commis un attentat politique majeur, mais dénué de toute vraie signification politique.

Juste pour tuer. Pour exister devant « le monde ». Parce que c’était possible.

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