La Banque du Canada maintient son taux directeur à 5 %
Après avoir augmenté son taux directeur à dix reprises en un an et demi pour tenter de calmer l'économie en surchauffe, la Banque du Canada opte cette fois pour une pause dans sa guerre contre l’inflation. Le taux directeur de la banque centrale restera donc à 5 %, au moins jusqu'en octobre.
Les données récentes de l’indice des prix à la consommation (IPC) révèlent que les pressions inflationnistes demeurent généralisées, constate la Banque du Canada. [...] Compte tenu de la hausse récente des prix de l’essence, l’inflation mesurée par l’IPC devrait être plus élevée à court terme, avant de redescendre.
Étant donné les signes récents montrant que la demande excédentaire diminue dans l’économie, et comme les effets de la politique monétaire se font sentir avec un décalage, le Conseil de direction a décidé de maintenir le taux directeur à 5 %.
L'institution se dit cependant préoccupée par l'inflation sous-jacente qui fléchit à peine et prévient qu'elle pourrait devoir augmenter encore son taux directeur.
Les mesures de l’inflation fondamentale sur un an et sur trois mois avoisinent maintenant 3,5 %, ce qui indique qu’il n’y a presque pas eu de mouvement à la baisse de l’inflation sous-jacente récemment, explique-t-on.
Mais la croissance ralentit malgré tout au pays. L’expansion économique a nettement ralenti au deuxième trimestre de 2023, la production s’étant contractée de 0,2 % en taux annualisé, écrit le conseil de direction de la banque centrale. Cela reflète une baisse marquée de la croissance de la consommation et un recul de l’activité dans le secteur du logement, de même que les répercussions des feux de forêt dans de nombreuses régions du pays.
La plupart des économistes s’attendaient à cette décision des gouverneurs de la Banque. À notre avis, elle a fait ce qu’elle devait faire en termes de hausse de taux pour ralentir l’économie suffisamment pour mener le taux d’inflation à 2 % de façon durable, estimait mardi Robert Hogue, économiste en chef adjoint à la Banque Royale.
Après avoir atteint un sommet de 8,1 % en juin 2022, l’inflation atteignait à 3,3 % en juillet, soit tout juste à la limite de la fourchette de 1 % à 3 % dans laquelle la Banque du Canada tente de ramener l’inflation depuis bientôt deux ans.
L’indice des prix à la consommation (IPC) était brièvement entré dans cette fourchette en juin (2,8 %) avant de remonter de 0,5 point de pourcentage en juillet sous l’effet d’une croissance toujours vigoureuse.
Une pause très attendueCette pause de la banque centrale dans la lutte contre l’inflation est très attendue par les ménages canadiens et les entreprises, qui doivent non seulement composer avec des hausses de prix généralisées, mais aussi absorber des augmentations importantes des taux d’intérêt, notamment sur les prêts hypothécaires.
Un prêt hypothécaire de cinq ans fermé à taux fixe coûte actuellement autour de 6,8 % d’intérêt, comparativement à 7 % pour le même prêt à un taux variable réduit. Ce qui représente, dans les deux cas, des paiements mensuels de plus de 2800 $ pour un prêt hypothécaire d’environ 400 000 $ amorti sur 25 ans.
Ajoutons à cela une flambée du prix des loyers, une inflation persistante de près de 9 % sur le prix du panier d’épicerie et des hausses spectaculaires du prix des véhicules.
Pressions politiquesLa situation économique inquiète à un point tel que le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, et son homologue de la Colombie-Britannique, David Eby, ont écrit au gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, pour lui demander de faire preuve de retenue. Les deux premiers ministres craignent que le remède – les hausses du taux directeur – ne soit devenu pire que le mal que la banque essaie de combattre.
Vous voulez détruire la vie des gens, vous voulez voir des gens en faillite perdre leur maison? Continuez d’augmenter les taux d’intérêt… C’est entre vos mains.
Au Québec, le premier ministre François Legault ne leur a pas emboîté le pas, estimant qu’il est préférable de laisser la Banque du Canada faire son travail.
Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, a pour sa part réitéré en juillet son intention de congédier le gouverneur de la Banque du Canada s'il devient premier ministre.
Le chef de l'opposition officielle à la Chambre des communes estime que Tiff Macklem agit à la solde du gouvernement Trudeau en gonflant artificiellement les coûts des logements au cours des trois dernières années.
Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, lors de son passage dans une épicerie de Vancouver, en juillet dernier.
Photo : La Presse canadienne / DARRYL DYCK
La Banque du Canada est une institution dont l'indépendance du pouvoir politique est garantie par la loi.
Conscient de l'effort que la Banque demande aux Canadiens pour calmer une économie en surchauffe, Tiff Macklem a assuré en juillet que les membres de son conseil de direction sont bien au fait des risques associés à une trop forte augmentation du taux directeur. La difficulté étant de déterminer si les augmentations passées mettent plus de temps que prévu à agir sur l'économie ou si elles ne sont pas suffisantes. Rappelons qu'il faut en moyenne compter environ 18 mois pour mesurer l'impact de telles mesures sur l'économie d'un pays comme le Canada.
La prochaine révision du taux directeur de la Banque du Canada est prévue pour le 25 octobre. La Banque déposera également à ce moment son Rapport sur la politique monétaire.