Donald Trump, dos au mur

12 Jun 2023
President Trump

Donald Trump peut-il être condamné et se retrouver en prison ? L’inculpation de l’ancien président qui veut le redevenir est-elle, en 2023, politiquement bonne ou mauvaise pour sa cause, lui qui excelle dans le rôle du martyr persécuté ?

La question ici n’est pas de savoir si les 37 chefs d’accusation publiés la semaine dernière contre lui — photos et transcriptions à l’appui — sont solides ou non.

Au moins une bonne partie d’entre eux sont accablants. Le déni en bloc devant une foule de détails irréfutables, les images publiées, déclarations, conversations enregistrées, textos et courriels de l’accusé principal et de ses acolytes, déclarations souvent incohérentes et contradictoires entre elles : tout cela dépasse l’entendement.

J’ai les documents ; je ne les ai pas. On les a rendus ; oui, mais… pas tous. De toute façon, ils m’appartiennent. Ils ne sont plus classifiés, du simple fait de ma volonté toute-puissante, en clignant des yeux… mais au fait, certains le sont encore. Faisons en disparaître quelques-uns.

Etc., etc.

La légèreté dans le traitement et la manutention de ces documents volés à l’État, sur lesquels un président qui ne l’est plus cesse d’avoir des droits… La manière puérile, enfantine, avec laquelle Trump parade et fait voir certains de ces documents — cartes, notes d’espionnage, plans d’attaque — à des amis et à des visiteurs, comme s’il s’agissait de trophées de chasse ou de photos croustillantes… tout cela s’additionne pour monter un dossier qui, normalement, devrait tenir tout seul et aboutir aisément à une condamnation.

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Soulignons le discours opportuniste, à géométrie variable, de Trump qui, en 2016, s’indignait haut et fort de la confusion, par son adversaire Hillary Clinton, entre courriels privés et courriels du département d’État.

Il avait alors déclaré que c’était là un « scandale horrible […] qui mérite la prison. […] Pour moi [Donald Trump], la sécurité des documents classifiés sera une haute priorité ». Pendant ses quatre années au pouvoir, il fera dix fois pire qu’Hillary Clinton, de façon continue, s’estimant continuellement au-dessus des lois.

Trump est l’un de ces personnages passablement transparents qui, lorsqu’ils accusent autrui d’être ceci ou cela, de faire ou de vouloir faire tel ou tel acte répréhensible, sont à 100 % dans la projection.

En ce sens qu’ils accusent précisément l’autre… d’être ce qu’ils sont eux-mêmes, de faire ou de vouloir faire ce qu’ils font ou voudraient faire eux-mêmes. Par exemple : politiser la justice, à des fins de « châtiment »… une fois que je serai moi-même au pouvoir.

Pour Donald Trump, étranger au concept de justice indépendante, tout cela est forcément téléguidé par le président Joe Biden… pourquoi ? Parce que c’est exactement ce qu’il ferait, s’il était à sa place. Projection.

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Le problème, c’est que même si l’accusation est objectivement fondée, et que les faits sont avérés, vérifiés et revérifiés après un procès en bonne et due forme, il y a autour de l’accusé un phénomène de « culte de la personnalité » tel qu’aucune démonstration ne saura jamais convaincre la « foule MAGA » que son héros est un criminel.

Car le défi de Donald Trump et du mouvement social considérable qu’il a derrière lui est un défi de plus en plus direct contre l’État de droit, la séparation des pouvoirs, la démocratie élective. C’est la menace d’un « 6 janvier » démultiplié si jamais on cherchait vraiment à l’attraper.

Trump joue la violence potentielle de la foule contre la légalité. Les paroles de Kari Lake, passée à un doigt de l’élection au poste de gouverneure de l’Arizona en novembre 2022, résument bien l’affaire :

« Si vous voulez atteindre le président Trump, vous devrez me passer sur le corps, vous devrez passer sur le corps de 75 millions d’Américains comme moi. […] J’ajoute que la plupart d’entre nous avons la carte de la NRA [National Rifle Association]. Ceci n’est pas une menace, c’est une annonce de service public. »

Ces paroles donnent froid dans le dos. Peut-on prétendre que ce ne sont que des mots ? Reste à voir combien d’Américains sont vraiment en faveur un tel degré de violence. C’est ce qu’on verra dans l’année qui vient, qui s’annonce comme l’une des plus dangereuses de l’histoire des États-Unis.

François Brousseau est chroniqueur d’affaires internationales à Ici Radio-Canada. [email protected]

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