(Toronto) La grève de Postes Canada qui a interrompu la livraison du courrier à travers le pays a mis en difficulté les petites entreprises alors que la saison la plus achalandée pour les ventes commence.
Tara Deschamps La Presse Canadienne
Depuis que 55 000 membres du personnel de la société d’État responsable du transport du courrier se sont mis en grève vendredi pour réclamer des salaires équitables et des conditions de travail plus sûres, les entreprises cherchent frénétiquement d’autres moyens de faire parvenir les commandes à la clientèle de manière rapide et abordable.
Les plus petites entreprises du pays affirment que plus la grève se prolonge, plus elle causera de dommages.
« Il s’agit d’une lutte acharnée et un peu dévastatrice, a souligné Jessica Duffield, propriétaire de Wishes & Whatchamacallits, une petite entreprise qui vend des produits inspirés de la culture pop. Est-ce que vous arrêtez votre boutique et perdez tout votre élan ou essayez-vous de faire en sorte que cela fonctionne ? »
Au début de la grève, Wishes & Whatchamacallits avait environ 40 commandes à traiter. La plupart des impressions et des autocollants vendus par l’entreprise de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, sont généralement expédiés par Postes Canada, car c’est l’option la plus abordable.
Les articles plus volumineux et plus lourds, comme des chandails ou les travaux personnalisés, sont généralement expédiés par colis suivi pour 8 $ par Postes Canada. L’envoi des mêmes produits par d’autres services de messagerie coûterait à Mme Duffield plus de 20 $ par envoi.
« Cette semaine, j’ai dû vraiment me démener pour déterminer si je vais devoir absorber tous ces coûts supplémentaires, a indiqué Mme Duffield. Je ne peux pas contacter les clients et annuler les commandes. Cela me dévasterait pour le temps des fêtes. »
L’utilisation de services de livraison alternatifs serait beaucoup plus coûteuse et plusieurs ne suivront pas les colis qu’elle expédie jusqu’à ce qu’ils arrivent à Halifax. Elle envisage donc de conduire 45 minutes de l’autre côté de la frontière américaine jusqu’au Maine pour déposer certaines des commandes dans une boîte aux lettres.
« [Pour] le reste, je devrai probablement assumer une partie de ces dépenses en utilisant un service de messagerie », a-t-elle observé.
Une question de coût et de capacitéDan Kelly, président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, a parlé ces derniers jours à de nombreuses petites entreprises qui lui ont dit que les solutions de rechange à Postes Canada coûtaient deux à trois fois plus cher que celles de la société d’État.
Même celles qui peuvent se permettre d’opter pour d’autres services ont souvent des problèmes de capacité.
« Ce n’est pas comme si ces compagnies de livraison du secteur privé avaient une capacité excédentaire énorme, c’est donc un véritable défi », a déclaré M. Kelly, dont l’organisation représente plus de 97 000 petites entreprises au Canada.
Alors que de nombreuses entreprises assument le coût supplémentaire de l’expédition des marchandises vers la clientèle, certaines d’entre elles sont également confrontées à un autre problème : les chèques et les factures bloqués dans le système postal.
« Il y a encore un grand nombre d’entreprises qui paient d’autres entreprises, des fournisseurs ou leurs clients commerciaux au moyen d’une facture papier par la poste, a-t-il expliqué. Il faut des jours, voire des semaines, pour que tout soit réglé. »
La plupart des petites entreprises n’ont pas autant de temps à perdre. Avec le Vendredi fou du 29 novembre et le début des achats de Noël, elles cherchent désespérément des solutions qui ne bouleverseront pas leur saison la plus chargée, au cours de laquelle M. Kelly estime que certaines petites entreprises réalisent jusqu’à 40 % de leurs ventes annuelles.
OplusN, un fournisseur de maroquinerie artisanale de Toronto, effectue environ 70 % de ses ventes à cette période de l’année.
« La grève a causé des retards importants, affectant notre capacité à honorer les commandes à temps et impactant la satisfaction des clients », a partagé le propriétaire Omid Habibi dans un courriel.
Diverses optionsPour faire face à la situation, M. Habibi a ajouté une option de ramassage local, qui offre aux acheteurs une réduction s’ils récupèrent leur commande directement auprès de l’entreprise. Il utilise également un programme dans le cadre duquel le géant du commerce électronique Amazon honorera certaines des commandes d’OplusN.
« Bien que les frais soient élevés et nous laissent avec un bénéfice minimal, cela garantit des livraisons ponctuelles pendant cette période critique », a dit M. Habibi.
Harley Finkelstein, président de Shopify, le géant des logiciels de commerce électronique privilégiés par les petites entreprises, a martelé qu’une grève deux semaines avant le Vendredi fou « dévaste » les petites entreprises.
« En tant que principale plate-forme canadienne, cela a des conséquences énormes : les petites entreprises en subiront injustement le poids », a-t-il déclaré sur X.
Bon nombre de ces entreprises sont également épuisées. Elles sont sorties de la pandémie de COVID-19 pour se débattre avec des pénuries de main-d’œuvre et l’inflation et ont dû faire face ces derniers mois à une série de conflits de travail dans les ports de Montréal et de Vancouver qui ont fait grimper le coût de leurs activités et leur nervosité.
« Il n’est surprenant pour personne que les petites entreprises aient été mises à rude épreuve au cours des deux dernières années », a conclu M. Kelly.