Polytechnique : « La blessure du 6 décembre 1989 appartient à tous ...
Le 6 décembre 1989, Annie Ross devait assister aux présentations de fin d'études de ses camarades de génie mécanique de Polytechnique. Toutefois, quelques minutes avant de mettre les pieds dans la classe visée par le tueur, elle décidait de rentrer à la maison pour étudier en vue de ses examens à venir. Le temps de rentrer chez elle, le massacre était déjà terminé.
C'était il y a 35 ans. Annie Ross n'avait jusqu'ici jamais pris la parole publiquement. Elle a relaté pour la première fois la journée qui a pris la vie de ses amies vendredi, au micro de l'émission Tout un matin.
Le 6 décembre 1989, un tireur fait irruption à Polytechnique. Il assassine 14 femmes et blesse 13 personnes avant de s’enlever la vie. Ce n’est que plusieurs années plus tard que la société québécoise parlera de cette tuerie comme d'un féminicide.
Alors âgée de 22 ans, Annie Ross prend connaissance du drame dès son arrivée à la maison. Elle appelle rapidement ses parents pour les assurer de sa sécurité, puis se met à la recherche de ses amies. Recherches qui se sont avérées dévastatrices.
Pendant plusieurs années, la jeune femme a tenté d'étouffer sa peine, sans jamais y parvenir. À l'époque, j’avais déjà perdu des personnes très proches de moi, d’abord ma mère, et ensuite, mon grand frère. En quelque sorte, je savais ce que j’avais à faire; je n’avais qu’à prendre cet événement-là, en faire une petite boule bien serrée [...] et d’attendre que la douleur se dissipe.
Mais cette fois-ci, ça été un peu plus compliqué, parce que la blessure du 6 décembre 1989 n’appartenait pas qu’à moi, elle appartenait à toute la société québécoise.
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Trente-cinq ans après le féminicide de l'école Polytechnique, on tente toujours de comprendre cette haine envers les femmes. Un reportage de Sophie Langlois.
Aujourd'hui, Mme Ross peut affirmer que cette journée aura consolidé son désir de devenir ingénieure mécanique. Il y a de ces événements dans la vie qui, plutôt que de nous freiner, contribuent à nous propulser, a-t-elle confié à Patrick Masbourian.
Celle qui est aujourd’hui professeure de génie mécanique et vice-présidente adjointe à la recherche à Polytechnique Montréal souhaite se faire entendre, car elle aimerait libérer la parole de d'autres qui, comme elle, ont trop longtemps refoulé la douleur associée à cet événement.
Je soupçonne que plusieurs personnes ont vécu ce processus-là sur un chemin un peu parallèle. Je pense en particulier aux hommes qui étaient les confrères de classe [de ces femmes]. C’est important d’être à l’écoute de ce que ces personnes ont à dire aussi, souligne-t-elle.
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