Démission de Pierre Fitzgibbon | L'électron libre qui n'a pas changé

15 days ago

Le style de la « bibitte » n’a jamais changé en politique. Si le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, détonnait dans la sphère publique par son franc-parler, rarement le principal intéressé a surpris ses amis et ses connaissances de longue date dans les cinq dernières années.

Pierre Fitzgibbon - Figure 1
Photo La Presse

Publié à 1h15 Mis à jour à 5h00

« C’est what you see is what you get, résume André Bourbonnais, à la tête d’un fonds de capital-investissement chez BlackRock. Je n’ai jamais senti qu’il jouait un rôle. Je n’ai jamais senti que l’on avait eu autre chose que la ‟bibitte” Fitzgibbon. »

M. Bourbonnais – un ami du superministre – et d’autres personnes ayant côtoyé le ministre avant son saut en politique ont décrit son style dans le cadre d’entrevues réalisées l’an dernier avec La Presse.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

André Bourbonnais est à la tête d’un fonds de capital-investissement chez BlackRock.

Les dénominateurs communs ? Quelqu’un qui n’a « pas la langue de bois », qui « dit ce qu’il pense », qui « n’a pas peur de l’exprimer », qui « lit ses dossiers » et doté d’un réseau de contacts « hors du commun ».

« Mais je n’ai pas vu de personnalité différente à la télévision par rapport à quand j’ai l’occasion de souper avec lui », confie M. Bourbonnais, ex-grand patron d’Investissements PSP — qui gère les régimes de retraite des employés fédéraux.

Pierre Fitzgibbon - Figure 2
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Son chemin a croisé celui du ministre sortant à la fin des années 1990 au sein du groupe Telesystem. Les deux hommes travailleront également ensemble dans les années qui mèneront à l’entrée en Bourse de la firme Addenda Capital, en 2004. M. Fitzgibbon était alors employé de la Banque Nationale.

Franc-parler

Poids lourd du gouvernement Legault, M. Fitzgibbon s’est régulièrement retrouvé sous les projecteurs au cours de son passage en politique en raison de son franc-parler, de sa tendance à exprimer le fond de sa pensée et de ses allures d’électron libre.

C’est le ministre qui s’était lui-même qualifié de « bibitte » après son arrivée en politique.

« Est-ce que je reconnaissais chez lui des traits de caractère ? Oui, lance Andrée-Lise Méthot, fondatrice et associée directrice de Cycle Capital Management. C’est quelqu’un qui partage son point de vue. Je pense qu’il est comme cela dans la vie. Point. »

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Andrée-Lise Méthot, fondatrice et associée directrice de Cycle Capital Management

Dans les nombreux postes qu’il a occupés dans le secteur privé avant de se présenter sous les couleurs de la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2018, M. Fitzgibbon avait notamment été conseiller pour l’un des fonds de la plateforme québécoise spécialisée en capital de risque dans les technologies propres.

Pierre Fitzgibbon - Figure 3
Photo La Presse

Le mandat : donner son avis sur des dossiers d’investissement.

« Un conseiller, ce n’est pas là pour nous dire ce que l’on veut entendre, c’est pour nous dire ce qu’il pense, résume Mme Méthot. Pierre Fitzgibbon est excellent là-dedans. Il lit aussi ses dossiers. Et ça, ça élève la conversation. »

Et le franc-parler ne fait pas d’exceptions.

Architecte du spécialiste des trains d’atterrissage Héroux-Devtek, Gilles Labbé connaît le ministre démissionnaire depuis 40 ans. Les deux hommes ont obtenu leur diplôme à HEC Montréal la même année, en 1978. Le ministre a aussi brièvement siégé au conseil d’administration de la multinationale québécoise en 2018.

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Gilles Labbé, président exécutif du conseil d’administration d’Héroux-Devtek

« Un projet qui n’a pas d’allure et qui est présenté, il [Pierre] ne se gênerait pas pour le dire », raconte M. Labbé.

Mme Méthot ainsi que MM. Labbé et Bourbonnais ont été surpris en 2018 au moment d’apprendre que le principal intéressé faisait le saut en politique. La décision a suscité l’étonnement, mais la politique n’a pas eu raison du style de M. Fitzgibbon, disent-ils.

Pierre Fitzgibbon - Figure 4
Photo La Presse
« Il connaît le monde »

Le superministre détonnait également dans les officines gouvernementales.

Sa connaissance du milieu québécois des affaires et l’étendue de son réseau de contacts pouvaient surprendre dans les rencontres internes, raconte un ancien conseiller politique, qui a demandé à ne pas être identifié pour ne pas nuire à sa carrière.

« Il connaît le monde, leurs qualités et leurs défauts, résume l’ex-conseiller. C’était difficile, comme ministre, de trouver quelqu’un qui avait plus de connaissances du milieu économique. »

Son style ne convenait cependant pas à tous. Le ministre en menait large, ce qui pouvait aussi déplaire. C’était les « qualités de ses défauts », ajoute cet ancien conseiller.

Pierre Fitzgibbon avant la politique

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Pierre Fitzgibbon en 2007, alors qu’il venait d’être nommé président et chef de la direction d’Atrium Innovations

Vice-président aux finances et chef de la direction financière de la Corporation des Tapis Peerless de 1988 à 1992

Chef des finances et président de la division Emballage chez Domtar de 1992 à 1997

Président de Telesystem International Wireless (TIW) Asie de 1997 à 1999

Président de New World Mobility de 1999 à 2002

Vice-président et chef de la direction financière de la Banque Nationale de 2002 à 2007

Président et chef de la direction d’Atrium Innovations de 2007 à 2014

Membre de conseils d’administration : Transcontinental (2009-2017), WSP (2016-2018), Héroux-Devtek (2018), Lumenpulse (2013-2017), Caisse de dépôt et placement du Québec (2009-2012), Arianne Phosphate (2014-2016), fonds d’investissement Partenaires Walter capital (2015-2018)

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