Peter Nygard est condamné à 11 ans de prison pour 4 viols

L'ex-baron canadien de la mode Peter Nygard, reconnu coupable en novembre de quatre chefs d'accusation d'agressions sexuelles à Toronto, a été condamné en cour lundi à 11 ans d'emprisonnement.

La Couronne réclamait 15 ans de prison contre Peter Nygard pour le viol des quatre femmes.

La défense demandait une peine de 6 ans, invoquant l'âge de l'homme de 83 ans et ses problèmes de santé.

Les procédures judiciaires ont été retardées à plusieurs reprises, entre autres à cause des changements d'avocat de Nygard. Par ailleurs, le prononcé de la peine a dû être reporté le mois dernier, parce que l'un des procureurs était à l'étranger.

Peter Nygard était accusé d'avoir agressé sexuellement cinq femmes, dont une mineure, dans son ancien atelier de mode de Toronto entre 1986 et 2005. Il avait toutefois été acquitté de deux accusations de confinement forcé et du viol de la plaignante no 3.

Lors du prononcé de la peine lundi, le juge Robert Goldstein de la Cour supérieure de l'Ontario l'a décrit comme un homme qui a connu un « grand succès » de carrière, mais qui est aussi un « prédateur sexuel » qui « leurrait de jeunes victimes ».

Le magistrat a souligné que l'une de ses victimes n'avait que 16 ans au moment du crime. Peter Nygard portait un manteau d'hiver, capuchon sur la tête, en cour.

[Peter Nygard] a utilisé sa richesse et son pouvoir pour commettre quatre agressions sexuelles.

Le magistrat ajoute qu'il est « narcissique » et qu'il se croyait « au-dessus de tout ». Son entreprise produisait des vêtements pour femmes sous plusieurs marques et possédait des manufactures au Canada et aux États-Unis.

Ses victimes avaient peur [à l'époque] qu'il détruise leur vie [si elles portaient plainte].

Compte tenu du temps déjà passé en détention durant les procédures judiciaires, il lui reste un peu moins de sept ans à purger en prison. Par ailleurs, il sera admissible à une libération conditionnelle dans deux ans, soit le tiers de sa peine restante.

Le juge dit avoir tenu compte de l'âge et de l'état de santé précaire de Peter Nygard, qui est arrivé au tribunal en fauteuil roulant, comme facteur de « mitigation » dans la détermination de la peine. Le magistrat a toutefois laissé entendre que le prévenu avait exagéré ses problèmes de santé.

Le juge estime par ailleurs que le succès et la générosité de l'ex-homme d'affaires ne devraient pas être utilisés comme éléments atténuants pour sa sentence.

Peter Nygard devra soumettre un échantillon d'ADN, et son nom sera inscrit au registre des délinquants sexuels pour les 20 prochaines années.

Le châtiment du juge Goldstein est une gifle au visage de la défense, qui demandait une peine de 6 ans de prison de laquelle elle souhaitait déduire 33 mois pour le temps que son client a passé en détention préventive depuis son transfert du Manitoba à l'Ontario.

L'avocate de la défense, Gerri Wiebe, indique que son client fera appel du jugement, sans donner de détails pour l'instant.

Il va continuer à se défendre [...] et à clamer son innocence.

Durant le procès, Me Wiebe a soutenu que son client devait bénéficier d'une certaine clémence à cause de son âge avancé et de sa santé précaire.

Elle avait expliqué que la détention préventive de son client avait déjà eu un impact considérable sur sa santé et son moral.

Me Wiebe avait énuméré toutes les affections dont Peter Nygard est atteint : diabète, glaucome, problèmes respiratoires et cardiaques, douleurs au dos et aux genoux, claustrophobie…

Elle affirmait que Peter Nygard avait perdu presque toute mobilité et qu'il avait maigri de 13 kg depuis son transfert du Manitoba à l'Ontario et qu'il ne pèse plus que 74 kg.

Me Wiebe soulignait par ailleurs que la peine de 15 ans que réclamait la Couronne était disproportionnée et injuste à la lumière de la jurisprudence au pays.

Elle avait recommandé une peine de deux ans moins un jour (six ans moins le temps passé en détention préventive, NDLR) pour que son client puisse poursuivre sa détention dans une prison provinciale.

La Couronne réclamait une peine consécutive pour refléter la gravité des crimes que Peter Nygard a commis. Le châtiment qu'elle proposait représentait trois ans et sept mois de prison pour chacune des victimes.

Le procureur Neville Golwalla disait que Peter Nygard avait usé de son pouvoir, de son argent et de sa notoriété pour attirer ses victimes en leur faisant miroiter un emploi dans la mode et qu'il avait utilisé des subterfuges pour convaincre ses victimes de monter dans la suite privée de son siège social de Toronto.

Me Golwalla était prêt à lui accorder un crédit d'environ 3 ans à cause des 1009 jours qu'il a passés en détention préventive.

Le crédit doit toutefois représenter une année de prison pour chaque année passée en détention et non un crédit habituel d'une année et demie pour un an d'emprisonnement comme le demandait la défense.

Le procureur affirmait enfin que la peine devait être exemplaire et proportionnelle à la gravité des crimes commis et au degré de culpabilité morale de l'agresseur.

Nous saluons le courage [des plaignantes]. Nous espérons que le verdict du jury et les déclarations du juge Goldstein les aideront à [...] trouver le plus possible la guérison.

L'avocate criminaliste Sam Puchala explique qu'elle n'est pas surprise par la peine, compte tenu de la gravité des crimes.

Même avec l'âge de l'accusé, c'est le droit qui établit les peines d'emprisonnement.

Peter Nygard n'avait pu être libéré sous caution, parce qu'il fait l'objet d'une demande d'extradition de la part des autorités américaines, qui veulent le juger pour des crimes similaires aux États-Unis.

Avant son extradition, il devra subir deux autres procès pour d'autres accusations de nature sexuelle, le premier au Québec en 2025 et le second au Manitoba à une date indéterminée.

Peter Nygard a nié ces autres allégations contre lui.

Avec des renseignements fournis par Grégory Wilson et la Presse Canadienne