Justin Trudeau : un aller-retour aux Bermudes pour les funérailles d ...
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, s'est rendu à bord d’un avion du gouvernement aux Bermudes mercredi afin de prononcer un éloge aux funérailles d’un proche ami de la famille, le milliardaire Peter Green.
M. Trudeau est accompagné de membres de sa famille et fera l’aller-retour entre Ottawa et l'archipel de l'océan Atlantique dans la même journée, selon une note publiée par le bureau du premier ministre.
Les directives du Conseil du Trésor stipulent que M. Trudeau et les membres de sa famille doivent rembourser l’équivalent des billets d’avion commercial aller-retour pour les destinations vers lesquelles ils se rendent à titre personnel. Le premier ministre et ses proches voyageront à bord d’un appareil Challenger du gouvernement du Canada.
L'avion Challenger du premier ministre Justin Trudeau a atterri mercredi matin aux Bermudes.
Photo : Bermuda Broadcasting Company
Il faut également prévoir des frais de protection de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), qui assure la sécurité du premier ministre. Ces frais peuvent avoisiner plusieurs dizaines de milliers de dollars par jour, selon la destination et plusieurs facteurs logistiques.
Pour assurer la sécurité des personnes à protéger et de ses membres, et pour garantir l’intégrité des opérations, la GRC ne communique aucune information sur les mesures de protection ou l’identité de personnes protégées. Nous ne sommes pas en mesure de fournir les coûts liés à ce voyage pour le moment, indique une porte-parole du corps policier dans une déclaration écrite envoyée à Radio-Canada.
Le défunt Peter Green, investisseur immobilier et magnat de l'hôtellerie, est né à Manchester, en Angleterre. Il est l'époux de feu Mary-Jean Mitchell Green, qui a hérité du domaine Prospect – doté de cinq villas en bord de mer des Caraïbes – de son père, Sir Harold Mitchell.
Peter et Mary-Jean se sont mariés en 1975. C'est à cette époque que Peter Green et Pierre-Elliott Trudeau se sont liés d'amitié. L'ancien premier ministre était le parrain du fils de M. Green.
Trudeau devrait payer de sa pocheLa tristesse de la situation – les funérailles d'un ami de longue date – ne justifie pas que les contribuables aient à payer pour les frais entourant le déplacement du premier ministre, croit le politologue André Lamoureux.
Il s’agit d’un ami; qu’il y aille à ses propres frais.
Pour lui, un tel voyage serait justifié s’il y avait un lien avec le gouvernement canadien, mais comme il s'agit d'un voyage personnel, Justin Trudeau devrait assumer l'intégralité des coûts.
De son côté, la politologue Geneviève Tellier croit que le motif du déplacement de Justin Trudeau est raisonnable.
On peut comprendre qu’il y a des circonstances où l’on doit se déplacer pour des raisons personnelles. Dans ce cas-ci, c’est pour aller à des funérailles.
Cependant, les partis d'opposition pourraient saisir la balle au bond, estime Mme Tellier, et dénoncer le très gros montant au trésor public pour aller chez des gens qui sont très riches.
D'autant plus, souligne la spécialiste, que le déplacement de M. Trudeau rappelle un autre voyage coûteux chez les Green, l'an dernier, qui avait fait couler beaucoup d'encre. Ça ramène à l’avant-scène un dossier dont il n’aimerait peut-être pas qu’on discute en ce moment, c’est-à-dire son fameux voyage dans le Sud pendant le temps des Fêtes.
L'utilisation de ressources gouvernementales pour des raisons personnelles est problématique, et il est temps qu'on revoie les règles, a souligné le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD), Alexandre Boulerice, présentant du même souffle ses condoléances au premier ministre et à sa famille.
Que ce soit M. Trudeau ou M. Harper avant lui, l'utilisation de l'avion Challenger à des fins personnelles devrait être remboursée en totalité. Malheureusement, ce n’est pas la première fois qu’on voit ce comportement et M. Trudeau ne semble pas apprendre de ses erreurs.
Contacté par Radio-Canada, le Parti conservateur n'a pas souhaité réagir.
Des voyages controversésM. Trudeau et sa famille avaient célébré le Nouvel An 2023 avec la famille Green, des donateurs à la Fondation Pierre Elliott Trudeau. Ce voyage avait coûté plus de 160 000 $ aux contribuables, notamment en frais de sécurité, selon des informations de Radio-Canada.
Ce déplacement avait obtenu l’aval du commissaire à l’éthique avant le départ, selon le bureau du premier ministre, étant donné les relations datant des années 1970 entre les Trudeau et la famille de Peter Green.
Les Trudeau ont séjourné dans l'une des cinq luxueuses villas appartenant à la famille Green.
Photo : Prospect Villas
Conformément aux pratiques habituelles, nous avons consulté le Bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique pour nous assurer que les règles sont respectées, avait répondu le bureau du premier ministre aux questions de Radio-Canada.
M. Lamoureux rappelle aussi les vacances de Noël de la famille Trudeau, passées sur une île privée de l'Aga Khan, le chef spirituel des ismaéliens nizârites, aux Bahamas, en 2016.
Dans un rapport d’enquête déposé en décembre 2017, la commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique de l’époque, Mary Dawson, avait conclu que Justin Trudeau avait enfreint la Loi sur les conflits d'intérêts, son séjour constituant un cadeau selon les règles qui régissent les députés de la Chambre des communes.
Ces voyages des Trudeau avaient fait l'objet de vives critiques des partis d'opposition et d'observateurs, en plein contexte d'inflation au pays.
Repenser les règles du jeuCe n’est pas la même situation que l’autre fois, c’est-à-dire que ce n’est pas un voyage de luxe d'une semaine au complet. […] On voit bien que c’est un aller-retour pour aller à des funérailles, note Geneviève Tellier.
La politologue s'interroge toutefois sur les coûts importants entraînés par ce type de voyages, même lorsque ces déplacements reçoivent le feu vert du commissaire à l'éthique.
L’excuse ‘’on a suivi les règles’’ ne satisfait plus […]. Il est temps de regarder les conséquences des règles.
Par ailleurs, André Lamoureux estime que ce déplacement du premier ministre envoie un très mauvais message dans le contexte actuel, où Justin Trudeau est en situation périlleuse dans les sondages.
D'autant plus que le Parlement est paralysé, que rien ne fonctionne. Et le premier ministre trouverait le temps de faire un voyage aux frais des contribuables, ajoute-t-il.
Avec les informations de Louis Blouin