Son premier but, pour des raisons évidentes, marquera les esprits.
Mis à jour hier à 23 h 53
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Décocher un tir de cette qualité n’est pas donné à tout le monde. Et la réaction qui a suivi en disait long sur le moment – les joueurs extatiques sur la glace et un Centre Bell qui n’avait pas été aussi bruyant depuis… depuis quand, au fait ?
Patrik Laine, toutefois, pouvait dire mission accomplie depuis déjà quelques heures. On savait déjà à quel point les dernières années avaient été pour lui une longue route vers une guérison physique et mentale qui semblait ne jamais vouloir se concrétiser. Après avoir rejoint l’organisation pendant l’été, il croyait avoir atteint son but, mais une grave entorse à un genou a repoussé le fil d’arrivée.
Au cours des dernières semaines, on voyait bien que son retour s’approchait, à mesure que l’intensité de ses entraînements augmentait. Sur les réseaux sociaux, lundi, Laine a fait sourire les partisans en s’en remettant aux miracles du frère André. Mais l’angoisse qui l’habitait n’avait rien d’une blague.
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Patrik Laine (92) et Kaiden Guhle (21) durant la première période
« J’en ai parlé avec mon psychologue hier, a-t-il confié, mardi, après la victoire de 2-1 en prolongation du CH. J’étais nerveux. J’ai décidé que d’enfiler ce chandail, aujourd’hui, c’était une réalisation après tout ça. Que tout ce qui viendra après sera un plus. Peu importe ce qui arriverait, ce ne serait pas un mauvais match. J’ai travaillé trop fort pour revenir au jeu et enfiler ce chandail. »
Avant même de jouer, Laine avait déjà gagné.
Toute la journée, l’attaquant a répété à quel point il était « reconnaissant » envers celles et ceux qui l’ont aidé. Chez ses coéquipiers, l’admiration était manifeste.
« On est très conscients de ce qu’il a traversé depuis deux ou trois ans, a lancé Nick Suzuki. De le voir recouvrer [de sa blessure au genou] et revenir, ça nous a tous inspirés. »
« C’est un bon joueur, mais aussi tellement un bon gars, a renchéri Juraj Slafkovsky. Les choses qu’il nous disait sur le banc, si vous les entendiez… J’aurais pu pleurer tout le match ! »
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Patrik Laine (92) et Juraj Slafkovsky (20)
Mais encore ? « Je ne peux pas vous le dire », a poursuivi le jeune homme en riant.
Laine, lui, a trouvé sa performance « terrible ». « J’étais rouillé, évidemment, mais on a les deux points et c’est ce qui compte. »
« Il n’arrête pas de dire ça ! s’est outré Josh Anderson. Au premier entracte, il disait qu’il ne lui restait pas plus que 20 secondes [d’énergie]. Il me semblait plutôt dominant. »
ÉquilibreLa vérité se trouve probablement entre les deux. Le Finlandais de 26 ans n’a certainement pas été « terrible », surtout pas pour un joueur qui n’avait pas participé à un match de la LNH depuis un an. Martin St-Louis a notamment apprécié son calme en possession de la rondelle, et c’est son habileté, outre son tir foudroyant, qui a été la plus évidente.
Or, il n’a pas été « dominant » non plus… et c’est bien normal. On nous implore de faire preuve de patience avec Kirby Dach depuis 25 matchs, il serait ingrat d’enterrer Laine après un seul.
La chimie n’a pas été instantanée avec Dach et Slafkovsky, ses compagnons de trio. Même que la combinaison n’a généré aucune menace offensive digne de ce nom à cinq contre cinq. Défensivement, ç’a été correct, sans plus.
« Il s’est bien [intégré] à la manière dont on veut jouer en équipe », a résumé St-Louis.
Les prochaines semaines montreront le vrai visage de Patrik Laine comme hockeyeur. Son entraîneur a prévenu, en matinée, qu’il n’entretenait aucune attente à son égard à court terme. Il veut le voir atteindre son plein potentiel, point. Quand ? On verra.
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Lane Hutson (48) et Juraj Slafkovsky (20) célèbrent avec Patrik Laine (92) après le premier but de la saison de ce dernier.
Son impact, toutefois, est déjà significatif, de manière plus subtile.
D’une part, il injecte une dose d’énergie dont l’équipe et les partisans avaient drôlement besoin. On parlait en introduction de l’amphithéâtre qui a rugi lorsque le numéro 92 a marqué, au point d’enterrer l’annonceur maison. On y lira évidemment une passion toute montréalaise, mais aussi une sorte de libération pour des payeurs de billets qui n’ont pas eu grand-chose à se mettre sous la dent depuis le début d’octobre.
« Je ne mérite pas ça ! s’est amusé Laine à ce sujet. Ce sera quelque chose dont je vais me souvenir pour toujours. C’est la chose la plus cool que j’ai jamais vue. »
D’autre part, sa présence a l’effet immédiat d’équilibrer les trios comme ce n’était pas encore arrivé cette saison. Tout le monde, tout à coup, se retrouve à peu près à l’endroit où il devrait être dans l’organigramme en attaque. Et pour la première fois en presque trois ans derrière le banc, Martin St-Louis a profité d’une formation complète, sans blessés. Ce qui ne lui a pas échappé.
« C’est la première fois que je me sentais aussi à l’aise de gérer mes affaires sans me concentrer sur les confrontations », a-t-il avoué. Il a apprécié cette « continuité » entre ses combinaisons, qui peuvent ainsi se succéder en « vagues », comme c’est le cas dans les meilleures équipes du circuit.
Le Canadien n’appartient évidemment pas encore à ce club sélect. Mais si cet équilibre se confirme et perdure, il pourrait s’agir d’une des assises les plus importantes que les dirigeants aient mises en place depuis le début de cette pénible reconstruction.
On se gardera de s’emballer, surtout que, jusqu’à preuve du contraire, la Flanelle croupit encore au fond du classement. On ne pourra toutefois ignorer ce pas dans la bonne direction.
En hausse
Josh Anderson
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Josh Anderson
On ne voit pas chaque soir la même version de Josh Anderson. Mardi, c’était la meilleure. Impliqué physiquement, hargneux avec la rondelle et omniprésent autour du filet, il s’est signalé presque chaque fois qu’il a sauté sur la glace.
En baisse
Jayden Struble
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Jayden Struble
Défenseur le moins utilisé de son camp, il a multiplié les revirements. Ça devient récurrent chez lui, au point où l’on se surprend parfois qu’il ne saute pas son tour plus souvent.
Le chiffre du match
600
En ouvrant la marque, Patrik Laine est devenu le 600e joueur différent à inscrire au moins un but dans l’uniforme du Canadien. En réalité, il s’agit du 599e patineur, puisque l’un de ces buteurs était le gardien José Théodore, qui a marqué en janvier 2001.
Dans le détail
Troquer le bonnet d’âne pour la cape du héros
Mike Matheson n’en menait pas large après la défaite de dimanche à Boston. « Un des pires matchs que j’ai jamais joués », avait-il statué après la rencontre. « J’avais le sentiment que j’avais laissé tomber l’équipe avec des erreurs », a-t-il ajouté mardi soir. Le défenseur s’est assuré de ne pas revivre son cauchemar en disputant un fort match. Comme dimanche, sa journée de travail a commencé par un tir sur le poteau, mais il a maintenu un bon niveau par la suite, peut-être plus défensivement que dans la zone adverse. C’est d’ailleurs lui qui a stoppé Bo Horvat à un contre un en prolongation, permettant au Tricolore de récupérer la rondelle, une action qui allait mener au but gagnant de Nick Suzuki. Contrairement à certains joueurs qui s’autorisent à maugréer pendant quelques heures après une mauvaise performance, Matheson n’a pas nécessairement de « règle » pour oublier une telle déconvenue. « Hier, on avait la journée juste à nous. J’ai passé la journée avec ma famille, mes enfants, ma femme. Ça m’aide beaucoup, honnêtement. C’est ça, mon reset. »
Montembeault rassure le Canadien et le Canada
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Samuel Montembeault a fait 30 arrêts sur 31 tirs lors de ce match contre les Islanders
Quelques minutes avant le début du match, les collègues de TSN gâchaient le suspense qui tenaille le Canada de Bonavista à Prince Rupert. Subtilement, Pierre LeBrun, Chris Johnston et Darren Dreger ont débité ce qu’ils « croient » être la formation du Canada pour la Confrontation des quatre nations. Et Samuel Montembeault en faisait partie, aux côtés de Jordan Binnington et d’Adin Hill. L’identité des joueurs sera officiellement connue ce mercredi, mais nos collègues présents dans sa mêlée de presse nous assurent qu’il a failli s’échapper et confirmer sa sélection. S’il est bel et bien choisi, Montembeault aura laissé une dernière performance rassurante avant les annonces officielles avec 30 arrêts sur 31 tirs, effaçant les quelques bévues de ses coéquipiers. Sa tenue n’a par ailleurs fait que rappeler ce qui manque à cette équipe, cette saison, les soirs où le filet est confié à Cayden Primeau. Le CH disputera une seule série de deux matchs en 24 heures d’ici Noël, mais une surutilisation de Montembeault n’est pas vraiment une solution viable à long terme.
La réunion
Nos amis du Dooly’s ont peut-être le cocktail du mois, mais le Canadien, lui, avait son trio du mois en novembre. Josh Anderson, Christian Dvorak et Brendan Gallagher ont en effet formé une unité plutôt efficace pour le Tricolore le mois dernier. Or, le retour de Patrik Laine a permis à Martin St-Louis de rebrasser les cartes et de réunir les trois vétérans. Les résultats ont été instantanés. À cinq contre cinq, ils ont en effet dominé leurs rivaux 6-1 aux tirs au but, et 12-3 aux tentatives de tir (source : Natural Stat Trick). À défaut de marquer, ils ont distribué 10 mises en échec et ont continuellement embêté Ilya Sorokin en s’activant près de son demi-cercle. Martin St-Louis a plusieurs raisons de se réjouir de ce trio, et pas seulement parce que les numéros des ailiers (11 et 17) s’additionnent pour donner le numéro du centre (28).
Guillaume Lefrançois, La Presse