Northvolt pourrait éviter le BAPE grâce à un règlement modifié par ...
Le gouvernement Legault a modifié, sans tambour ni trompette, un règlement qui pourrait se révéler crucial pour la compagnie Northvolt. En février, le seuil pour déclencher un examen du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) pour la fabrication de cathodes est passé de 50 000 à 60 000 tonnes. Or, Radio-Canada a appris que la future usine en produira 56 000.
Selon nos informations, le fabricant suédois de batteries a fait pression sur le gouvernement, dans les derniers mois, pour que la réglementation lui soit plus favorable. Dans son mandat inscrit au registre des lobbyistes, on lit d'ailleurs que Northvolt voulait identifier les soutiens commerciaux et réglementaires potentiels qui lui permettraient de s'installer dans la province.
Le 25 avril, avant de savoir qu'un projet de méga-usine de batteries allait s'installer au Québec, le député de Québec solidaire Haroun Bouazzi avait interrogé le ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie pour comprendre l'intention derrière ces changements au règlement. Je ne suis pas au courant du détail. [...] Je ne sais pas de quels critères vous parlez, avait répondu Pierre Fitzgibbon.
Haroun Bouazzi, député de Maurice-Richard sous la bannière de Québec solidaire.
Photo : Radio-Canada
Informé de notre découverte, M. Bouazzi y voit un manque de transparence, voire même une dissimulation.
Il semble évident, si on passe de 50 000 à 60 000, et que la compagnie a 56 000, que le règlement a été modifié sur mesure pour cet investissement.
L'élu affirme que ce sont les multinationales étrangères qui décident de nos normes environnementales, en plus de décider où va notre argent public en mettant en concurrence les fiscalités des pays.
Le règlement a-t-il été dessiné pour Northvolt ? Le cabinet du ministre Fitzgibbon nous a renvoyé vers le ministre de l'Environnement, de qui relève le BAPE.
L'attachée de presse de Benoit Charette nous répond que le règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets n’avaient pas de critères spécifiques à la filière batterie et que le gouvernement a voulu encadrer cette filière émergente.
En février, le gouvernement voulait aussi établir un seuil pour qu'un projet d'assemblage de batterie d'une capacité de 30 gigawattheures (GWh) ou plus soit soumis au BAPE. Or, 30 GWh, c'est exactement la capacité de la première phase du projet de Northvolt, annoncée jeudi. Finalement, Québec a retiré le changement proposé et aucun seuil d'assujettissement n'apparaît dans la version finale du règlement, publiée en juillet.
Le ministre de l'Environnement Benoit Charette, en compagnie du premier ministre François Legault lors d'une annonce sur l'économie verte, le 22 septembre.
Photo : La Presse canadienne / Christinne Muschi
Le 26 avril 2023, lors de l'étude des crédits de son ministère, le ministre de l'Environnement Benoit Charette avait déclaré qu'il voulait favoriser le développement de la filière batterie, sans compromettre, naturellement, la protection de l'environnement.
La tenue d'un BAPE pourrait-elle nuire au développement du projet de Northvolt ? Même si le BAPE peut rendre des avis défavorables, comme dans le dossier récent de Stablex, à Blainville, c'est toujours le gouvernement qui a le dernier mot. En revanche, c'est un processus long.
Même en l'absence d'un BAPE, le projet va devoir obtenir toutes sortes d'autorisations du ministère de l'Environnement, rappelle l'avocate Camille Cloutier, du Centre québécois du droit de l'environnement. En revanche, sans BAPE, ça signifie un processus qui est potentiellement moins transparent et avec bien moins d'occasions pour la participation du public.
Le BAPE demeure la principale et une des seules façons, pour la population, de participer à l'évaluation des projets et de s'exprimer.
Des centaines de résidents proches de la future méga-usine réclament d'ailleurs d'être consultés au sujet de ses impacts, alors qu'ils ont appris l'existence du projet sans préavis.
C'est au nord de la rivière Richelieu, à cheval entre McMasterville et Saint-Basile-le-Grand, que doit s'établir Northvolt.
Photo : Google Earth
La plus grosse émission de notre usine, c’est de la vapeur d’eau, affirme le directeur des Affaires publiques et des communications de Northvolt pour l'Amérique du Nord, Laurent Therrien. Selon lui, il n'y a pas de confirmation à cette étape qu'un BAPE doit avoir lieu.
Notre compréhension, c’est qu’on se situe sous les seuils.
Northvolt fait valoir qu'elle organisera des séances d'information et de questions-réponses pour le public, la semaine prochaine.
Une usine de batteries de Northvolt, en Pologne.
Photo : Northvolt
À 15 h, jeudi, le cabinet du ministre de l'Environnement a maintenu le doute sur la tenue d'un BAPE : Les échanges se poursuivent entre le ministère et l’entreprise afin de déterminer si le projet ou l’une de ses composantes sera assujetti.
À 16 h 20, le ministre Pierre Fitzgibbon a déclaré sur les ondes l'émission Le 15-18 à Radio-Canada que « oui », le projet serait soumis au BAPE. Les mêmes règles appliquées à tout le monde vont être respectées, a-t-il dit.
Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, en entrevue, le 28 septembre.
Photo : Radio-Canada / Maya Arseneau
À 18 h, Pierre Fitzgibbon, invité de Zone économie, à Radio-Canada, a plutôt affirmé que certains morceaux du puzzle, oui seraient soumis au BAPE.
Une chose est sûre, si le gouvernement voulait qu'il y ait un examen du BAPE, il aurait le pouvoir de l'exiger à tout moment.
Quant au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, lui-même peut prendre l'initiative de se saisir d'un projet s'il fait partie d'une liste de 38 projets identifiés dans la Loi sur la qualité de l'environnement. Mais les usines de batteries n'en font pas partie.
Avec la collaboration d'Alexandre Duval