Bruins–Maple Leafs : le pourfendeur de feuilles d'érable
TORONTO - Les liens du sang sont forts. Chez les Domi, par exemple, la filiation n’est pas qu’un héritage de talent : de personnalité également.
Personne ne peut vraiment s’étonner que Max, fils de Tie (et de Leanne, précisons), s’en soit pris au gardien vedette des Bruins, Jemery Swayman, pendant une pause publicitaire lors du troisième match de la série mercredi soir, quand on sait que son papa, lorsqu’il jouait, s’était battu avec un partisan alors qu’il purgeait une punition, parmi quelques faits d’armes de cet acabit.
De bonne guerre, de bon aloi, comme vous voulez, mais surtout, en concordance totale avec le style de Max Domi, pas très loin de celui de Denis la petite peste, le lance-pierres en moins.
Au-delà de l’anecdote et de l’étude génétique, ce geste en révèle peut-être davantage sur l’état d’esprit des Maple Leafs que ce que les joueurs veulent bien laisser croire. C’est du moins l’opinion de l’entraîneur des Bruins, Jim Montgomery.
Quand je vois que Domi fait exprès d’entrer en collision avec lui, je me dis que [Swayman] leur joue peut-être dans la tête un petit peu, a laissé tomber le pilote, jeudi, à l’hôtel de l’équipe qui profitait par ailleurs d’une journée de congé.
Ou peut-être que Domi souhaitait simplement déconcentrer Swayman…avec bien peu de succès.
Il y a de quoi se gratter la tête dans le camp torontois. En 5 matchs contre les Leafs cette année, saison et séries incluses, le gardien originaire de l’Alaska, a donné 7 buts sur 163 tirs pour une efficacité de ,957. Jamais n’en a-t-il accordé plus de deux dans une rencontre. Cinq matchs, cinq victoires.
Mercredi, il a réussi quelques bijoux, dont deux arrêts sur des retours face à son ancien coéquipier Tyler Bertuzzi, bien placé dans l’enclave en avantage numérique, mais bafoué par la rapidité des jambières de l’Américain de 25 ans.
Jeremy Swayman vole un but à Tyler Bertuzzi lors du troisième match de la série entre les Bruins et les Maple Leafs
Photo : Getty Images / Claus Andersen
Il se bat, il trouve la rondelle. Ça inspire notre équipe, avait laissé tomber Montgomery après le match.
Et ça semble dégonfler les ardeurs de l’adversaire. Aucun gardien n’est plus performant que lui jusqu’à présent dans le tournoi. Selon le site Natural Stat Trick, il a volé à lui seul plus de quatre buts (4,25) aux Maple Leafs, soit plus du double que le second à ce chapitre, Andrei Vasilevskiy (2,03).
Ce que j’adore avec lui, c’est qu’il sourit tout le temps. Quand la pression est élevée, il aime ça. Il adore ça. Même si parfois il a un match moyen, après la game, il pense qu’il a joué comme Patrick Roy contre les Rangers à New York.
La meilleure stratégie pour remédier au problème Swayman provient des Bruins eux-mêmes. Il s’agit d’envoyer devant le filet l’autre portier, Linus Ullmark.
La rotationIl y a un précepte appliqué avec un zèle quasi dogmatique à Boston depuis deux ans : celui de la rotation des gardiens. Beau temps, mauvais temps, que les terres soient en jachère ou le ciel en Saturne, Montgomery fait confiance à chacun de ses gardiens tour à tour sans jamais déroger à l’horaire, ou presque.
Outre une blessure à Ullmark à la mi-janvier qui a permis à Swayman d’obtenir quatre départs d’affilée, les gardiens n’ont pratiquement jamais joué deux matchs consécutifs. Le Suédois a eu ce privilège les 25 et 27 novembre ainsi que les 7 et 9 décembre; l’Alaskien, lui, les 18 et 20 novembre, ainsi que les 19 et 21 février. C’est tout.
Même après le premier match de la série remporté par Swayman avec une brillante prestation à la clé, le pilote des Bruins a choisi Ullmark au duel suivant. Et ça, c’est inusité.
Les gardiens des Bruins Jeremy Swayman (1) et Linus Ullmark (35)
Photo : Getty Images / Claus Andersen
La rotation des gardiens, plus fréquente en saison en cette ère, n’a jamais vraiment été testée en séries éliminatoires, du moins pas dans l’histoire récente. Les changements de gardiens en raison de blessures ou de mauvaises performances, oui, évidemment, mais les plans préétablis? Ce serait du nouveau.
Montgomery, jusqu’à preuve du contraire, y croit. Pourquoi d’ailleurs est-ce une stratégie si rare?
Parce que c’est dur quand tu es un instructeur de faire des changements si tu gagnes, a simplement répondu Montgomery.
Comme instructeur, il faut que tu y ailles avec ce que tu vois dans le match et ce que tu penses dans le cœur qui est la meilleure chose à faire. Le gars qui va se battre, qui va faire des jeux dans les moments de pression. Nous autres, on est très contents, très à l'aise avec les deux gardiens. C’est rare que tu as deux gardiens qui sont très talentueux.
Le collègue Fluto Shinzawa, attitré à la couverture des Bruins pour The Athletic, relatait que les origines de cette philosophie de Montgomery ont germé il y a fort longtemps, en 1993 pour être exact, lorsque le Montréalais jouait pour l’Université du Maine. Mike Dunham et Garth Snow s’étaient relayés toute la saison et pendant les matchs éliminatoires jusqu’au titre national de la NCAA.
Une leçon qu’a retenue le jeune Montgomery.
Ullmark a été solide dans la défaite de sa bande lors du deuxième match, la faute ne lui revient certainement pas. Mais il y a l’historique. L’an dernier, contre les Panthers, le gardien de 30 ans a obtenu le départ dans les 6 premiers matchs de la série, un rythme qu’il était peu habitué à soutenir, et a semblé épuisé à partir du match no 5. Swayman a été désigné dans la rencontre ultime qu’il a finalement perdue en prolongation.
Alors, lorsque Montgomery affirme que la rotation a été si bonne pour nous et que c’est une décision difficile à prendre, on peut le croire sur parole. Après tout, aucun des deux gardiens n’a été rompu à une charge de travail très lourde durant sa carrière professionnelle et la peur de fatiguer Swayman est peut-être réelle.
Mais si la rotation a été si bonne, Swayman a été encore meilleur. Et avec deux jours de pause avant le quatrième match et encore deux autres avant le cinquième, le moment semblerait tout désigné pour rompre avec les vieilles habitudes.