La crise interne sur le leadership de Justin Trudeau est exagérée ...
La fronde interne contre le premier ministre Justin Trudeau n’est peut-être qu’une tempête dans un verre d’eau, à en croire la sérénité affichée par les ministres de son gouvernement au moment où une lettre critique du chef circulerait chez les libéraux.
« Si les gens se disent les choses en cachette, je pense que ça manque de courage », a d’ailleurs déploré mardi matin Marc Miller, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.
Il a plus tard ajouté en anglais qu’il n’avait pas une minute à perdre sur « cette bêtise » — en référence à cette lettre secrète, à laquelle aucun média n’a eu accès et dont les revendications exactes restent encore floues. Personne ne sait avec certitude combien d’élus l’auraient signée.
Le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Jean-Yves Duclos, a carrément remis en cause l’existence du document qui, selon le député Wayne Long, cité par le quotidien Toronto Star, ne réclame qu’une « réflexion et du changement » de la part du chef.
« À ce que je sache, personne n’a vu cette lettre et peu de députés en ont parlé, donc on verra si cette lettre existe », a-t-il déclaré à son arrivée à la réunion du cabinet, mardi matin, où il devait justement rencontrer Justin Trudeau.
Une lettre de mécontentement, pas de menaceLe ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a quant à lui affirmé ne connaître aucun élu y ayant apposé sa signature. « J’ai parlé à de très nombreux députés au cours des dernières semaines. […] Je n’ai encore rencontré aucun député, aucune députée qui m’a dit avoir signé cette lettre-là », a-t-il assuré aux journalistes.
La députée libérale Mona Fortier est même allée jusqu’à parler d’une « lettre fantôme ». « Moi il n’y a personne qui m’a appelé pour signer une lettre. C’est toujours une lettre fantôme ! » a-t-elle déclaré mardi.
Trois élus libéraux qui ont signé la lettre, dont le député terre-neuvien Ken McDonald, ont affirmé à Radio-Canada mardi qu’ils ne sont toutefois pas prêts à aller jusqu’à quitter le caucus. L’élu de Terre-Neuve a indiqué que la lettre a pour but d’exprimer un mécontentement, et non une menace.
Selon plusieurs médias, les élus libéraux doivent présenter cette lettre au premier ministre lors de la réunion de caucus, qui aura lieu mercredi matin à Ottawa. Ils pourraient ensuite prendre la parole lors d’une séance à micro ouvert, ou alors tenir un vote interne secret sur l’avenir du chef.
Personne ne sait encore quelle approche sera choisie pour la réunion de mercredi.
Lundi, le député libéral Sean Casey a confirmé avoir signé la fameuse lettre, mais n’a pas voulu dire combien de signatures avaient été recueillies. Le député de Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard, a été le premier à demander publiquement la démission de M. Trudeau.
Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, a affirmé que « la majorité du caucus » est en désaccord avec M. Casey, mais dit qu’il est important de discuter avec les élus aux opinions dissidentes. Comme tous les autres ministres, il est tenu d’appuyer son chef par solidarité ministérielle.
Contexte difficile pour le Parti libéralLes inquiétudes des libéraux face au leadership de leur chef ne datent pas d’hier. En plus des chiffres qui stagnent dans les sondages nationaux depuis plus d’un an, le Parti libéral du Canada perdu de nombreux joueurs importants depuis les dernières semaines. Quatre ministres ont récemment annoncé qu’ils ne se représenteront pas aux prochaines élections.
L’ancien ministre des Transports, Pablo Rodriguez, a aussi quitté le caucus pour siéger comme député indépendant en attendant de pouvoir se porter candidat à la direction du Parti libéral du Québec.
Le jour de la rentrée parlementaire à Ottawa, les libéraux ont aussi perdu la circonscription montréalaise de LaSalle-Émard-Verdun aux mains du Bloc québécois. Il s’agissait d’un deuxième revers important pour le chef libéral, après sa défaite aux mains des conservateurs dans un autre bastion libéral, celui de Toronto-St. Paul’s, lors de l’élection partielle précédente, en juin. Malgré ces défaites, M. Trudeau a assuré qu’il avait l’intention de rester chef de son parti.
La semaine dernière, le Parti libéral du Canada a annoncé qu’il avait choisi un remplaçant au poste de directeur de la campagne nationale, après la démission de Jeremy Broadhurst en septembre. Il s’agit d’Andrew Bevan, qui était depuis l’an dernier le chef de cabinet de la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland.
Les conservateurs de Pierre Poilievre ont actuellement une vingtaine de points d’avance sur les libéraux dans tous les sondages, laissant présager un raz-de-marée conservateur aux prochaines élections.
Si une élection avait lieu aujourd’hui, 43 % des électeurs voteraient pour les conservateurs, tandis que 22 % voteraient pour les libéraux, et 19 %, pour le NPD, selon le plus récent sondage de la firme Abacus. Le Bloc québécois obtiendrait 36 % des voix au Québec (pour un total de 8 % des voix au Canada).
Un « super-bâillon » pour débloquer le Parlement ?Alors qu’il ne reste qu’une semaine avant l’échéance du 29 octobre du Bloc québécois, le chef Yves-François Blanchet demande aux libéraux de procéder à un « super-bâillon » pour faire passer les législations auxquelles il tient dans les temps.
Cette « super » motion proposerait notamment d’accélérer le processus d’adoption des deux projets de loi demandés par les bloquistes et permettrait la tenue d’un vote sur la motion de privilège des conservateurs qui paralyse les travaux en Chambre depuis 11 jours.
Pour le moment, les libéraux ne semblent toutefois pas prendre de mesures en ce sens, a indiqué M. Blanchet.
Le chef bloquiste maintient la date butoir du 29 octobre, après laquelle il commencera à discuter avec les partis d’opposition en vue de faire tomber le gouvernement.