Julie Snyder a témoigné s'être sauvée de Gilbert Rozon en pyjama ...
« J’ai couru ma vie », a dit Julie Snyder jeudi au procès civil de Gilbert Rozon, affirmant s’être sauvée de lui en pyjama, en pleine nuit, quittant en trombe l’appartement où ils se trouvaient pour s’enfuir dans les rues de Paris.
L’animatrice et productrice bien connue accuse le président fondateur de Juste pour rire d’une agression sexuelle qui se serait produite en 1991, quand elle n’avait que 23 ans.
La femme qui a aujourd’hui 57 ans ne réclame pas d’argent à l’ex-magnat de l’humour. Elle a été appelée à la barre comme témoin, car les avocats des demanderesses entendent présenter une preuve de « faits similaires », pour renforcer la version des neuf femmes qui le poursuivent actuellement pour 14 millions de dollars.
M. Rozon, 70 ans, nie tout ce que les demanderesses lui reprochent. Il devrait présenter sa version des faits au début de 2025.
Au procès jeudi, Mme Snyder a rappelé qu’en 1991, elle était une jeune animatrice culturelle. Elle s’est alors rendue à Paris pour assister à la première du spectacle de l’humoriste Michel Courtemanche, organisée par Juste pour rire.
Elle aurait alors eu la possibilité de demeurer quelques jours dans l’appartement de fonction de Juste pour rire à Paris, en même temps qu’une employée de l’organisation. Au troisième jour, cette employée devait dormir à l’extérieur pour le travail. Quand Mme Snyder est rentrée après le souper, Gilbert Rozon se trouvait à l’appartement. La discussion a été très courtoise et conviviale, tournant autour de sujets culturels, a raconté Mme Snyder dans une salle de cour du palais de justice de Montréal.
Elle est allée se coucher et s’est endormie « profondément ». Puis, elle rapporte avoir senti une pression « très forte » derrière elle. Elle ouvre les yeux et se rend compte qu’il y a une main sur son sein. Effrayée, elle pense que quelqu’un est entré par effraction et « a eu peur d’être poignardée. » Selon son récit, elle aurait senti quelque chose à l’intérieur d’elle.
Quand elle s’est retournée, elle a éprouvé du soulagement : ce n’était pas un criminel et il n’avait pas de couteau. Elle a vu le visage de Gilbert Rozon et a d’abord pensé qu’il s’était trompé de chambre. Mais il avait « les yeux exorbités et un regard fou ». « Il était comme en transe, ce n’était pas la même personne », décrit la productrice.
Tout allait vite dans sa tête : « Je me suis dit : je ne me ferai pas tuer, mais je vais me faire violer », a-t-elle raconté, très émotive, les sanglots dans la voix. Elle s’est levée, a-t-elle raconté à la juge Chantal Tremblay de la Cour supérieure, et a prétexté devoir aller à la toilette.
Mais elle aurait plutôt ramassé ses souliers et descendu en vitesse les escaliers, toujours en pyjama. Arrivée sur le trottoir, « j’ai couru ma vie ». Julie Snyder affirme avoir erré dans la ville avant de se rendre chez des amis au petit matin.
« J’ai été chanceuse que mon instinct de survie embarque. »
Plainte à la policeElle n’a même pas pensé porter plainte à la police à l’époque, a-t-elle relaté au procès. « J’ai fermé un tiroir dans ma tête. » Elle croyait que si elle le dénonçait, sa carrière serait finie.
« La loi qui protège le mieux les agresseurs, c’est la loi du silence. »
Elle a finalement déposé une plainte à la police en 2017, dans la foulée du mouvement #MeToo et après les révélations du Devoir et du 98,5 FM sur Gilbert Rozon.
Elle a aussi expliqué avoir été particulièrement choquée d’une déclaration de M. Rozon, lancée aux médias en marge d’un autre litige : « Je n’ai jamais fait l’amour à quelqu’un si une personne a dit non, jamais. »
« J’avais juste le goût de dire : ferme ta gueule », a-t-elle dit en s’emportant. « Je n’ai pas pu dire non ou dire oui, je dormais. »
En contre-interrogatoire, l’une des avocates de Gilbert Rozon, Me Mélanie Morin, s’est affairée à écorcher la crédibilité de Mme Snyder, remettant notamment en question la date de l’agression qu’elle allègue et les circonstances de cette soirée-là : ce qu’elle a révélé à la télévision diffère de sa version donnée aux policiers, lui a fait remarquer l’avocate. J’ai résumé pour la télé, s’est défendue la productrice.
Me Morin l’a aussi questionnée sur sa motivation à dénoncer Gilbert Rozon, lui demandant si elle n’avait pas un « intérêt professionnel » à ce qu’il perde ses contrats avec le radiodiffuseur V (désormais Noovo) afin d’avoir le champ libre pour ses propres émissions — ce qu’elle a catégoriquement nié.