Un rapport dévastateur pour l'avenir politique de Joe Biden?

9 Feb 2024

Dans son rapport sur la gestion des documents confidentiels par Joe Biden, l’avocat spécial chargé de l'enquête recommande de ne pas déposer des accusations criminelles contre le président démocrate. Bonne nouvelle pour lui? Oui, sauf que le rapport met en doute ses capacités intellectuelles, ce qui n’est pas bon signe pour sa crédibilité pour la présidentielle de novembre.

Joe Biden - Figure 1
Photo ICI.Radio-Canada.ca

Robert Hur, l'avocat spécial chargé d'enquêter sur le président Biden a déclaré dans un rapport publié jeudi qu'il avait décidé qu'aucune accusation criminelle n'était justifiée contre Joe Biden concernant sa gestion de documents classifiés après avoir quitté la vice-présidence au début de 2017, même s’il avait trouvé quelques petites preuves que le président démocrate avait volontairement conservé et divulgué certains documents délicats.

Le rapport de 345 pages pourrait, en tout cas, s'avérer un handicap politique, car il décrit Joe Biden, 81 ans, comme un vieil homme distrait qui conservait chez lui des carnets et des documents contenant des informations classifiées — une description cinglante qui sera probablement utilisée contre lui maintes fois par les républicains.

Un vieil homme à la mémoire défaillante

Ce qui frappe, ce sont les descriptions du rapport du conseiller spécial Hur sur les trous de mémoire du président Biden et qui sont potentiellement très préjudiciables à la campagne de réélection de ce dernier, qui doit faire face de plus en plus à des questions sur son âge et son acuité mentale.

L’avocat spécial chargé de l’enquête sur la gestion des documents a décrit les entretiens avec Joe Biden au cours desquels celui-ci ne se souvenait pas de la date de son mandat de vice-président, de l'année de la mort de son fils ou des personnes avec lesquelles il était d'accord au cours des débats sur la politique à mener.

Nous avons également pris en compte le fait que Monsieur Biden se présenterait au procès, comme il l'a fait lors de notre entretien, comme un homme âgé, sympathique et bien intentionné, doté d'une mauvaise mémoire, lit-on dans le rapport qui indique qu'il serait difficile de convaincre un jury de le condamner - alors qu'il est un ancien président âgé de plus de 80 ans.

Autant dire, Joe Biden est un bon vieux monsieur qui a fauté, mais peut-on lui en vouloir à cause de sa mauvaise mémoire, ce qui n’est pas très vendeur pour le commandant en chef des États-Unis.

La réponse du président Biden réagit au rapport du conseiller spécial sur le traitement des documents classifiés n'a probablement aidé sa cause jeudi soir

Photo : Getty Images / Nathan Howard

Histoire de dissiper tout doute, Joe Biden a tenu à s’adresser à la nation jeudi soir pour confirmer qu’il n’avait dressé aucun obstacle et n'avait pas cherché aucun délai. J'étais tellement déterminé à donner au procureur spécial ce dont il avait besoin que j'ai procédé à cinq heures d'entretiens en personne sur deux jours, alors que le gouvernement américain réagissait à une crise internationale, a -t-il déclaré, faisant référence à l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre.

Joe Biden - Figure 2
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Sur la question de sa mémoire défaillante, il a été combatif et ému sur la question de la disparition de son fils Beau. Comment oser soulever cette question? Je n'ai besoin de personne pour me le rappeler.

Le problème, c’est qu’une fois questionné par les journalistes sur la situation à Gaza, un des éléments de sa réponse ne va qu’amener davantage d’eau au moulin de ceux qui mettent en doute son acuité intellectuelle. Je pense que, comme vous le savez, le président du Mexique, Sisi, ne voulait pas ouvrir la porte à l'entrée de matériel humanitaire. Je l'ai convaincu. Le Mexique n'a rien à voir dans cette histoire, on parle de l’Égypte bien sûr.

En voulant désamorcer un problème avec cette mini conférence de presse, il n’a fait que l’alimenter…

Une accumulation problématique

Les inquiétudes concernant l'âge de Joe Biden ont été un thème récurrent de sa présidence au cours des trois dernières années. Alimenté en partie par des vidéos du président apparaissant faible ou trébuchant en public, de nombreux électeurs ont exprimé leur inquiétude quant à sa forme mentale et physique, alors qu'il cherche à rester à la Maison-Blanche, potentiellement jusqu'à l'âge de 86 ans s’il était réélu.

C’est en effet son âge qui risque de causer le plus de dégâts politiques, alors que de nombreux démocrates considèrent déjà qu'il s'agit de la plus grande faiblesse du président.

Récemment, l’accumulation des bourdes s’est poursuivie. Ce n’est pas de l'âgisme, mais bien un constat. Lors d'une collecte de fonds mercredi, Joe Biden a évoqué à deux reprises une conversation datant de 2021 avec Helmut Kohl, l'ancien chancelier allemand pourtant décédé en 2017. Un peu plus tôt, il mentionnait Mitterrand, décédé en 1996, au lieu de Macron. Ses porte-parole ont beau déclarer par la suite qu'il s'était mal exprimé, comme le font de nombreux fonctionnaires, l’accumulation fait mal.

Des attaques cinglantes de Trump

La réaction de Trump ne s’est pas fait attendre. Et comme d’habitude, elle est truffée de mensonges, en toute majuscule. IL EST DÉSORMAIS PROUVÉ QU'IL S'AGIT D'UN SYSTÈME DE JUSTICE À DEUX VITESSES ET DE POURSUITES SÉLECTIVES INCONSTITUTIONNELLES! Il ajoute, à tort, que l'affaire des documents Biden est cent fois différente et plus grave que la sienne. Je n'ai rien fait de mal et j'ai coopéré bien davantage.

Donald Trump n’a jamais coopéré avec le Département de la Justice alors qu’il a eu maintes occasions de livrer les documents confidentiels demandés.

Joe Biden - Figure 3
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Photo : Getty Images / Joe Raedle

Dans les faits, ce dont il n’a cure, Donald Trump n’a bien sûr jamais coopéré alors qu’il a eu maintes occasions de retourner les documents confidentiels et ne l’a pas fait. D’où la perquisition en bonne et due forme dans son repaire floridien de Mar-a-Lago et d’où aussi les accusations criminelles pour lesquelles il risque de sérieuses condamnations.

Les médias de droite américains s’en sont donné à cœur joie en citant les déboires du président démocrate. C’est de bonne guerre puisque les chaînes plus centristes et de gauche font souvent le long inventaire des bourdes, insultes, mensonges et de plus en plus récemment, des erreurs et problèmes de mémoire de Donald Trump. Lui qui confond Nikki Haley avec Nancy Pelosi, ou encore qui prétend qu’il avait battu Barack Obama et qui nomme Viktor Orban comme président de la Turquie.

Une défense difficile

Ce que disent les alliés de Joe Biden, c'est que Hur, procureur du Maryland, a été nommé par Donald Trump. Le procureur général Merrick Garland a choisi Hur en partie pour éviter toute apparence de partialité politique dans l'enquête. En recommandant de ne pas inculper Joe Biden, l’avocat spécial Hur risquait de susciter la fureur des partisans de l'ancien président, qui sont furieux que Donald Trump ait été inculpé pour avoir lui-même conservé des documents classifiés. Mais ce qui retient l’attention, ce sont les descriptions et exemples du déclin intellectuel du président démocrate.

L'avocat spécial Robert Hur a publié des commentaires personnels sur les séances d'interrogatoires de Joe Biden mettant en évidence les trous de mémoire du président

Photo : Getty Images / Chip Somodevilla

Il n’est donc pas surprenant que la réponse de la Maison-Blanche après la publication de ces passages peu flatteurs sur les trous de mémoire de Biden ait pris cette forme : nous ne pensons pas que le traitement de la mémoire du président Biden dans le rapport soit exact ou approprié. [...] Votre traitement du président Biden contraste nettement avec l'absence de commentaires péjoratifs sur d'autres individus.

Ancien procureur principal au sein du bureau du conseiller spécial de Robert S. Mueller et actuellement professeur à la faculté de droit de l'Université de New York, Andrew Weissmann estime que les propos recensés dans le rapport de l’avocat spécial sont tout à fait inappropriés.

Ce n'est pas le rôle du ministère de la Justice, c'est gratuit et c'est ce qu'on n'est pas censé faire, c'est-à-dire mettre son pouce sur une balance qui pourrait avoir des répercussions politiques.

Un gros problème pour les démocrates

Des munitions fournies au camp républicain par ce rapport peu flatteur, il y en a tout autant du côté démocrate où en coulisses, on s’inquiète de la capacité du président sortant de faire face à une campagne qui risque d’être intense et probablement très négative.

Encore une fois, la situation n’est guère mieux chez les républicains, puisque Donald Trump qui a déjà connu une acuité mentale plus aiguisée pourrait potentiellement faire face à des condamnations d’ici l’élection de novembre, ce qui serait éminemment dommageable pour les chances républicaines de reprendre la Maison-Blanche, si l’on se fie aux sondages qu'un pourcentage non négligeable d’électeurs voteraient alors contre Trump.

Donald Trump a tout autant de problèmes, sinon bien plus avec les 91 chefs d'accusation auxquels il fait face, mais il se présente avec plus d’énergie en personne que Joe Biden qui est hésitant dans ses propos et semble parfois perdu dans ses pensées. Tout est une question de perception et l’image projetée fait partie des facteurs de décision des électeurs, peu importe les différences de gestion et les enjeux défendus par les candidats.

Le temps passe, les critiques et les attaques personnelles sur l’acuité intellectuelle de chacun pleuvent et les options viables de remplacement sont plutôt minces dans les deux camps. Pas étonnant que plus des deux tiers des Américains souhaiteraient avoir deux autres candidats. La suite, d’ici les neuf prochains mois…

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