Voyage au bout de la pluie

Pareil à un athlète au jour de sa qualification, autant d’efforts, de talent et de préparation pour en arriver au jour J auraient pu être torpillés par une météo défavorable.

Mais la longue et belle histoire que nous a racontée Paris vendredi a survécu à la pluie et à ses longueurs aussi. Elle s’est terminée dans un crescendo à couper le souffle, avec une vasque olympique qui s’envole et Céline Dion qui fait son grand retour sur scène, perchée sur la tour Eiffel pour chanter L’hymne à l’amour à la perfection.

De nombreux athlètes ne se sont pas rendus jusqu’au Trocadéro pour assister à la fin de la cérémonie, mais ceux qui l’ont fait ont été récompensés.

Ils se sont entre autres transformés en groupies en voyant Zinédine Zidane remettre la flamme olympique à Rafael Nadal. Littéralement à ses pieds, des athlètes de plusieurs pays criaient Zizou! Zizou! et le filmaient avec une adolescente excitation.

Zidane est certes un géant, mais ne perdons pas de vue que parmi ces olympiens, il s’en créera d’autres au cours de la prochaine quinzaine.

Et en apothéose de cette soirée, ils ont assisté comme nous à un vrai moment d’anthologie.

Il ne s’agissait pas de sport, mais de performance. Maintenant que nous avons une meilleure idée de tout ce que Céline a traversé, elle qui est aux prises avec le syndrome de la personne raide, sa prestation consacre une forme de victoire sur l’adversité qui a de quoi inspirer et émouvoir.

Céline a aussi été un baume pour le Canada, qui a connu une arrivée difficile en France en raison du scandale d’espionnage entourant l’équipe de soccer féminine. La plus grande voix du pays lui a fait regagner des points de façon émouvante et inspirante.

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La délégation canadienne et celle de la Chine se sont installées sur le même immense bateau lorsqu'est venu le temps d’amorcer leur tracé sur la Seine. En poupe, un pays qui s’est rendu coupable d’espionnage avant même l’ouverture officielle des Jeux. En proue, un autre qui traîne depuis les Jeux précédents de lourds soupçons de dopage.

Leur départ avait lieu au quai de Béthune.

Les Français l’ont nommé ainsi en l’honneur de Maximilien de Béthune, le Duc de Sully sous Henri IV. Mais autant pour le Canada que pour la Chine, le nom Bethune évoque quelqu’un d’autre. On entend ici l’illustre médecin Norman Bethune, né au Canada et mort en Chine, qui a la rare particularité d’avoir été un personnage important dans les deux pays. En 1990, la Chine et le Canada ont d’ailleurs produit un timbre pour célébrer le 100e anniversaire de sa naissance.

Drôle de décision de mettre le Canada et la Chine sur la même embarcation, mais on aime croire que le simple nom Bethune est venu unir symboliquement deux pays qui, ensemble, traînaient assez de bagages pour faire couler l’embarcation.

Ils sont tous arrivés à bon port, trempés, mais souriants.

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De nombreux Parisiens ont l’air d’avoir déserté la ville avant les Jeux olympiques afin d’éviter la marée humaine anticipée. Ça a été frappant toute la semaine, non seulement dans les secteurs grillagés que tout le monde a dû déserter, mais aussi dans d’autres arrondissements qui grouillent normalement d’activité.

Paris demeure habituée d’accueillir le monde entier dans sa cour et, vendredi, elle a su le faire avec panache. Cela a été un superbe voyage dans l’histoire de la France, dans ses thèmes et ses archétypes. Douze ambitieux tableaux où l’on voulait montrer l’essence de l’esprit français dans un spectacle à la fois ludique et protocolaire, où la beauté était célébrée et où même le chaos était chorégraphié.

Également sur l’eau, mais loin des bateaux qui transportaient les athlètes, Juliette Armanet a repris la chanson Imagine de John Lennon devant un piano en feu. Le segment du spectacle baptisé « obscurité » a été le moment choisi pour faire un appel à la paix.

Cela peut sembler convenu aux yeux de certains, mais cela nous a paru particulièrement à propos. Le climat est tendu en France. Vendredi matin, le sabotage du réseau ferroviaire de TGV en a été une autre expression.

Et ce n’est pas comme si l’Hexagone est le seul endroit où les nerfs sont à fleur de peau. Des guerres ébranlent le monde et l’heure n’est pas exactement à la fête.

En ce sens, malgré tous les travers qu’on peut leur trouver, les Jeux olympiques demeurent bien placés pour être une occasion de ralliement. Combien d’autres rendez-vous universels ont sa portée?

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Avant que la cérémonie commence, mais bien après qu’elle a dû traverser trois barrages de sécurité pour pénétrer l’enceinte du Trocadéro, une femme de fort bonne humeur portant des habits traditionnels exhibait fièrement un écusson de l’Ukraine.

Une femme a demandé à la prendre en photo. En s’installant pour la pose, l’Ukrainienne lui a demandé en anglais d’où elle venait, et l’autre lui a répondu : De la Russie.

Son visage s’est immédiatement assombri. Pendant un instant, elle a refusé la photo.

L’autre s’est confondue en excuses, lui assurant qu’elle était contre la guerre.

Ce sont les Jeux olympiques, c’est la paix!, a-t-elle lancé.

Finalement, la photo a été prise.

Il n’y aura pas d’échanges d’épinglettes, mais une trêve suffira dans les circonstances.

C’est tout ce que le monde peut demander en ce moment : juste une pause de deux semaines pour prendre son souffle, pour s’arrêter un moment et célébrer les plus fascinants spécimens athlétiques de la planète.

L’idéal olympique est souvent mis à mal, mais ce n’est pas une raison de cesser de vouloir l’atteindre.

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