Quelques observations post-olympiques

30 days ago

Publié le 11 août à 19 h 50

La nageuse Summer McIntosh est devenue la vedette incontestée de l’unifolié, le lanceur de marteau Ethan Katzberg – qui semble tout droit sorti d’un album d’Astérix – a fasciné le pays et la délégation canadienne a trouvé le moyen de se remettre du scandale d’espionnage qui a secoué son équipe féminine de soccer grâce à la résilience et à la fierté de ses joueuses.

Jeux olympiques - Figure 1
Photo ICI.Radio-Canada.ca

Comme les pages de Radio-Canada Sports regorgent d’informations sur tous ces succès, concluons plutôt l’aventure olympique en regardant là où notre attention n’était pas constamment braquée.

Paris gagnant

Retour tardif du Stade de France où ont eu lieu les compétitions d’athlétisme. Un bénévole prend son souffle dans le RER le ramenant à Paris. Il dit avoir travaillé tous les jours de 8 h à 22 h et que les Jeux ont été une affaire de famille pour lui, car son père et sa fille se sont également impliqués comme volontaires.

Ils ont été 45 000 de ces volontaires, partout dans la capitale, à aider à faire en sorte que tout se déroule rondement.

L’organisation des Jeux ainsi que la ville ressortent grandes gagnantes de la dernière quinzaine olympique.

On a abondamment parlé des sites de compétitions qui avaient limité le nombre de constructions temporaires tout en faisant briller le patrimoine français. Mais la libre circulation des centaines de milliers de touristes, l’étonnante fiabilité des transports en commun et le sans-faute en matière de sécurité sont autant de réussites sur le plan de l’organisation.

Le public parisien – celui qui n’avait pas levé les feutres pour les Saintes-Maries-de-la-Mer ou autres destinations balnéaires et qui était resté en ville – n’a pas regretté sa décision. La grogne à l’égard des JO s’est dissipée dès le premier jour des compétitions, et les Français ont contribué à ajouter une atmosphère que les amateurs en visite n’auraient pu égaler à eux seuls.

La médaille de plastique

L’organisation tenait à faire de ces Jeux les plus verts qui soient. Dans cette foulée, les décisions prises en matière de nourriture et de consommation d’énergie ont apparemment déplu à de nombreux athlètes qui ont été bouleversés dans leur routine à la veille des compétitions. Il est difficile d’encourager des changements d’habitudes de vie positifs dans des moments aussi cruciaux!

Au milieu des bonnes initiatives implantées à l’intention du public, il y a quand même eu une aberration signée Coca-Cola.

Sur tous les sites de compétitions, une consigne de 2 euros était demandée à ceux qui achetaient une boisson gazeuse afin qu’ils puissent réutiliser un verre en plastique. C’eût été une brillante idée si le Coke servi aux sites de compétitions provenait d’une fontaine. Mais non : on servait dans les verres en plastique une boisson gazeuse qui était déjà… dans une bouteille en plastique.

Allez savoir.

La « Léonmania » a gagné la France.Photo : Getty Images / Hector Vivas

Roi français et reine néerlandaise

La Léonmania a déferlé sur la France durant la première semaine des Jeux lorsque le Français Léon Marchand a inscrit quatre records olympiques individuels en l’espace de six jours, en plus d’ajouter une médaille d’argent à sa quincaillerie au relais 4 x 100 m quatre nages. Personne n’avait jamais gagné le 200 m papillon et le 200 m brasse lors de mêmes Jeux olympiques.

Léon l’a fait le même soir.

Si Marchand est le roi de ces Jeux, Sifan Hassan en est probablement la reine. La Néerlandaise, qui cherchait à défendre ses titres aux 5000 et 10 000 m acquis à Tokyo, a décidé d’ajouter sur le tard le marathon à son calendrier. Comme ça, pour le plaisir de tester ses limites.

Hassan s’est mise au marathon l’an dernier et a remporté celui de Londres à ses débuts sur la distance.

Mais de courir le 5000 m, le 10 000 m et le marathon lors de mêmes Jeux? On se souviendra que le légendaire Emil Zatopek avait dominé les trois épreuves aux Jeux de Helsinki en 1952. Hassan n’est pas tout à fait allée jusque-là, car elle a décroché le bronze aux 5000 et 10 000 m. Mais à peine 36 heures après sa deuxième course, elle s’est élancée pour le marathon, qu’elle a gagné avec un record olympique de 2 min 22 s 55/100.

Du délire!

Les Pays-Bas en hausse, l’Allemagne en baisse

Les trois médailles de Hassan se sont ajoutées à une très jolie récolte pour les Pays-Bas, qui ont continué sur leur lancée amorcée à Tokyo et qui font de plus en plus leur marque sur la scène internationale.

Était-ce l’orange vif de leurs uniformes qui les rendait si visibles? Toujours est-il que partout où l’on regardait, il y avait des Néerlandais qui se distinguaient. Leurs 15 médailles d’or constituent un sommet national, et ils les ont obtenues en athlétisme, en aviron, à la natation, en cyclisme, au hockey sur gazon, en basketball à 3 contre 3. Belle variété!

Jeux olympiques - Figure 2
Photo ICI.Radio-Canada.ca

Pendant qu’on voyait des Néerlandais partout, plusieurs se demandaient ce qui arrivait à l’Allemagne. D’un point de vue olympique, celle-ci est en chute libre depuis sa réunification. Des 82 médailles remportées aux Jeux de Barcelone, en 1992, elle est tombée à 33 à Paris. La régression de Jeux d’été en Jeux d’été a été à peu près ininterrompue.

Das problem.

Quelques personnages des JeuxNi Xia Lian, une dame de 61 ans, était porte-drapeau du Luxembourg à la cérémonie d’ouverture. La pongiste d’origine chinoise occupait le 6e rang mondial en 1983, et elle continue de servir aux tables après toutes ces années. À son deuxième match, toutefois, Mme Lian a été confrontée à la 1re joueuse du monde et a perdu sans appel. Ça ne l’a pas empêché d’être la coqueluche d’un public qui l’a appuyé sans ménagement, autant durant les échanges qu’entre les manches, quand elle buvait nonchalamment son cola.Yusuf Dikec est devenu une sensation sur les médias sociaux après avoir gagné la médaille d’argent au tir au pistolet à air (10 m). Le Turc de 51 ans s’est présenté à la compétition en t-shirt et en jeans, n’a mis ni lunettes protectrices ni casque pour les oreilles. Il a glissé la main gauche dans la poche arrière de son jean, il a visé avec la main droite et il a touché la cible avec une inquiétante précision. N’étant pas en reste, la Sud-Coréenne Kim Ye-ji a fait sensation avec sa casquette, un petit éléphant en peluche attachée à sa ceinture et une mine aussi imperturbable que celle de Dikec.Respect à l'escrimeuse égyptienne Nada Hafez qui a révélé après sa compétition qu’elle était enceinte de sept mois.La breakeuse de 21 ans Manizha Talash participait à la compétition sous la bannière de l’équipe olympique des réfugiés. Elle a fui l’Afghanistan peu de temps après que les Talibans eurent repris le pouvoir en août 2021. Or, la jeune femme aux vêtements hip-pop et aux cheveux teints, qui a été initiée au breaking à 17 ans, a décidé de torpiller ses chances de médaille en dévoilant durant la compétition de vendredi une cape sur laquelle était écrit Libérez les femmes afghanes. La règle 50 de la charte olympique interdit d’afficher des messages à caractère politique.Gianmarco Tamberi a connu des Jeux mouvementés. Le champion olympique du saut en hauteur a d’abord fait la manchette en échappant sa bague de mariage dans la Seine durant la cérémonie d’ouverture. Dans une publication sur Instagram, il a proposé à son épouse de la marier de nouveau afin de faire amende honorable. Puis, samedi, l'Italien, qui de temps à autre est aux prises avec des coliques aux reins, a dû être transporté d’urgence à l’hôpital après avoir vomi du sang à deux reprises. Il a confirmé sur le tard sa présence au Stade de France, la soirée même. Nous l’avons vu réussir son premier saut, ce qui a suscité chez lui une réaction très émouvante. Tamberi n’a toutefois pas été capable de franchir la barre suivante et a été éliminé beaucoup plus tôt qu’il ne l’aurait souhaité. Il était tout simplement trop amoché pour être compétitif.Parlant d’émotions déchirantes, la lutteuse Vinesh Phogat, qui avait l'occasion de devenir la première médaillée d'or de l'histoire de l'Inde dans la catégorie des 50 kg, a été exclue de la finale pour avoir excédé le poids permis par 100 grammes. Son entourage et elle avaient fait des pieds et des mains afin qu’elle respecte la limite la veille. Elle s’était même coupé les cheveux. Il semble qu'un léger repas l’ait fait passer au-delà du poids permis avant sa deuxième journée de compétitions. Phogat s'est ensuite retrouvée à l'hôpital pour déshydratation. Selon ce qu’a rapporté l’Associated Press, elle a fait appel de cette décision et a demandé que ses trois combats gagnés soient reconnus. Une décision sera rendue dans les prochains jours. Phogat, qui avait eu sa part de démêlés avec sa fédération auparavant, a annoncé jeudi sur la plateforme X qu’elle se retirait. Mon courage est brisé, je n’ai plus de force. Au revoir la lutte, 2001-2024. L’Inde, pourtant le pays le plus populeux de la planète, n’a gagné qu’une médaille d’argent et cinq de bronze à Paris.

Phil WizardPhoto : Getty Images / Steph Chambers

Un effort pour la jeunesse

Au parc urbain de La Concorde étaient présentées les épreuves de breaking, de BMX, de planche à roulettes et de basketball à 3 contre 3. Le centre névralgique par où les Olympiques espéraient renouveler leur clientèle.

Nous devons rapprocher les Jeux olympiques des jeunes, avait dit il y a plusieurs mois le président du Comité international olympique, Thomas Bach, dans des propos rapportés par El Mundo.

Avec les nombreuses possibilités de divertissement qui s'offrent à eux, nous ne pouvons plus attendre d'eux qu'ils viennent d'eux-mêmes. Nous devons aller les convaincre.

D’abord, il y a une douce ironie pour l’auteur de ces lignes de constater qu’on associe le breaking, le BMX et la planche à roulettes aux jeunes. Cela nous replonge tout droit en 1985 et nous rappelle que le temps est un cercle plat. Mais n’est-ce pas aussi un indice de la pérennité de ces activités.

Si les jeunes s’y intéressent encore, 40 ans plus tard, c’est peut-être porteur de vouloir intégrer certaines d’entre elles au programme olympique. Il y a assurément plus de clientèle pour la planche à roulettes que pour l’escalade, le tir au pistolet ou le pentathlon – de moins en moins – moderne.

En planche à roulettes, d’ailleurs, la Chinoise Haohao Zheng était la plus jeune athlète de ces Jeux à seulement 11 ans. Avec son t-shirt blanc et son grand sourire, elle a pu conclure son premier trajet à l'épreuve de parc avant de chuter à ses deuxième et troisième essais.

La moyenne d’âge des compétiteurs était sous les 17 ans, ce qui ne saurait être plus différent des sports équestres, où l’on retrouvait plusieurs des athlètes les plus âgés.

Le souci de rejoindre la jeunesse était partout. Peu importe le sport, le nombre d’athlètes qui ont dit vouloir inspirer les jeunes par leurs performances était effarant. C’est presque devenu une figure imposée. Les olympiens sont manifestement conscients de leur portée et de l’influence positive qu’ils sont à même d’exercer.

Il reste à voir combien de jeunes ont regardé les Jeux olympiques et combien de parents les ont invités à délaisser leur écran habituel pour regarder ceux où étaient diffusés les Jeux, peu importe la plateforme.

Les athlètes, eux, ont fait leur part.

Pause break

Attardons-nous un instant au breaking, qui n’aura fait qu’un passage furtif aux Jeux olympiques puisqu’il n’est pas au programme de ceux de 2028.

Si l’on met de côté nos idées reçues, le breaking, au strict plan sportif, ne mérite pas moins sa place aux Jeux qu’une autre discipline. Les danseurs et danseuses effectuent des gestes qui défient la gravité et qui nécessitent souplesse et force physique. La prestation du Canadien Phil Wizard Kim, qui a remporté la médaille d’or, mais de plusieurs autres compétiteurs était franchement impressionnante.

Déterminer s’il s’agit d’un sport ou d’un art est un faux débat, car d’autres disciplines olympiques, autant aux Jeux d’été qu’aux Jeux d’hiver, proposent déjà un alliage entre l’art et le sport. On oublie par ailleurs que des compétitions artistiques étaient partie intégrante des Jeux jusqu’en 1948.

Le plus gros enjeu relié à cette brève incursion du breaking aux Jeux concerne la communauté du breaking elle-même, qui n’a pas dû applaudir à l’unisson la présence de son mode d’expression aux JO. Le breaking a ainsi été propulsé dans un espace grand public sans précédent. Si cela aide à lui procurer une reconnaissance et une légitimité à grande échelle, la culture underground dont elle est issue est peut-être exposée à la perte de son essence.

Cela dit, quand l'on voit sur son site web que Phil Wizard est commandité par Red Bull, Visa et RBC, on devine que le breaking avait franchi le Rubicon avant même d’arriver aux Jeux olympiques.

Read more
Similar news