Jeux olympiques de Paris | Le miroir à deux faces

26 Jul 2024

L’appareil de sécurité entourant les Jeux olympiques de Paris, qui débutent officiellement ce vendredi, donne le vertige. Plus de 75 000 soldats, policiers et gardiens de sécurité seront déployés tout au long de l’évènement. Il est question de drones, d’équipes de démineurs et de plongeurs qui patrouilleront dans la Seine.

Jeux olympiques - Figure 1
Photo La Presse

Publié à 1h50 Mis à jour à 6h00

« On dirait la guerre à Paris, et pas les Jeux olympiques ! », m’a texté ma mère à ce sujet cette semaine, sachant que je viens tout juste de rentrer de la capitale française où j’ai passé une partie – très plaisante – de mes vacances, loin des principaux monuments difficiles d’accès depuis une semaine déjà.

Le déploiement sécuritaire – le plus grand de l’histoire de la France en temps de paix – nous renvoie une image bien précise de notre monde. Celle d’un monde déstabilisé, malmené par un conflit meurtrier sur le continent européen, à un lancer de marteau de la France. Par la guerre à Gaza, à un lancer de javelot, tout comme les hostilités grandissantes au Liban, au Yémen, au Soudan…

Un monde de rivalité féroce entre les grandes puissances occidentales et celles du monde émergent, entre autocrates et démocrates, entre vraies et fausses nouvelles, entre craintes de terrorisme, d’espionnage et de piraterie informatique.

PHOTO EMMANUEL DUNAND, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Policiers interdisant à des cyclistes l’accès aux rives de la Seine, où un vaste périmètre antiterroriste a été mis en place depuis le 18 juillet

Ce serait une erreur de se fier à cette image seulement. Celle de l’avant lever du rideau. Celle des précautions.

Car si tout ce dispositif est mis en place, c’est d’abord et avant tout pour s’assurer que la plus grande réunion internationale du monde entier – à laquelle prennent part 10 500 athlètes de 206 pays – ait lieu dans un calme quasi olympien. Et qu’elle reflète à sa façon la marche du monde, faite de beaucoup plus de pas en avant que de reculs.

Il faut retourner 100 ans en arrière, aux Jeux de Paris de 1924, pour voir combien le monde a changé en un siècle. À l’époque, la Ville Lumière avait accueilli un record de 44 délégations, dont celle nouvellement formée de la Turquie post-ottomane. L’Afrique était représentée par deux pays, l’Asie par trois.

Laissée sur la touche par le Comité international olympique (CIO), l’Allemagne de l’après-guerre bouillait politiquement de son côté. Ancêtre des Nations unies, la Société des Nations, à laquelle les États-Unis refusaient d’adhérer, était sens dessus dessous.

L’Europe se remettait de peine et de misère de la Première Guerre mondiale, dans laquelle plus de neuf millions de personnes avaient péri. En 2022, année du déclenchement de la guerre totale en Ukraine, le Programme de données sur la guerre d’Uppsala, en Suède, répertoriait 236 000 morts dans l’ensemble des conflits de la planète.

En 1924, la récession et le chômage affligeaient une bonne partie de l’Europe, où l’espérance de vie dépassait à peine les 60 ans. Elle excède 82 ans aujourd’hui.

Globalement, la pauvreté extrême était l’apanage des deux tiers de la population, alors qu’elle concerne aujourd’hui 9 % des êtres humains.

Toujours à l’époque, un journaliste du Times de Londres avait déclaré que les Jeux olympiques étaient « condamnés » à la disparition, estimant que ces derniers ne répondaient pas aux attentes qui voulaient qu’ils soient « une rivalité amicale et sportive reliant la jeunesse de tous les pays dans une fraternité si serrée qu’elle peut former un rempart contre l’éclosion de toutes animosités internationales ».

Aujourd’hui, personne ne pense qu’à eux seuls les Jeux olympiques peuvent prévenir les conflits. Il est même illusoire de penser qu’une trêve olympique soit observée au cours des prochaines semaines, malgré les encouragements du président français et les résolutions des Nations unies en ce sens.

Par contre, en accueillant des athlètes de partout, les Jeux continuent d’être un pied de nez à tous ceux qui ne carburent qu’à la division, et ce, même si l’harmonie n’est pas sans fausse note.

La Russie et la Biélorussie – du fait de l’invasion de l’Ukraine – n’auront pas de délégations officielles, mais 15 athlètes russes ont accepté l’invitation du CIO de compétitionner sous une bannière neutre. Une délégation palestinienne participe aux Jeux au même titre que la délégation d’Israël.

Sous la gouverne de la cycliste afghane Masomah Ali Zada, qui a fui les talibans, une équipe olympique composée de 37 athlètes réfugiés compétitionnera dans 12 disciplines sportives.

Côte à côte, sous les yeux de dignitaires, de dizaines de milliers de spectateurs et de 1,5 milliard de téléspectateurs, les athlètes assisteront à la cérémonie d’ouverture la plus complexe logistiquement de l’histoire des Jeux olympiques. À elle seule, cette cérémonie témoigne de la détermination de la France et des organisateurs des Jeux à ne pas se laisser abattre par la morosité ambiante, qui, vue dans une perspective historique, est bien relative.

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