Jennie Carignan devient cheffe d'état-major de la Défense

3 days ago
Jennie Carignan

Les forces armées canadiennes seront dirigées dès le 18 juillet par la lieutenante‑générale Jennie Carignan, la toute première femme à accéder au poste de cheffe d’état-major de la Défense.

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, en a fait l’annonce par communiqué mercredi matin. De passage à Montréal, il a souligné la promotion de cette officière « qui a grandi ici, au Québec ».

« Au fil de sa carrière, son leadership, son souci d’excellence et son dévouement ont été des atouts excellents pour nos forces armées. Elle va contribuer à rendre le Canada plus fort et plus sécuritaire », a vanté M. Trudeau.

Ainsi promue au grade de général, Jennie Carignan s’est d’abord enrôlée dans l’armée à une époque où les femmes ne pouvaient pas occuper des rôles de combat. La règle jugée discriminatoire a été renversée en 1989. Mme Carignan a donc pu servir en Bosnie‑Herzégovine, en Afghanistan et en Syrie au cours de sa carrière de plus de 35 ans. Elle a dirigé la Mission de l’OTAN en Iraq, entre 2019 et 2020.

« Ça devient la militaire la plus haut gradé au Canada. Elle a la responsabilité des Forces armées dans leur ensemble, et est aussi conseillère militaire auprès du premier ministre », explique au Devoir Richard Giguère, brigadier-général à la retraite et expert en résidence à l’École supérieure d’études internationales de l’Université Laval.

Il est d’avis que la nomination de la générale Carignan est « certainement » très bien reçue par les troupes, elle qui a brisé de nombreux plafonds de verre au fil de sa carrière. Elle a par exemple commandé la 2e division au Canada, qui englobe les militaires postés au Québec.

Elle est cependant à risque de faire face à « des résistances » à l’interne, nuance Charlotte Duval-Lantoine, chercheuse l’Institut canadien des affaires mondiales. Notamment du fait qu’elle est ingénieure de combat, alors que « d’habitude, quand les chefs de l’état-major qui sont issus de l’armée, seront plutôt de l’infanterie ou de l’artillerie, qui sont considérés des rôles de combat beaucoup plus durs, entre guillemets ». Jennie Carignan a toutefois connu le combat, en Afghanistan et en Irak.

Des défis l’attendent

Dans une vidéo promotionnelle produite par l’armée en 2019, on entend Mme Carignan dire que le plus grand défi auquel elle a fait face dans sa carrière a été de « combattre les perceptions que les femmes sont faibles ».

Ces trois dernières années, elle était responsable du projet de transformer la culture des forces armées canadiennes, dans la foulée d’allégations de comportements inappropriés et d’inconduites sexuelles jusque dans la haute direction. Le grave problème de culture a ensuite été décortiqué par l’ex-juge de la Cour suprême, Louise Arbour.

Sous le leadership de Mme Carignan, l’armée a mis fin au « devoir de signaler » en 2023, soit l’obligation de rapporter à ses supérieurs tout comportement abusif sous peine de sanctions. Paradoxalement, cette mesure avait l’effet pervers de créer un fardeau pour les victimes et créait des barrières supplémentaires aux signalements.

L’engagement de la lieutenante‑générale dans ce dossier n’aurait pas plu à tout le monde à l’interne, avance Charlotte Duval-Lantoine. La nouvelle générale devra aussi gérer un important renouvellement du haut commandement militaire, une « période de transition » très délicate.

Selon l’ex-officier Richard Giguère, qui l’a côtoyée dans sa carrière, de nombreux dossiers urgents l’attendent déjà sur son bureau. À commencer par la relation avec l’OTAN, alors que le premier ministre doit s’envoler la semaine prochaine pour une réunion des pays membres à Washington, dans un contexte où l’organisation accuse le Canada de ne pas investir assez dans son armée.

« Il nous manque entre 15 000 et 16 000 personnes en ce moment dans les Forces armées. C’est un défi majeur », précise-t-il, tout en ajoutant à la liste le défi du remplacement de l’équipement vétuste.

Armée sous pression

Pour Christian Leuprecht, professeur au Collègue militaire royal du Canada et à l’Université Queens, l’armée se retrouve carrément au point où elle a de la difficulté à accomplir tout ce qu’on lui demande. « Il y a une très forte chance qu’on voit une faillite de mission, que les Forces armées canadiennes ne seront pas capables de répondre aux exigences du gouvernement quant aux attentes de sécurité internationales et régionales, la défense du continent, et les opérations régionales. »

Jennie Carignan est a grandi dans la ville d’Asbestos, devenue Val-des-Sources, en Estrie au Québec. Elle détient un baccalauréat en génie du Collège militaire royal du Canada, une maîtrise en administration des affaires de l’Université Laval et une maîtrise en études militaires de l’école des officiers de l’armée américaine, le United States Army Command and General Staff College, de Fort Leavenworth, au Kansas.

Sa biographie fournie par le bureau du premier ministre précise que deux de ses quatre enfants servent aussi dans les Forces canadiennes.

Elle remplace le général Wayne Eyre, l’actuel chef d’état‑major de la Défense, qui a annoncé en début d’année sa retraite des Forces armées canadiennes après 40 ans de service. Le premier ministre Trudeau a justifié le délai de plusieurs mois pour la nomination de sa remplaçante par le besoin « d’avoir la bonne personne » dans un contexte géopolitique tendu.

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