Jagmeet Singh déchire l'entente de soutien conclue avec les libéraux

4 Sep 2024

(Ottawa) À quelque 12 mois du prochain scrutin fédéral, le chef du NPD, Jagmeet Singh, déchire l’entente qu’il avait conclue en mars 2022 avec le premier ministre Justin Trudeau qui assurait la survie politique du gouvernement libéral minoritaire à la Chambre des communes.

Jagmeet Singh - Figure 1
Photo La Presse

Publié à 12h49 Mis à jour à 14h04

En principe, cette entente devait prendre fin en juin 2025. Mais M. Singh a confirmé sa décision d’y mettre fin à deux semaines de la rentrée parlementaire dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux à 13 h. Il a aussi déjà avisé Justin Trudeau.

« Les libéraux sont trop faibles, trop égoïstes et trop redevables aux intérêts des grandes entreprises pour se battre pour les gens, a déclaré M. Singh dans son allocution. Ils ne peuvent pas arrêter les conservateurs. Mais nous pouvons le faire. »

Les Canadiens et Canadiennes mènent une bataille. Une bataille pour l’avenir de la classe moyenne. Justin Trudeau a prouvé à maintes reprises qu’il cède toujours à la pression des PDG. Il a laissé tomber les gens. Il ne mérite pas une autre chance.

Jagmeet Singh

Cette décision hautement politique signifie désormais que le gouvernement Trudeau devra naviguer sur des eaux plus tumultueuses aux Communes afin de faire adopter son programme législatif.

Si auparavant il pouvait essentiellement tenir pour acquis l’appui du NPD pour faire adopter le budget fédéral par exemple ou d’autres mesures qui engagent la confiance de la Chambre, il devra, à compter du 16 septembre, jour de reprise des travaux parlementaires, obtenir à la pièce l’appui d’un autre parti.

Résultat : le rapport de force entre les diverses formations politiques sera modifié. À titre d’exemple, le gouvernement Trudeau pourrait devoir faire de nouvelles concessions au NPD, ou encore accepter des exigences du Bloc québécois, pour faire adopter ses projets de loi. Il est hautement improbable que le Parti conservateur accepte de jouer ce rôle d’autant que le chef conservateur Pierre Poilievre exhortait justement Jagmeet Singh la semaine dernière à déchirer l’entente avec les libéraux à la première occasion afin de provoquer des élections générales en octobre.

Jagmeet Singh - Figure 2
Photo La Presse

De passage à Rocky Harbour, à Terre-Neuve, Justin Trudeau a affirmé qu’il n’a pas l’intention de changer d’un iota son plan de match parlementaire malgré la décision de son allié politique des deux dernières années de le larguer.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Justin Trudeau et Jagmeet Singh

« Le NPD va devoir choisir s’il veut jouer des jeux politiques ou s’il veut livrer pour les Canadiens. On a pu démontrer qu’en investissant concrètement dans les choses dont les Canadiens ont besoin […] on peut livrer pour les Canadiens durant une période difficile. Si le NPD choisit de s’allier avec les conservateurs, qui ne veulent que couper, qui ne veulent que faire mal aux Canadiens […], les Canadiens jugeront le NPD de façon appropriée. Mais je reste optimiste qu’on va pouvoir faire fonctionner le Parlement », a dit M. Trudeau.

À titre d’exemple, il a énuméré les principales mesures adoptées par son gouvernement, avec l’appui du NPD depuis 2002.

En vertu de cette fameuse entente, le NPD s’était engagé à appuyer le gouvernement minoritaire de Justin Trudeau lors des votes de confiance aux Communes pendant une période de trois ans.

En échange, le gouvernement Trudeau a promis de mettre en œuvre certaines mesures qui sont chères au NPD comme la création d’un programme national de soins dentaires, l’adoption d’une loi anti-briseurs de grève, et des investissements pour créer un programme d’assurance-médicaments, entre autres choses. Les éléments les plus importants de cette entente ont été mis en œuvre au cours des derniers mois.

Jagmeet Singh - Figure 3
Photo La Presse

PHOTO PATRICK DOYLE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le chef conservateur, Pierre Poilievre

Réagissant à ce nouveau rebondissement, Pierre Poilievre a accusé M. Singh d’avoir orchestré « un coup d’éclat médiatique » sans conséquence. « Singh le vendu refuse de dire si le NPD va voter pour une motion de non confiance pour avoir une élection sur la taxe sur le carbone à la première occasion », a-t-il écrit sur le réseau X.

Lors de la retraite du cabinet fédéral, la semaine dernière, à Halifax, la leader du gouvernement en Chambre, Karina Gould, avait dit avoir bon espoir que l’entente qui lie le NPD et le gouvernement allait demeurer en vigueur comme prévu jusqu’en juin 2025.

Il appert que la décision du gouvernement Trudeau d’imposer l’arbitrage exécutoire afin de mettre fin à l’arrêt de travail qui a paralysé les deux compagnies de chemin de fer pays a irrité le NPD au point d’accélérer la décision de mettre un terme à l’entente.

Le porte-parole du NPD en matière de travail, Matthew Green, a d’ailleurs affirmé jeudi que son parti réévaluait son appui à l’entente depuis que le ministre du Travail, Steve MacKinnon, a demandé au Conseil canadien des relations industrielles d’imposer l’arbitrage exécutoire moins de 24 heures après que le Canadien Pacifique Kansas City et le Canadien National ont mis en lock-out leurs travailleurs. Les parties n’avaient pas pu conclure une entente à la table de négociation avant les arrêts de travail annoncés.

PHOTO RYAN REMIORZ, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Jagmeet Singh - Figure 4
Photo La Presse

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, s’est joint aux travailleurs en lock-out alors qu’ils faisaient du piquetage à Montréal, le 22 août 2024.

La fin de l’entente de gouvernance ne veut pas dire forcément que le pays sera plongé dans une campagne électorale cet automne, a indiqué une source néo-démocrate qui s’exprimait sous le couvert de l’anonymat afin de s’exprimer plus librement.

Ce sera au cas par cas. Si ce que propose le gouvernement libéral est bon pour les Canadiens, on votera en faveur. Si c’est mauvais pour les Canadiens, on votera contre.

Une source néo-démocrate

Jagmeet Singh attendra à jeudi afin d’expliquer les raisons qui le poussent à déchirer l’entente lors d’une conférence de presse qui est prévue à 11 h 15, selon les informations.

M. Singh doit réunir son caucus à Montréal la semaine prochaine afin de préparer la rentrée parlementaire, quelques jours avant la tenue de l’élection partielle dans la circonscription de LaSalle—Émard—Verdun. Le NPD met tout la gomme depuis des semaines afin d’assurer la victoire de son candidat, Craig Sauvé, et ainsi arracher un bastion libéral.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Jagmeet Singh et Craig Sauvé, le candidat du NPD pour l’élection partielle dans la circonscription de LaSalle—Émard—Verdun

Accusant le chef du NPD d’être un « vendu » pour avoir soutenu le gouvernement Trudeau au cours des derniers mois, le chef conservateur Pierre Poilievre avait mis Jagmeet Singh au défi de mettre fin à l’entente la semaine dernière.

« Les Canadiens ne peuvent pas se permettre une autre année de Justin Trudeau », avait soutenu le chef conservateur durant une conférence de presse devant les portes du Parlement. « Justin Trudeau ne va pas démissionner. Il faut le congédier. »

M. Poilievre a lancé ce défi tandis que son parti mène largement dans les sondages depuis plus d’un an. En moyenne, le Parti conservateur détient une avance variant entre 15 et 20 % sur le Parti libéral du Canada, au pouvoir depuis 2015.

Dans sa déclaration sur les réseaux sociaux, mercredi, M. Singh a affirmé que son parti doit livrer une autre bataille plus importante : « Affronter Pierre Poilievre et les coupures conservatrices. Des coupures qui vont toucher les travailleurs, les retraités, les jeunes, les familles. Tout ça pour qu’il puisse redonner plus aux PDG », a-t-il dit.

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