Procès pour viol de Jacob Hoggard : ce que le jury n'a jamais su

5 Oct 2024

Au tribunal de Haileybury, le jury au procès de Jacob Hoggard n'a jamais su que l'accusé avait déjà subi un premier procès pour viol à Toronto et qu'il est en prison depuis le verdict de culpabilité. Pourtant, la plaignante au second procès a vendu la mèche la semaine dernière, lorsqu'elle a fait allusion aux plaignantes du premier procès dans des recherches sur Internet qu'elle n'était pas autorisée à faire.

Jacob Hoggard - Figure 1
Photo ICI.Radio-Canada.ca

Le chanteur du défunt groupe Hedley a plaidé non coupable d'une accusation d'agression sexuelle au sujet de la rencontre qu'il a eue avec la plaignante après un concert à Kirkland Lake le 24 juin 2016.

Apparence de vice de procédure

Au troisième jour du contre-interrogatoire de la défense, la plaignante, poussée dans ses derniers retranchements, a avoué qu'elle avait fait des recherches sur Internet au sujet de la fiancée de Jacob Hoggard, mais aucune autre recherche sur les femmes qui l'ont accusé dans le passé.

L'avocate Megan Savard s'était aussitôt levée pour marquer son objection et éviter que la plaignante ne s'avance trop loin dans son témoignage. Le jury avait alors été prié de sortir.

Cet égoportrait de la plaignante avec le chanteur Jacob Hoggard a été montré au jury et présenté en preuve par la Couronne au procès de Jacob Hoggard à Haileybury.

Photo : AVEC L'AUTORISATION DE LA COUR SUPÉRIEURE DE L'ONTARIO

Me Savard avait déclaré qu'elle devait d'abord consulter son client pour connaître la marche à suivre.

Jacob Hoggard - Figure 2
Photo ICI.Radio-Canada.ca

L'accusé semble lui avoir suggéré de ne pas déclarer un vice de procédure, puisque son avocate a plutôt proposé au juge de donner une instruction immédiate au jury pour corriger le tir.

La Couronne avait minimisé l'écart de conduite de la plaignante en rappelant qu'elle n'avait nullement mentionné que l'accusé était en prison pour le viol d'une autre femme, mais plutôt affirmé que d'autres femmes avaient dans le passé dénoncé une conduite répréhensible.

L'avocate Megan Savard arrive au tribunal de Haileybury le 26 septembre 2024 au quatrième jour du procès de son client, Jacob Hoggard.

Photo : Radio-Canada / CBC

Me Savard avait toutefois relevé que la plaignante avait appris le passé du chanteur par la journaliste de CBC à qui elle avait accordé une entrevue en 2018.

L'instruction que je suggère doit mentionner qu'il s'agit d'une preuve par ouï-dire, sinon le mal sera fait, avait-elle prévenu.

Le juge avait néanmoins rappelé à Me Savard qu'il était facile de prévoir qu'un tel incident allait survenir dans le cours du procès.

Jacob Hoggard - Figure 3
Photo ICI.Radio-Canada.ca

Vous avez tellement insisté sur les recherches qu'elle a faites sur Internet que si vous continuez dans cette voie, j'aurais de sérieuses inquiétudes, avait-il averti.

L'ex-journaliste de CBC Judy Trinh en entrevue à l'hiver 2018 avec la plaignante, qui avait 19 ans au moment des faits reprochés de 2016 à Kirkland Lake.

Photo : Radio-Canada / CBC

Le juge avait sommé la plaignante de ne plus mentionner le passé de l'accusé jusqu'à la fin de son témoignage.

Au retour des jurés, il leur avait ordonné de ne pas tenir compte de la dernière réponse de la femme, parce qu'elle n'était pas pertinente et que les informations de CBC à l'époque ne constituaient aucunement des preuves.

Les difficultés du second procès

Le premier procès de Jacob Hoggard représentait une épine dans le pied de la Couronne et de son seul témoin à charge et la défense n'a cessé de veiller au grain à ce sujet pour éviter que les audiences ne déraillent.

Le jury avait d'ailleurs fait l'objet d'une sélection méticuleuse le 23 septembre et les candidats qui connaissaient le passé de l'accusé avaient été écartés d'office.

Jacob Hoggard - Figure 4
Photo ICI.Radio-Canada.ca

Jacob Hoggard arrive au tribunal à Toronto pour son audience sur la détermination de la peine, le 6 octobre 2022, à son premier procès.

Photo : La Presse canadienne / Alex Lupul

Jacob Hoggard a été condamné à l'automne 2022 à cinq ans de prison pour agression sexuelle ayant causé des blessures contre une résidente d'Ottawa en novembre 2016 à Toronto.

Il avait toutefois été acquitté d'une accusation semblable contre une adolescente à Mississauga. Il avait subi un premier et même procès au printemps 2022 dans la métropole.

Le chanteur de 40 ans avait interjeté appel du verdict de culpabilité, mais sans succès. La Couronne n'avait pas contesté l'acquittement.

Jacob Hoggard entre au palais de justice de Toronto en compagnie de son épouse Rebekah (en costume vert jade) et de l'une de ses deux avocates, Kally Ho.

Photo : Radio-Canada / Tina Mackenzie

Jacob Hoggard avait par la suite demandé, en vain, à la Cour d'appel de l'Ontario de le maintenir en liberté sous caution, le temps d'être entendu ou non devant la Cour suprême du Canada.

Jacob Hoggard - Figure 5
Photo ICI.Radio-Canada.ca

La presse n'était pas autorisée à mentionner le premier procès pour conserver l'impartialité du second procès et la présomption d'innocence de l'accusé.

Des objections et des corrections

La Couronne et la défense avaient par ailleurs manifesté des objections au sujet de leurs arguments finaux respectifs, si bien que le juge a dû y apporter des corrections avant de les communiquer au jury juste avant la présentation de ses instructions finales vendredi.

Par exemple, Me Savard avait dit dans ses conclusions que la plaignante avait menti et que des mensonges peuvent ruiner des vies, briser des familles et envoyer des innocents en prison.

La prison peut être un châtiment, avait-elle dit sans nommer son client.

L'Hôtel Thompson de Toronto, où Jacob Hoggard a été reconnu coupable d'avoir violé une première femme le 22 novembre 2016 à Toronto.

Photo : Radio-Canada / CBC

Le juge a expliqué aux jurés qu'ils n'ont pas pour tâche d'infliger un châtiment à un accusé et qu'il est le seul qui devra décider de la peine de Jacob Hoggard dans l'éventualité où le chanteur serait reconnu coupable au-delà de tout doute raisonnable.

Jacob Hoggard - Figure 6
Photo ICI.Radio-Canada.ca

La défense s'était aussi opposée à ce que la Couronne fasse référence dans ses arguments au traumatisme de la plaignante.

Me Savard avait dit en l'absence du jury qu'aucune preuve scientifique d'un tel traumatisme n'avait été présentée par un expert dans ce procès.

La présence d'un traumatisme dans les cas de viol est sujette à débat, mais elle ne peut être acceptée dans ce procès, avait-elle déclaré.

Le motel Comfort Inn de Kirkland Lake, où Jacob Hoggard est accusé d'avoir violé une seconde femme le 24 juin 2016.

Photo : GOOGLE MAP - STREET VIEW

La Couronne avait néanmoins spécifié que le jury est en droit d'user de son sens commun pour observer que la plaignante est atteinte d'un traumatisme depuis sa relation sexuelle avec la vedette et que son comportement au procès, ses pleurs et ses silences sont l'expression même d'un tel traumatisme.

Le juge avait toutefois enjoint le jury à ne pas se prononcer sur le traumatisme allégué de la plaignante, mais plutôt à se concentrer sur les raisons pour lesquelles la femme a dit qu'il s'agissait d'une expérience éprouvante pour peser la crédibilité de son témoignage.

Jacob Hoggard - Figure 7
Photo ICI.Radio-Canada.ca

La défense avait enfin rejeté un aspect du réquisitoire final de la Couronne qui portait sur la fréquence avec laquelle l'accusé aurait demandé à la présumée victime si elle était correcte durant la relation sexuelle et la raison pour laquelle il s'inquiétait à ce point de son bien-être.

Le tribunal de Haileybury, où des mesures avaient été prises pour éviter que les jurés ne voient Jacob Hoggard sortir du fourgon cellulaire chaque matin à son arrivée au palais de justice.

Photo : Radio-Canada / Mehrdad Nazarahari

Le procureur Peter Keen avait laissé entendre que l'accusé vérifiait l'état de la plaignante, parce qu'elle ne cessait de pleurer, de se débattre et de lui demander d'arrêter.

Me Savard avait toutefois expliqué, à la lumière de la jurisprudence, qu'il est normal qu'un individu s'assure que sa partenaire a du plaisir durant une relation sexuelle.

Le magistrat avait donné raison à la défense et demandé au jury de ne pas tenir compte de cette observation de la Couronne lors de ses délibérations.

Jacob Hoggard - Figure 8
Photo ICI.Radio-Canada.ca

Dans ses instructions, le juge a rappelé aux jurés que chaque victime d'agression sexuelle réagit différemment à la suite d'un viol. Elle peut se défendre, rester figée ou fuir, mais il est important de ne pas juger son comportement, peu importe s'il est incompréhensible, a-t-il expliqué.

Le magistrat faisait référence au fait que la plaignante a mentionné qu'elle a eu recours à une thérapeute après sa rencontre avec l'accusé.

Il a néanmoins averti les jurés que cela ne signifie pas pour autant qu'elle a été forcément été agressée comme elle le prétend et qu'ils ne doivent s'appuyer que sur les preuves de la Couronne à ce sujet.

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