(Washington) Brisera-t-elle l’ultime plafond de verre ? La vice-présidente Kamala Harris, lancée dans la course pour remplacer Joe Biden comme candidate des démocrates à l’élection de novembre, pourrait écrire une nouvelle page de l’histoire américaine.
Publié à 14h51 Mis à jour à 18h57
Aurélia END Agence France-Presse
Elle l’a déjà fait en devenant en janvier 2021 la première femme, la première Afro-Américaine et la première personne d’origine asiatique à accéder à la vice-présidence.
Celle qui a brisé un après l’autre les plafonds de verre, selon les propres mots de Joe Biden, a récolté son soutien pour remporter l’investiture du Parti démocrate.
« Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour unifier le Parti démocrate – et unir notre nation – pour battre Donald Trump », a-t-elle déclaré dans un communiqué, saluant « l’acte désintéressé et patriotique » du président.
La vice-présidente, âgée de 59 ans, raconte souvent avoir manifesté enfant pour les droits civiques, en compagnie de son père jamaïcain, professeur d’économie, et de sa mère indienne, chercheuse spécialiste du cancer du sein.
La « petite fille » du busC’est aussi dans son enfance qu’elle a puisé le souvenir qui l’a révélée pendant un débat de la primaire démocrate en 2019.
La native d’Oakland, en Californie, avait durement attaqué un certain Joe Biden sur son opposition passée à une politique de déségrégation raciale qui consistait à transporter en bus certains enfants vers des écoles éloignées, et dont elle avait bénéficié.
« La petite fille (dans le bus), c’était moi », avait-elle lancé.
Cette sortie remarquée n’avait pas sauvé une campagne ratée, interrompue avant même le premier scrutin des primaires.
Joe Biden l’a ensuite invitée sur son « ticket », l’exposant ainsi aux attaques de son adversaire républicain Donald Trump.
En 2020, l’ancien président a qualifié la démocrate de « monstre » et de « femme colérique », des termes renvoyant à des stéréotypes racistes sur les femmes noires.
Après un débat calamiteux de Joe Biden face à Donald Trump le 27 juin 2024, le milliardaire de 78 ans, anticipant un retrait du président américain, a relancé ses attaques.
PHOTO BRIAN SNYDER, ARCHIVES REUTERS
Après un débat calamiteux de Joe Biden face à Donald Trump le 27 juin 2024, le milliardaire de 78 ans, anticipant un retrait du président américain, a relancé ses attaques.
Toujours en quête de surnoms moqueurs pour ses opposants, il a commencé à l’appeler « Kamala l’hilare » (« Laffin’Kamala »), en référence à son rire tonitruant, tandis que son équipe de campagne a entrepris de la décrire comme une gauchiste invétérée.
Diplômée de l’université Howard, fondée à Washington pour accueillir les étudiants afro-américains en pleine ségrégation, Kamala Harris est fière de son parcours emblématique du rêve américain.
« Comment osent-ils ? »Après deux mandats de procureure à San Francisco (2004-2011), elle a été élue, deux fois, procureure générale de Californie (2011-2017), devenant alors la première femme et la première personne noire à diriger les services judiciaires de l’État le plus peuplé du pays.
Elle a été critiquée pour sa répression sévère des petits délits, qui a selon ses opposants surtout affecté les minorités.
En janvier 2017, elle a prêté serment au Sénat à Washington, où elle est devenue la première femme ayant des origines d’Asie du Sud et seulement la deuxième sénatrice noire dans l’histoire.
Élue vice-présidente, elle a dédié son discours de victoire aux « petites filles » d’Amérique.
En 2022, Kamala Harris a pris avec ferveur la défense du droit à l’avortement, remis en cause par la Cour suprême.
« Certains dirigeants républicains essaient d’instrumentaliser la loi contre les femmes. Comment osent-ils ? Comment osent-ils dire à une femme ce qu’elle peut et ne peut pas faire de son propre corps ? », s’est-elle indignée après que la plus haute juridiction du pays a annulé la garantie fédérale du droit à l’avortement.
Cette forte déclaration, et la campagne énergique menée depuis un an par Kamala Harris à travers le pays, l’ont relancée.
Occupant un poste par nature ingrat, Kamala Harris a aussi fait des faux pas au début de son mandat, sur des questions délicates de diplomatie et d’immigration.
« Second Gentleman »La presse américaine a parfois jugé qu’elle manquait d’envergure-ce que ses partisans expliquent aussi par des biais sexistes.
Le magazine Vogue avait dû se défendre d’avoir, peu après l’élection, choisi pour sa couverture une photo de la vice-présidente en baskets, plutôt qu’un portrait plus formel, qui aurait davantage mis l’accent sur sa fonction.
PHOTO MANUEL BALCE CENETA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
La vice-présidente Kamala Harris et son conjoint Doug Emhoff
La principale intéressée prend pourtant soin de cultiver une image décontractée, aidée en cela par son conjoint Doug Emhoff, pour lequel l’Amérique a dû s’habituer au titre de « Second Gentleman ».
Cet avocat à l’expression amicale est aussi le premier Juif dans ce rôle. Il a été l’un des grands relais de la Maison-Blanche dans la lutte contre l’antisémitisme.
Sur les réseaux, le couple feint par exemple de se chamailler autour du basket : il est fan de l’équipe des Lakers de Los Angeles, elle des Warriors de San Francisco.
Kamala Harris, surnommée « Momala » dans sa famille recomposée, est aussi férue de cuisine. Lors d’un voyage officiel à Paris, elle s’était rapidement échappée pour acheter des casseroles en cuivre.
Des liens avec Montréal
Avant de devenir la première femme américaine, la première noire et la première personne d’ascendance sud-asiatique à devenir vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris a passé plusieurs années à Montréal, où elle a fréquenté l’école secondaire Westmount de 1978 à 198i.
Elle a déménagé en ville alors qu’elle était adolescente lorsque sa mère, Shyamala Gopalan, chercheuse sur le cancer du sein, a travaillé à l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif de Montréal. La jeune élève a été inscrite à l’école secondaire de Westmount après un premier passage dans une école de langue française.
Le Dr Michael Pollak, qui a travaillé avec Mme Gopalan à Montréal, l’a décrite dans une note publiée sur le site web de l’Université McGill comme une « pionnière » qui a laissé une marque sur l’institution, en aidant à développer une méthode d’évaluation des tissus mammaires cancéreux qui est devenue une procédure standard à l’hôpital général juif et d’autres hôpitaux.