Opération d'évacuation d'Afghanistan | « Des conneries » : le ...

3 days ago

(Ottawa) L’ancien ministre de la Défense nationale Harjit Sajjan dément avoir ordonné aux Forces armées canadiennes (FAC) d’évacuer en priorité des Afghans de confession sikhe lors de la chute de Kaboul, en août 2021.

Harjit Sajjan - Figure 1
Photo La Presse

Publié à 14h00 Mis à jour à 19h17

Le quotidien The Globe and Mail a rapporté jeudi que le ministre serait personnellement intervenu pour faire sortir du pays un groupe de 225 sikhs au détriment de citoyens canadiens ou d’Afghans ayant un lien avec le Canada, comme des interprètes, par exemple.

« Je n’ai pas ordonné aux Forces armées canadiennes de donner la priorité aux sikhs », a tranché le ministre Sajjan dans une déclaration d’abord transmise au journal torontois, que son cabinet a ensuite fait parvenir à d’autres médias.

« Ce sont des conneries (It’s utter BS) », a lancé le ministre de vive voix en point de presse à Vancouver.

Celui qui a été envoyé en Afghanistan trois fois à l’époque où il servait dans les FAC explique avoir relayé à la chaîne de commandement des informations sur les Afghans de confession sikhe qui s’étaient réfugiés dans un temple (gurdwara) de Kaboul.

Mais « je n’ai pas ordonné aux FAC d’entreprendre une mission de sauvetage dans un gurdwara ou ailleurs », a assuré le ministre Sajjan. Il est allé jusqu’à accuser la publication d’avoir tiré des conclusions en se fondant sur des préjugés racistes.

Je ne peux que supposer que si je ne portais pas de turban, personne ne se demanderait si mes actions étaient appropriées.

Harjit Sajjan, ancien ministre de la Défense nationale

Le ministère de la Défense nationale a assuré jeudi que toutes les opérations d’évacuation avaient été menées « conformément aux directives du gouvernement du Canada et du ministre de la Défense nationale », et que les ordres « venaient du chef d’état-major et de ses commandants de niveau opérationnel ».

Questionné par La Presse, jeudi, le chef d’état-major de la Défense du Canada, le général Wayne Eyre, a quant à lui assuré que toutes les sorties des forces spéciales canadiennes à Kaboul pendant l’évacuation découlaient d’ordres légaux.

PHOTO PATRICK WOODBURY, LE DROIT

Harjit Sajjan - Figure 2
Photo La Presse

Le chef d’état-major de la Défense du Canada, le général Wayne Eyre

Les militaires travaillaient avec une liste de personnes préapprouvées par le ministère de l’Immigration.

Le groupe d’Afghans de confession sikhe en faisait partie. « Ce groupe était sur la liste, alors nous avons fait ce que nous pouvions pour les secourir, comme d’autres, par exemple l’équipe de soccer féminine afghane », a déclaré le général.

Il a insisté sur le contexte extrêmement difficile dans lequel les militaires opéraient en Afghanistan à ce moment, alors que les environs de l’aéroport étaient submergés par une masse d’une dizaine de milliers de personnes cherchant à fuir le pays.

Citant des motifs de protection de la vie privée, le ministère de l’Immigration n’a pas voulu dire si, parmi les quelque 5700 lettres de facilitation délivrées pendant que le pont aérien était opérationnel, certaines avaient été envoyées au groupe de sikhs.

Le Bloc réclame une enquête

Les sikhs en question n’ont finalement pu être extirpés d’Afghanistan pendant l’opération d’août 2021. Ils ont toutefois réussi à déguerpir à bord d’appareils nolisés par d’autres gouvernements, dont celui de l’Inde, des mois plus tard.

Cela ne disculpe pas le ministre, insiste la députée bloquiste Christine Normandin. Et pour en avoir le cœur net, son successeur Bill Blair doit ordonner l’ouverture d’une enquête. « C’est la première des choses à faire », souligne-t-elle.

Car dans l’immédiat, la contre-attaque de Harjit Sajjan, qui accuse le Globe and Mail d’avoir été aveuglé par des préjugés racistes, ne permet pas d’y voir plus clair, estime l’élue : « Ça aurait été un minimum de dire : “Je vais fournir des documents, on va répondre aux questions” »

Au Parti conservateur, on a fourni une déclaration générique accusant les libéraux d’avoir « laissé tomber » les Forces armées et de manquer de respect à l’égard de leur leadership « en matière d’approvisionnement, de recrutement ou d’opérations ».

Une minorité religieuse persécutée

Les sikhs sont une très petite minorité religieuse en Afghanistan, un pays à majorité musulmane où ils sont discriminés. En mars 2020, une attaque ciblée de Daech (groupe armé État islamique) dans un gurdwara de Kaboul a fait au moins 25 victimes.

Et après l’attentat, « environ 200 membres de la communauté sikhe ont quitté le pays pour l’Inde, indiquant qu’ils sont partis en raison du manque de sécurité et d’une protection gouvernementale insuffisante », selon un rapport du département d’État américain publié la même année.

PHOTO NARINDER NANU, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Des réfugiés sikhs d’Afghanistan exigent des gouvernements pakistanais et afghan qu’ils sécurisent les familles sikhes et hindoues ainsi que leurs lieux de culte, lors d’une manifestation à Amritsar le 27 août 2020.

Au Canada, la gravité de la situation avait incité des élus conservateurs, néo-démocrates et verts à écrire au ministre fédéral de l’Immigration de l’époque, Marco Mendicino, afin de l’exhorter à créer un programme spécial afin de déplacer des sikhs et des hindous au Canada.

L’histoire jusqu’ici

4 août 2021 : Des appareils canadiens militaires et des vols civils nolisés commencent à faire sortir des personnes évacuées de l’Afghanistan. 15 août 2021 : Les talibans prennent le contrôle de la capitale afghane, Kaboul. 26 août 2021 : L’opération d’évacuation de l’armée canadienne à l’aéroport de Kaboul prend fin, laissant derrière des personnes vulnérables. 31 août 2021 : Le président des États-Unis Joe Biden annonce que les derniers soldats américains ont quitté l’Afghanistan, après une présence de 20 ans.
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