Les pratiques d'Andy Buntic et Audrey L'Heureux dénoncées par d ...

14 days ago

Andy Buntic et Audrey L’Heureux ont fait leur entrée dans le monde entrepreneurial en 2015. En moins de dix ans, ils ont ouvert cinq salons de barbier et quatre restaurants à Sherbrooke et Magog. Ils sont également derrière Primal, une gamme de produits de soins pour hommes, en plus d’avoir été impliqués dans le projet du restaurant Queues de Castor de Magog. Devant le nombre grandissant d’entreprises sous leur gouverne, ils ont créé BL&Co, une entreprise de gestion de projets en restauration, et Skyla Capital, une société de gestion et de développement de projets.

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Photo La Tribune

Au fil des ans, le couple fait la manchette pour son engagement dans la communauté. Mme L’Heureux et M. Buntic ont notamment agi à titre de coprésidents d’honneur pour le Défi têtes rasées de Sherbrooke et Magog en 2021 en plus d’être les porte-paroles du Défi OSEntreprendre-Estrie l’année suivante. Andy Buntic a également été administrateur de la Corporation des événements de Magog lors de sa création en 2020.

Mais derrière ces succès se cachent plusieurs relations d’affaires qui se sont terminées sur une note amère pour de nombreuses personnes qui estiment s’être fait flouer.

Dans une entrevue avec La Tribune, Andy Buntic et Audrey L’Heureux assurent toutefois avoir été transparents avec les investisseurs et attribuent les difficultés de leurs entreprises au contexte économique difficile. Ils avancent que leurs agissements sont parfaitement légaux et qu’ils subissent d’importants préjudices en lien avec des litiges les concernant au palais de justice de Sherbrooke.

Un modus operandi

Le modus operandi du couple Buntic-L’Heureux est décrit par 12 anciens partenaires d’affaires dans des documents de cour, mais également dans huit entrevues réalisées par La Tribune : les éventuels partenaires se font approcher pour investir ou devenir actionnaires dans un projet spécifique, comme un restaurant, pour ensuite immédiatement voir une partie leur argent être transférée vers des comptes d’autres entreprises du couple à leur insu.

Depuis le début de l’année 2024, le couple est visé par deux poursuites civiles, pour des réclamations totales de près de 800 000 $. La plus récente a été déposée par sept personnes qui veulent revoir près d’un demi-million investi auprès d’Andy Buntic, Audrey L’Heureux, mais aussi auprès de leurs partenaires en affaires Tanya Buntic et Louis-Philippe Dufresne-Latendresse. Les poursuivants reprochent au quatuor des abus de confiance, de fausses représentations et d’avoir mis en place un stratagème permettant le détournement des fonds.

Selon les documents de cour, Jean-François Leblanc, Jenny Lacroix, François Bellemare, Martin Thibault, Julija Juric, Sophie Ogez et Jonathan Levasseur ont investi 478 700 $ dans un projet de restaurant en Floride piloté par les défendeurs. Cet argent n’a toutefois pas été utilisé pour préparer l’ouverture du restaurant, avance la poursuite.

La demande souligne notamment qu’une partie de ces sommes aurait servi à faire des paiements à la SAQ, à la CNESST et à d’autres entreprises du groupe gérées par Andy Buntic et Audrey L’Heureux. Selon les documents de cour, Jean-François Leblanc, Jenny Lacroix, Martin Thibault et Julija Juric ne se sont pas entendus avec le couple sur la signature des documents reflétant leur entente.

Andy Buntic, Audrey L’Heureux, Tanya Buntic et Louis-Philippe Dufresne-Latendresse ont ouvert plusieurs restaurants dans la région. (Maxime Picard)

Mme Ogez et M. Levasseur sont les initiateurs de l’autre poursuite déposée en 2024 dans laquelle ils réclament plus de 300 000 $ et accusent Andy Buntic, Audrey L’Heureux, Tanya Buntic et Louis-Philippe Dufresne-Latendresse d’abus de confiance, de comportements malhonnêtes, d’avoir transmis de fausses informations, d’avoir altéré des documents et d’avoir utilisé un stratagème pour détourner sans droits les sommes destinées aux activités d’un restaurant Queues de Castor à Sherbrooke.

Me Charles Désy, l’avocat d’Andy Buntic, Audrey L’Heureux, Tanya Buntic et Louis-Philippe Dufresne-Latendresse, a réagi dans une déclaration envoyée à La Tribune.

«Pour notre part, devant des allégations aussi graves des demandeurs, nos clients ont initié dès le départ se prévaloir d’une expertise indépendante et professionnelle en juricomptabilité pour démontrer la conformité de l’utilisation des sommes prêtées. Lorsque les demandeurs ont appris que nous entendions avoir recours à une telle expertise en juricomptabilité, leurs procureurs ont demandé de se joindre à nous pour que l’expertise soit commune. Il faut donc croire que dans l’état actuel des choses, la preuve des allégations des demandeurs est loin d’être complète.»

La poursuite a toutefois une vision bien différente des raisons derrière la demande d’expertise commune.

«Malgré de multiples demandes, les défendeurs refusent de communiquer les documents et/ou informations qui permettraient de suivre le chemin et l’usage ultime des sommes versées par les demandeurs, explique Me Annick Décarie. Dans ce contexte, l’expertise commune en juricomptabilité a été suggérée par le tribunal et cette expertise fera partie de la preuve lors du procès.»

Le rapport final en juricomptabilité est attendu pour le 16 septembre. Me Désy confirme également qu’une poursuite en diffamation devrait être entamée envers Jean-François Leblanc, Jenny Lacroix, François Bellemare, Martin Thibault, Julija Juric, Sophie Ogez et Jonathan Levasseur au mois d’octobre.

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Photo La Tribune
Des témoignages concordants

La Tribune a conduit huit entrevues avec d’anciens employés ou investisseurs qui ont côtoyé Andy Buntic et Audrey L’Heureux à travers divers projets. Deux personnes ont accepté de raconter leur histoire à visage découvert. Les autres ont demandé la confidentialité ou ont refusé que leur histoire se retrouve sur la place publique par crainte de représailles juridiques.

Geneviève Ruel a été engagée comme directrice des opérations au restaurant Küto Jacques-Cartier à l’été 2021. Après avoir été approchée en novembre, elle investit 50 000 $ pour détenir 10 % des actions du restaurant. La transaction est officialisée entre Geneviève Ruel et le «Küto Comptoir à tartares de Sherbrooke / Secteur Jacques-Cartier» le 19 novembre, selon les documents officiels. La somme est déposée le jour même dans le compte du restaurant, mais une partie est immédiatement transférée vers d’autres comptes d’autres entreprises du couple.

Mme Ruel déchante rapidement dans les mois suivants lorsqu’elle constate que certains fournisseurs ne sont pas payés malgré les liquidités qu’elle a injectées récemment.

«Je ne vois pas les chiffres, souligne-t-elle. Je commence à poser des questions et je commence à douter. Je me fais répondre que tout va bien.»

Un avis de faillite du Küto Jacques Cartier est publié le 6 septembre 2023. L’entreprise est alors endettée de 240 000 $. Mme Ruel est transférée au Küto Rock Forest avant de démissionner en décembre. Elle n’a jamais récupéré son 50 000 $.

«J’ai voulu faire une mise en demeure avec mon avocat, mais il m’a dit que puisque l’entreprise a fait faillite, c’était peine perdue», déplore-t-elle.

Mme Ruel a reçu une proposition de la part d’Andy Buntic et Audrey L’Heureux pour transférer ses parts dans les autres restaurants Küto de la région. Elle a toutefois décidé alors de ne pas la signer parce qu’elle ne souhaitait plus être en affaires avec le couple.

Si Mme Ruel croyait fermement que l’argent allait servir aux opérations du Küto Jacques-Cartier, Andy Buntic avance de son côté qu’il n’en a jamais été question. Les liquidités de Mme Ruel se sont plutôt retrouvées chez BL&Co, la société de gestion étant propriétaire des actions vendues à Mme Ruel, explique-t-il.

«C’est un achat d’actions, l’argent, dans notre structure, j’en fais ce que j’en veux, mentionne-t-il en entrevue, précisant qu’il ne s’agissait pas d’un prêt. Ce n’est pas de l’argent qui a été investi pour un projet. L’argent va où après? Ça ne regarde pas La Tribune. On fait affaire avec des professionnels, on a été guidé par des professionnels et on a une structure professionnelle.»

«[On ne contrôle pas] ce que les gens ont comme perception par manque de ‘‘skills’' entrepreneuriales ou de connaissances, mais on répond toujours à leur question, mentionne Audrey L’Heureux. Cette dame avait l’opportunité d’aller voir des corps professionnels pour se faire guider autrement. On a fait le nécessaire pour qu’elle réussisse.»

Le Küto Magog

Adrien Delenclos a aussi investi dans un restaurant après avoir été embauché comme directeur des opérations au Küto de Magog le 1er avril 2021.

Huit mois après son arrivée, il signale son désir d’investir dans le Küto de Magog à Andy Buntic, Audrey L’Heureux, Tanya Buntic et Louis-Philippe Dufresne-Latendresse.

«Ça s’est passé au début quand ça allait bien et qu’on avait un bon roulement, indique celui qui avait alors comme objectif de se lancer en affaires en restauration. J’ai ma part de responsabilités parce que ça me semblait alléchant. Mais ensuite, j’ai eu l’impression que les choses se sont faites vite. Pour eux, il fallait que ce soit réglé la semaine d’après et il y avait une pression pour que l’argent sorte vite. Je me suis dit que c’étaient des gens d’affaires et qu’ils savaient ce qu’ils faisaient.»

Adrien Delenclos, qui n’a pas souhaité chiffrer le montant de son investissement, regrette rapidement sa décision. De plus, il n’a aucune nouvelle de son investissement pendant plusieurs semaines.

«J’avais des appels de fournisseurs pour me dire que tel paiement n’avait pas passé. Je recevais même des appels pour le contrat de ramassage des poubelles.»

Quatre mois plus tard, M. Delenclos confronte sans succès les propriétaires.

«J’étais vraiment fâché et je leur ai demandé ce qu’ils avaient fait avec mon investissement. Je voulais juste que ce soit transparent. Si je suis actionnaire, j’ai le droit de voir les états financiers, mais ça fait trois ans et je n’ai jamais rien vu. Je leur ai demandé et ils ne me les ont jamais montrés. Je demandais aussi si on pouvait me rembourser ou s’arranger, mais ils me jouaient un petit coup de violon. Ils me disaient que le Küto Rock Forest avait prêté de l’argent au Küto Magog et que j’avais racheté cette dette. »

De leur côté, Andy Buntic et Audrey L’Heureux assurent qu’ils utilisent des firmes sérieuses pour faire leur écriture comptable et que M. Delenclos aurait pu avoir accès à la documentation décrivant les dettes du restaurant avant d’investir. Des problèmes de sous-traitance expliquent les délais dans la présentation des états financiers selon le couple.

M. Delenclos est resté à l’emploi plus d’un an dans l’espoir de récupérer son argent. Il a signé une convention d’actionnaires et possède officiellement 20 % des actions du restaurant Küto de Magog.

«C’est la porte de sortie que j’ai décidé de prendre en me disant que mon investissement était protégé. Mais même si je ne suis pas nécessairement d’accord, j’ai signé la convention pour m’appuyer.»

Une autre personne, qui préfère rester anonyme par crainte de représailles, a également investi un important montant dans une entreprise spécifique du tandem. Une bonne partie de l’argent a été transférée vers d’autres comptes du groupe à son insu le jour même du dépôt.

«Rien d’illégal»

Andy Buntic et Audrey L’Heureux assurent que la structure entrepreneuriale de leur groupe était connue de «A à Z» par les investisseurs.

«Ce n’est pas parce que ça joue à travers un cashflow de maison mère que l’argent ne finit pas dans le projet, indique M. Buntic. Toutes les sommes investies par toutes les tierces parties ont fini dans chaque projet. Ça ne veut pas dire que l’argent est passé de A à B immédiatement. Ça peut faire A, B, C, D, E et finir dedans. Ce n’est pas ce que je dis qui est arrivé, mais il n’y a rien d’illégal là-dedans.»

M. Buntic invite d’ailleurs les gens qui s’estiment floués à entamer des démarches judiciaires.

«On n’est pas des joueurs qui ont juste profité, puis pris de l’argent pour faire n’importe quoi avec. On fait affaire avec des professionnels, on va démontrer le résultat des allégations qui sont faites au niveau juridique avec un juricomptable. Si quelqu’un se sent floué, qu’il entame des démarches et on fera les mêmes procédures.»

«On a des partenariats qui ont pris des longueurs ou qui n’ont pas marché, résume-t-il. Malheureusement, on n’est pas les seuls entrepreneurs qui l’ont dur en ce moment. Ça fait partie de la game. Sauf que là, ça se revire contre nous pour essayer de nous couler.»

Deux salons de barbier L2D ont fermé leur porte récemment.

Deux faillites et des fermetures

À travers les deux poursuites au palais de justice et le contexte économique, les derniers mois ont été difficiles pour les entreprises du groupe.

L’entité Skyla Capital a fait faillite le 10 mai dernier. Selon les documents officiels, la société cumulait des dettes de 650 000 $.

Cette faillite s’ajoute à celle du Küto Jacques-Cartier à l’automne dernier.

«Depuis le mois de janvier, il y a neuf Küto qui ont fermé en faillite dans le Québec, souligne Mme L’Heureux. Je pense que c’est un modèle d’affaires qui a été fait pour la COVID. Le but, c’est de se réajuster et de restructurer en conséquence pour amener la clientèle ailleurs.»

Deux salons de barbier L2D ont également fermé leur porte.

«L2D n’a pas de problème financier, explique Audrey L’Heureux. On est en restructuration.»

En raison des deux litiges judiciaires les concernant, Andy Buntic et Audrey L’Heureux ont quitté, à la demande des actionnaires, le restaurant Queues de Castor de Magog dans les dernières semaines.

«On s’est fait offrir de se retirer et en tant que bons entrepreneurs on a acquiescé parce qu’on ne voulait pas nuire au projet,» souligne Andy Buntic.

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