Décarboner l'un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre du ...

15 days ago

L'entreprise Rio Tinto Fer et Titane veut réduire de moitié ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et devenir carboneutre d'ici 2050. La tâche est d'autant plus colossale que l'entreprise située à Sorel-Tracy, en Montérégie, fait partie des dix plus gros émetteurs de gaz à effet de serre du Québec.

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Photo ICI.Radio-Canada.ca

Si l'entreprise pollue autant, c'est qu'elle utilise du charbon, beaucoup de charbon; il y en a des montagnes sur le vaste terrain de l'entreprise. Et ce charbon ne sert pas à chauffer les neuf fours. Ceux-ci sont chauffés à l'hydroélectricité, précise le directeur de la préparation opérationnelle au Centre de technologie et minéraux critiques de Rio Tinto Fer et Titane, Roberto Pinto.

Dans nos fours de réduction, nous utilisons du charbon, mais le charbon n'est pas là pour chauffer. Le charbon est un agent de réduction. Et à peu près 70 à 75 % de nos émissions viennent du charbon qu'on utilise pour cette réaction chimique. Donc c'est un grand défi, c'est le type de décarbonation le plus difficile à faire. Le charbon est là juste pour enlever l'oxygène du fer, pour faire une réaction chimique.

Roberto Pinto rappelle que cela fait 75 ans que le complexe métallurgique de Sorel-Tracy maîtrise la recette de production du fer et du titane, qui implique un niveau de risque important en raison des hautes températures. Son collègue, le vice-président, Technologie Didier Arseguel, précise que la température monte à 1400 degrés pour le fer liquide, à 1700 degrés pour le titane liquide, et entre 8000 et 10 000 degrés pour le plasma créé en chauffant ces éléments.

Un gros coup de pouce du gouvernement canadien

En octobre 2022, le premier ministre Justin Trudeau s'est rendu à Sorel-Tracy pour annoncer un investissement de 737 millions de dollars pour réduire les émissions polluantes de l'usine. Ottawa s'est engagé à verser 222 millions de dollars en provenance de son Fonds stratégique pour l'innovation. Rio Tinto doit de son côté investir 517 millions de dollars.

Les employés du Centre de technologie et minéraux critiques de Rio Tinto Fer et Titane, l'un des plus importants centres de recherche de ce type au monde, travaillaient alors déjà sur un projet de décarbonation : le BlueSmelting.

Construite en un temps record, le BlueSmelting est la plus grande usine de démonstration au monde basée sur une technologie qui n'utilise pas de charbon pour produire du fer et du titane. La production a démarré en juin 2023. L'entreprise a investi plus de 70 millions de dollars dans cette aventure.

Haute de quatre étages et munie de trois réacteurs, l'usine de démonstration peut traiter 40 000 tonnes de minerai par an, soit une fraction des 2 millions de tonnes transformées à l'usine de Sorel-Tracy. Il s'agit de minerai d'ilménite constitué d'un oxyde de fer et de titane. Le minerai transformé à Sorel-Tracy provient de Havre-Saint-Pierre au Québec, d'Afrique du Sud et de Madagascar.

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Photo ICI.Radio-Canada.ca

Le BlueSmelting fonctionne avec la technologie de lit fluidisé qui permet d'enlever l'oxygène du minerai. L'usine de démonstration utilise un gaz de réduction plutôt que du charbon. Ce gaz est en fait le monoxyde de carbone qui provient des fours de l'usine principale. Le gaz est donc réutilisé plutôt que retourné dans l'atmosphère.

Le minerai préréduit obtenu aura encore besoin de passer aux fours principaux, mais cette première transformation réduit l'utilisation de charbon et de 70 % les gaz à effet de serre produits.

Les résultats sont assez encourageants pour songer à construire une plus grande usine qui coûterait des centaines de millions de dollars. Une des prochaines étapes, c'est de faire un test à grande échelle, à l'échelle industrielle. Donc cet été, on planifie d'opérer un des fours ici, à Sorel, à 100 pour cent de minerai BlueSmelting, précise Roberto Pinto.

Keven Bilodeau, ingénieur de procédé, Eilyn Patricia De la Hoz, technicienne en décarbonation et Roberto Pinto, directeur de la préparation opérationnelle devant l'un des fours de l'usine de démonstration BlueSmelting.

Photo : Radio-Canada / René Saint-Louis

Des résultats prometteurs

Alors qu'au départ l'équipe du Centre de technologie et minéraux critiques de Rio Tinto Fer et Titane estimait à 50 % les chances de succès de l'usine de démonstration, le vice-président, Technologie, Didier Arseguel, se montre maintenant enthousiaste, même si les prochaines étapes s'avéreront cruciales.

Les résultats que nous allons obtenir suite à ces tests industriels seront fondamentaux pour la justification d'un futur investissement parce qu'ils vont donner une base rationnelle et scientifique à la valeur ajoutée de cette technologie.

Mais le temps presse si l'entreprise souhaite atteindre son objectif de réduire de moitié ses gaz à effet de serre d'ici 2030. Une des prochaines étapes, c'est de commencer à regarder déjà l'usine industrielle de BlueSmelting qu'on veut bâtir ici avant 2030. Et on commence à avoir assez de données pour bâtir ce cas d'affaires, estime Roberto Pinto.

La technicienne en décarbonation Eilyn Patricia De la Hoz récupère du minerai préréduit qui sort de l'usine de démonstration BlueSmelting.

Photo : Radio-Canada / René Saint-Louis

Vers 2050...

Si la nouvelle usine utilisant la technologie BlueSmelting est construite et que la cible de réduction de 50 % des gaz à effet de serre est atteinte en 2030, cela veut dire qu'il y aura moins de gaz carbonique sur le site. Or, l'usine de démonstration fonctionne avec le gaz actuellement produit pas les neuf fours. Il faudra alors utiliser un autre gaz de réduction pour atteindre la carboneutralité, raconte Roberto Pinto.

À un certain moment, j'aurai besoin d'un autre gaz de réduction. Ce deuxième gaz de réduction sera l'hydrogène. On irait prendre de l'électricité pour faire l'électrolyse de l'eau et produire de l'hydrogène vert. Comme ça, quand j'utilise l'hydrogène, je ne produis pas de gaz à effet de serre et je poursuis mon chemin vers la décarbonation.

À cette étape, il faudra de grandes quantités d'électricité pour produire de l'hydrogène, explique cependant le professeur en génie chimique à Polytechnique Montréal, Louis Fradette. Or, la disponibilité de l'électricité au Québec est limitée. Utiliser de l'hydrogène serait aussi trois fois plus cher que le charbon, soutient-il. Et pour l'instant, les produits plus verts ne se vendent pas plus cher sur les marchés mondiaux, bien que cela pourrait changer dans les années à venir.

Ce qui pourrait aussi changer d'ici 2050, ce sont les technologies de captation du carbone qui permettraient de continuer à brûler de petites quantités de charbon dans des procédés industriels comme la production de fer et titane, soutient le professeur.

L'industrie de la circulation du carbone mène tout autant que l'utilisation de l'hydrogène mène vers une économie qui serait net zéro d'ici 2050. Il faut pour cela le capter à sa source et le réutiliser dans des produits qui ne vont pas réémettre de CO2 avant très longtemps, soutient Louis Fradette. Il donne en exemple des polymères, de nouveaux bétons et des produits chimiques.

Rappelons que le Québec entend réduire de 25 millions de tonnes par année ses émissions de CO2 d'ici 2030. À elle seule, la réduction des gaz à effet de serre chez Rio Tinto Fer et Titane représente 670 000 tonnes de CO2 par année, soit l'équivalent de 145 000 voitures.

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