Le grand retour de Donald Trump sur X n’a pas commencé comme prévu. Retardée par une cyberattaque « massive », la conversation qu’il devait avoir avec Elon Musk a tout de même eu lieu, permettant au candidat républicain de remâcher ses principaux thèmes de campagne devant un hôte amical et parfois admiratif.
« C’est un endroit tellement différent » : deux heures durant, Donald Trump s’est évertué à opposer un pays prospère sous sa présidence à un endroit en perdition, après plus de trois ans de règne démocrate. De l’immigration irrégulière aux tensions croissantes au Proche-Orient en passant par la guerre en Ukraine, le républicain a maintes fois martelé que sa poigne aurait permis aux États-Unis de maintenir une position enviable dans le monde.
Or, sur la plupart de ces questions, dit-il, le pays fait plutôt piètre figure. « Quand j’étais [au pouvoir], l’Iran savait qu’il ne fallait pas faire de bêtises », a par exemple assuré le candidat. Ensuite, parlant de ses rapports amicaux avec le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, il a dit que la « menace nucléaire » s’était emballée depuis son départ de la Maison-Blanche.
PHOTO SAUL LOEB, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
Kim Jong-un et Donald Trump
M. Trump a aussi avancé que pas moins de 20 millions de migrants étaient entrés aux États-Unis de façon irrégulière, dont certains provenant de « prisons » ou d’« asiles ». « Beaucoup sont des terroristes », a-t-il également estimé.
Puis l’ancien président a tonné : « Nous aurons la déportation la plus importante de l’histoire de ce pays, nous n’avons pas le choix. »
PHOTO DU COMPTE X DE MARGO MARTIN, FOURNIE PAR REUTERS
Donald Trump participe à une entrevue avec Elon Musk sur la plateforme de médias sociaux X, à partir de son domicile de Mar-a-Lago, en Floride.
Un enjeu – celui de la sécurité aux frontières – sur lequel Elon Musk a pris position par le passé. Le richissime entrepreneur, suivi par plus de 193 millions d’abonnés sur X, a déjà mis de l’avant la théorie voulant que Joe Biden ait aboli les frontières pour assurer de nouveaux électeurs à son parti.
Lors de la diffusion, il a argué qu’il appartenait aux États-Unis de choisir qui ils voulaient dans « l’équipe Amérique », promouvant son propre parcours d’immigration. Il n’a pas manqué d’assurer le candidat républicain de son soutien : « Tu es le chemin menant à la prospérité. » Il a également vanté longuement le « courage » dont a fait preuve Donald Trump après qu’il a été la cible d’une tentative d’assassinat, il y a un mois.
Le natif d’Afrique du Sud n’a pas toujours été un fervent défenseur de Donald Trump, avec qui il a même ferraillé publiquement. Mais les deux hommes n’ont cessé de se rapprocher ces derniers mois.
M. Trump, quant à lui, a aussi écorché sa vis-à-vis démocrate, Kamala Harris, dont il a vivement critiqué le bilan en matière de sécurité à la frontière sud en tant que vice-présidente. « Elle est incompétente, et je pense qu’elle est encore plus incompétente que [Joe Biden], ça vous donne une idée. »
PHOTO ELIZABETH FRANTZ, ARCHIVES REUTERS
Kamala Harris, vice-présidente des États-Unis
Le magnat de la technologie avait promis en cours de journée une entrevue « sans scénario prédéterminé, sans limites sur les sujets abordés et [qui] devrait être très divertissante ».
Or, la « conversation » prévue à 20 h a été retardée en raison d’une cyberattaque « massive », selon le patron de X. « Il semble y avoir une attaque massive par DDoS [déni de service distribué] sur X », a écrit Elon Musk, alors que des centaines de milliers d’utilisateurs tentaient de se connecter à la diffusion. Quand l’entrevue a finalement commencé, Elon Musk a estimé que l’attaque illustrait « l’opposition de beaucoup de gens à entendre ce que le président Trump a à dire ».
À la lumière du peu d’information ayant filtré, Guillaume Clément, associé chez KPMG, Services en cybersécurité, n’exclut pas la possibilité d’une cyberattaque. Ce type d’attaques, explique-t-il, a pour objectif de surcharger le service en envoyant des milliers, voire des millions de requêtes, alors que « le commun des mortels n’en génère qu’une seule ». Elles se font d’ordinaire pour « envoyer un avertissement ou pour protester ».
Cependant, M. Clément avance que la plateforme de diffusion en direct utilisée, Spaces, n’est peut-être pas au point, le réseau X n’étant pas réputé pour ce type d’utilisation. Ce faisant, la forte demande pourrait être la cause des pépins techniques. « La [diffusion en direct], c’est un art, surtout quand il y a du gros volume. Ça demande beaucoup d’expertise », affirme-t-il.
En parallèle, les fausses diffusions étaient légion sur YouTube, où de nombreuses chaînes – certaines se faisant passer pour celle de Tesla, par exemple – prétendaient diffuser l’entrevue entre les deux milliardaires. Dans l’une d’elles, La Presse a pu constater qu’un code QR bien en vue faisait miroiter la promesse de doubler la cryptomonnaie des auditeurs.
Mise en garde européennePeu avant l’entrevue, lundi, l’Union européenne (UE) avait mis Elon Musk en garde, lui rappelant les obligations de modération sur le réseau social pour éviter « l’amplification de contenus dangereux » en vertu de la nouvelle législation sur les services numériques. Un avertissement auquel Musk a répondu avec un mème dégradant à l’égard du commissaire européen au numérique, Thierry Breton.
M. Breton, lui, a assuré qu’il n’hésiterait pas à « utiliser tous les outils à [sa] disposition […] si cela s’avérait nécessaire pour protéger les citoyens européens ». L’UE « devrait s’occuper de ce qui la regarde et ne pas tenter d’interférer avec l’élection présidentielle américaine », a renchéri Steven Cheung, porte-parole de Donald Trump.
En cours de diffusion, Musk a fait mention de cette lettre venue de l’UE, parlant d’une tentative de « censure ». « Je connais l’UE et elle est mauvaise, et je lui fais savoir », a renchéri M. Trump.
Avec l’Agence France-Presse
L’histoire jusqu’ici
Janvier 2021
Le compte Twitter de l’ancien président Donald Trump est suspendu dans la foulée de l’assaut du Capitole.
Février 2022
Trump lance son propre réseau social : Truth Social.
Avril 2022
Elon Musk entreprend l’achat de Twitter.
Octobre 2022
L’achat de Twitter est officialisé. Dans les semaines qui suivent, Musk licencie de nombreux cadres et met à pied environ la moitié du personnel.
Novembre 2022
Elon Musk réactive le compte Twitter de Donald Trump. Il est demeuré inutilisé jusqu’à lundi, à l’exception d’une publication montrant la photo d’identification judiciaire du républicain, en août 2023.
Juillet 2023
Twitter change de nom et devient officiellement X.
En savoir plus
50 Il s’agit du nombre de publications portant sur les élections américaines qu’Elon Musk a relayées sur X et que des spécialistes ont identifiées comme étant trompeuses ou fausses.
Source : Centre contre la haine en ligne