École primaire Bedford | « Un dur constat d'échec » autour de l'école ...

2 days ago

La députée libérale Marwah Rizqy estime que la directrice générale du CSSDM, Isabelle Gélinas, « devrait quitter ses fonctions ».

Ecole Bedford - Figure 1
Photo La Presse

Ce qu’il faut savoir

Onze enseignants d’origine maghrébine d’une école primaire du centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) font l’objet d’une enquête. Un rapport d’enquête indique que leur pédagogie était teintée de leurs valeurs conservatrices, au grand dam de plusieurs de leurs collègues, dont certains d’origine maghrébine aussi. Le CSSDM et sa directrice générale, Isabelle Gélinas, sont particulièrement sur la sellette.

« Elle n’est pas la femme de la situation », estime-t-elle.

Un rapport accablant demandé par le ministère de l’Éducation sur un climat délétère à l’école Bedford, à Montréal, a été rendu public vendredi dans la foulée d’un reportage diffusé en 2023 au 98,5.

Il y est question d’enseignants maghrébins conservateurs créant un climat toxique dans l’école, criant contre des enfants, enseignant peu ou pas certaines matières au gré de leurs valeurs conservatrices et empêchant des collègues de faire leur travail auprès des élèves.

Mme Gélinas a expliqué mardi au 98,5 que plusieurs informations n’ont pas été portées à sa connaissance, ce qui l’a empêchée d’agir. « On est très contents [du rapport d’enquête] parce que ça va nous permettre, une fois pour toutes, d’aller au bout de l’histoire de Bedford. »

Mme Rizqy dénonce le fait que Mme Gélinas ait plaidé l’ignorance sur plusieurs tribunes.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La députée libérale de Saint-Laurent, Marwah Rizqy

Dans les faits, dit-elle, en avril 2021, le CSSDM avait en main un « rapport de gestion » intitulé Analyse de climat rendant déjà compte de la « cristallisation des tensions » (que La Presse a aussi pu lire).

Mme Rizqy soutient non seulement que Mme Gélinas a tout fait pour minimiser la situation, mais aussi qu’elle et son équipe ont cherché à la faire taire en 2023 quand elle réclamait la tenue d’une enquête.

Isabelle Gélinas n’a pas accordé d’entrevue à La Presse mardi. Alain Perron, des communications du CSSDM, a indiqué que c’est parce qu’elle se trouvait mardi à l’école Bedford, située dans Côte-des-Neiges, pour accueillir les deux « accompagnateurs » (dépêchés par le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville).

Des drapeaux rouges dès 2016

Le rapport d’enquête ministériel indique que de premiers drapeaux rouges ont été levés dès 2016.

L’année scolaire 2024 a pu débuter avec les mêmes enseignants problématiques. Comment est-ce possible ?

« C’est un dur constat d’échec des mécanismes de gouvernance », résume François Dauphin, président-directeur général de l’Institut sur la gouvernance.

Les écoles sont régies par des centres de services scolaires, dotés d’une équipe de direction et de conseils d’administration. Chaque école a sa propre direction, ses conseils d’établissement. Des protecteurs de l’élève existent dans chaque centre de services scolaire. Un protecteur national de l’élève s’est ajouté en 2023.

Et pourtant.

Les structures sont là, « les filets sont en place, mais c’est la mise en application [qui a fait défaut] », analyse M. Dauphin.

Jean Bernatchez, professeur à l’Université du Québec à Rimouski et spécialiste en gestion et gouvernance scolaires, croit qu’à partir du moment où le CSSDM a eu vent des problèmes à l’école Bedford et de leur ampleur, « ça aurait dû devenir une grande priorité ».

Un certain nombre de personnes n’ont pas fait ce qu’il fallait.

Jean Bernatchez, professeur à l’Université du Québec à Rimouski

Dans son « sommaire exécutif », le rapport d’enquête blâme le CSSDM et les directions qui se sont succédé à la barre de l’école. Le CSSDM, parce qu’il « a perdu de vue la situation de l’école Bedford en cours de route » et parce qu’il a « une faible capacité à effectuer des suivis », et les directions de l’école qui se sont succédé, parce qu’elles « peinent à imposer des formations aux membres du personnel ».

Éviter les raccourcis sur la communauté maghrébine

Rachad Antonius, professeur titulaire de sociologie de l’UQAM à la retraite et auteur de l’ouvrage Islam et islamisme en Occident, entre autres, insiste sur l’importance d’éviter les raccourcis.

Oui, « il faut réaffirmer haut et fort […] les valeurs citoyennes » d’ici. Les écoles et les centres de services scolaires doivent savoir qu’ils ont l’appui du gouvernement, ajoute-t-il.

Mais cette réaffirmation doit se faire en disant tout aussi clairement que « tous les Maghrébins ne sont pas comme ça ». Autrement, on revient au même discours qui est véhiculé dans les réseaux sociaux et dans plusieurs médias qui stigmatise la communauté arabo-musulmane, dénonce-t-il.

À l’école Bedford, « ceux qui se sont le plus opposés aux tendances fondamentalistes et conservatrices, ce sont d’autres Maghrébins », fait-il observer.

Cela illustre bien « le clivage profond » chez les arabo-musulmans au pays comme ailleurs.

M. Antonius explique qu’il y a, d’un côté, ceux qui « veulent centrer l’identité sur la religion », et d’autres arabo-musulmans, beaucoup plus nombreux à son avis, au Québec et ailleurs, qui, au contraire, ont à cœur une identité citoyenne ouverte sur le monde.

Y a-t-il un risque que le Québec vive les mêmes dérives que ce qui se vit en France ? À cela, M. Antonius répond par la négative, le contexte étant complètement différent, selon lui.

L’exclusion sociale est autrement plus prononcée en France qu’au Québec. Aussi, dit-il, on reçoit ici des immigrants maghrébins « très scolarisés ».

Trois autres écoles du centre de services scolaire de Montréal sont présentement l’objet de « vérifications » dans la foulée de l’enquête à l’école Bedford.

Le brevet d’enseignement des 11 personnes qui font l’objet d’une enquête pourrait être maintenu sous conditions, suspendu ou révoqué.

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