En procès pour fraude, Trump dénonce un «simulacre» de justice
Donald Trump, accusé avec deux de ses fils d’avoir surévalué de milliards de dollars dans les années 2010 leur patrimoine immobilier, s’en est pris lundi à un « simulacre » de justice incarnée par une procureure « raciste » et un juge « voyou ».
L’ancien président américain, en procès civil à New York pour fraudes, a d’emblée adopté un air défiant.
Costume bleu marine, cravate bleu électrique, visage fermé, le corps légèrement voûté et la tête un peu rentrée dans les épaules, le milliardaire a passé sa première demi-journée flanqué de deux de ses avocats, Chris Kise et Alina Habba, assis en face du juge new-yorkais Arthur Engoron, qui va présider les débats pendant des semaines.
En arrivant au palais de justice de Manhattan, il a accusé devant une forêt de caméras la procureure en chef de l’État de New York, Letitia James, plaignante dans cette affaire et qui lui réclame 250 millions de dollars américains, d’être « raciste » et d’être un « spectacle d’horreur ».
Il a qualifié ce procès au civil — l’un des premiers d’une longue série qui se poursuivra en 2024 — d’« arnaque » et de « simulacre ».
À la mi-journée, il est sorti du prétoire pour dénoncer devant la presse une « situation scandaleuse » et s’attaquer à un « juge voyou ».
À l’extérieur, une dizaine de partisans et d’opposants se sont fait face, séparés par les forces de l’ordre.
« Empire immobilier »Ce procès au civil, qui pourrait menacer l’empire économique de l’homme d’affaires, surtout son groupe familial Trump Organization, a commencé par des déclarations préliminaires des deux parties.
Côté Trump, M. Kise a défendu un « président [qui] a bâti l’un des empires immobiliers les plus prospères de la planète » et nié la moindre irrégularité comptable. Sa consoeur Mme Habba a martelé que son puissant client n’avait pas commis de « fraude », mais faisait de « l’immobilier ».
« Il ne s’agit pas d’un complot, mais de faire des affaires », a-t-elle plaidé.
Dans le camp en face, la première magistrate de l’État de New York, Mme James, une élue afro-américaine du Parti démocrate et qui est l’équivalent de ministre locale de la Justice, a assuré devant la presse que la « justice allait prévaloir » et elle a accusé le magnat de l’immobilier de « fraudes répétées » et d’avoir « triché » pendant des années.
Kevin Wallace, l’un des membres de son équipe, a réaffirmé que la fraude avait déjà été établie juridiquement et que les personnes visées par la plainte civile « avaient surévalué leurs actifs entre 812 millions et 2,2 milliards de dollars par an » de 2014 à 2021. Y compris donc quand M. Trump était à la Maison-Blanche (de 2017 à 2021).
Pas de prisonL’homme politique de 77 ans ne sera pas condamné à de la prison dans cette affaire au civil.
Mais son procès va offrir un avant-goût des échéances judiciaires susceptibles de perturber sa campagne pour l’investiture républicaine, lui qui rêve de retourner à la Maison-Blanche.
Inculpé au pénal dans quatre dossiers, qui n’ont pour l’instant pas entamé sa popularité auprès de la base républicaine, Donald Trump doit comparaître à partir du 4 mars devant un tribunal fédéral de Washington. Il est accusé d’avoir tenté d’inverser le résultat de la présidentielle de novembre 2020 remportée par Joe Biden.
Le procès de New York est brusquement devenu un enjeu considérable la semaine dernière lorsque le juge Engoron a estimé dans une ordonnance en référé que des « fraudes répétées » étaient établies et que le parquet général de l’État de New York avait d’ores et déjà démontré la « surévaluation » du patrimoine des Trump.
« Coup majeur »En conséquence, ce juge a ordonné le retrait des licences commerciales dans l’État de New York à Donald Trump et à ses fils Eric et Donald Jr, dirigeants de la Trump Organization, ainsi que la confiscation des sociétés visées par la plainte, pour qu’elles soient confiées à des liquidateurs.
Si elles étaient appliquées, ces sanctions porteraient « un coup majeur à la capacité de Donald Trump de faire des affaires dans l’État de New York », estime Will Thomas, professeur en droit des affaires à l’Université du Michigan.
Celui qui a fait fortune dans l’immobilier et les casinos dans les années 1980 perdrait alors le contrôle sur plusieurs étendards de son groupe, comme la Trump Tower sur la 5e avenue de Manhattan.
Ces propriétés sont au coeur des accusations de Mme James : la surface du triplex de l’homme d’affaires dans la Trump Tower aurait été triplée et l’immeuble du 40 Wall Street surévalué de 200 à 300 millions de dollars dans des déclarations financières.
Le procès s’annonce technique et des dizaines de témoins sont attendus, dont trois des enfants Trump, Eric, Donald Jr et Ivanka, initialement visée par la plainte mais finalement non poursuivie, ou l’ancien directeur financier de la Trump Organization, Allen Weisselberg, qui a fait de la prison après avoir plaidé coupable de fraude fiscale dans un autre dossier visant le groupe.