Débat Harris-Trump : des stratégies différentes pour un duel crucial

8 days ago

À 21 h ce soir, la campagne présidentielle américaine passera à la vitesse supérieure : au terme d’un été politique inhabituellement tumultueux, la vice-présidente Kamala Harris et l’ex-président Donald Trump croiseront le fer pour la première fois, et peut-être aussi pour la dernière.

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Photo ICI.Radio-Canada.ca

L’ancien président et l’ex-sénatrice, qui ont tous deux amorcé leur carrière politique à Washington en 2016, ne se sont jamais parlé ni rencontrés. Un fait qui changera, en direct, sous le regard de dizaines de millions d’Américains – et aussi de téléspectateurs étrangers – au cours d’un duel très attendu de 90 minutes.

La scène offrira un contraste entre la démocrate de 59 ans qui tournerait une page d'histoire si elle était élue et le républicain de 78 ans, qui deviendrait le politicien le plus âgé jamais élu à la présidence.

Le désistement de Joe Biden au terme d'un débat catastrophique a remis les compteurs à zéro. Celle qui a repris le flambeau a rapidement mis en marche sa machine électorale, a fouetté l’ardeur des troupes démocrates, a fracassé des records de financement électoral et a donné à son parti une meilleure chance de conserver la Maison-Blanche.

Mais les sondages, tant à l’échelle nationale que dans les États clés qui détermineront l’issue de l’élection, indiquent une lutte serrée.

Réunis à Philadelphie, dans le crucial État de la Pennsylvanie, les deux politiciens tenteront de profiter de ce moment fort de la campagne pour consolider leurs appuis les plus fragiles et surtout rallier les indécis.

Les projecteurs sur Kamala Harris

La vice-présidente et candidate démocrate Kamala Harris au dernier jour de la convention de son parti, à Chicago, le 22 août 2024.

Photo : Getty Images / Chip Somodevilla

Le débat contribuera à définir la candidate démocrate auprès de l’électorat, une perception partagée par les deux équipes de campagne, selon les sources du New York Times.

Contrairement à ses prédécesseurs démocrates Hillary Clinton et Joe Biden, présents depuis des décennies, et à son adversaire républicain, Kamala Harris demeure moins connue des Américains, dont les opinions à son égard sont moins cristallisées.

Un sondage du New York Times publié dimanche indique que près de 3 électeurs probables sur 10 disent avoir besoin d’en savoir plus sur la politicienne, une proportion qui tombe à moins d’un sur 10 pour Donald Trump.

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Interrogé sur sa stratégie de campagne au cours d’une conférence de presse le mois dernier, Donald Trump a offert une réponse qui devrait également teinter le débat.

Tout ce que nous avons à faire, c'est de définir notre adversaire comme étant une communiste ou une socialiste ou quelqu'un qui va détruire notre pays.

Kamala Harris s’en est bien sortie à la convention et lors des rassemblements partisans, des événements scénarisés.

Celle qui a accordé une seule entrevue depuis son entrée impromptue dans la course et qui n’a pas participé à une conférence de presse se livrera à l’exercice le plus risqué depuis le début de sa campagne.

Elle devra rassurer les indécis qui apprécient plusieurs des politiques de Donald Trump, mais qui sont rebutés par sa personnalité.

La stratégie de Kamala Harris

Contre un débatteur dont le style peut dérouter ses adversaires, l’un des objectifs de Kamala Harris sera de garder son calme, quel que soit le caractère personnel des attaques dont elle fera l’objet. C’est l’une des priorités mises de l’avant dans plusieurs médias par des sources au sein de sa campagne.

Celle qui, lors de l’investiture démocrate, a réussi à se démarquer dans un débat contre Joe Biden en 2019, puis contre le vice-président Mike Pence l’année suivante devrait sans peine s’avérer une messagère plus efficace que son prédécesseur, qui peinait à articuler ses idées ou à réfuter les arguments et les mensonges de Donald Trump.

Le dernier débat auquel Kamala Harris a pris part remonte à octobre 2020. Sa réplique au vice-président de l’époque, Mike Pence, qui venait de l’interrompre – « Monsieur le vice-président, je suis en train de parler » – est l’un des moments qui avaient retenu l’attention.

Photo : Reuters

Il serait surprenant, par exemple, que Kamala Harris ne riposte pas à un rival qui affirmerait de nouveau que les démocrates soutiennent l’avortement jusqu’après la naissance.

Il utilise toujours les mêmes vieilles recettes dépassées, non? Il n'a aucune limite à jusqu'où il peut aller. Et nous devons être prêts à cela. Nous devons être prêts au fait qu'il ne se sente pas contraint de dire la vérité.

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Ce qui ne signifie pas que la candidate, qui est déjà en Pennsylvanie depuis quelques jours pour une préparation intensive, soit à l’abri d’erreurs ou d’une mauvaise performance.

La vice-présidente doit se distinguer de Joe Biden, sans renier l’administration dont elle fait partie. Elle-même se présente comme une candidate tournée vers l’avenir.

Face à un adversaire qu’elle accuse de défendre les intérêts des milliardaires, elle devrait, selon ABC News, se poser en défenderesse de la classe moyenne et expliquer comment sa présidence aiderait les Américains ordinaires.

Elle devrait aussi continuer de l’associer au controversé Projet 2025, une feuille de route très conservatrice, et insister sur le droit à l’avortement, un enjeu où l’ancien président est vulnérable.

Elle-même fragilisée sur la question migratoire, elle mettra sans doute de l’avant le rôle de Donald Trump dans l’échec du projet de loi bipartisan sur la sécurité frontalière.

L’ancienne procureure, qui a déjà dit connaître le type de Donald Trump après s’être attaquée à des criminels de toutes sortes, veut offrir un contraste à un adversaire poursuivi au criminel et au civil.

Selon les sources de plusieurs grands médias, elle cherchera à rappeler aux indécis ce qu’ils n’ont pas aimé de sa présidence, comme sa gestion de la pandémie de COVID-19, mais aussi son tempérament.

Elle cherchera d’ailleurs vraisemblablement à provoquer son rival pour l’amener à tenir des propos controversés. Selon Reuters, l’équipe de Kamala Harris est pleinement consciente du fait que beaucoup d'Américains ne regarderont pas le débat en direct, mais verront des extraits circuler sur les réseaux sociaux.

La stratégie de Donald Trump

Donald Trump lors du débat présidentiel contre Joe Biden, le 27 juin dernier.

Photo : Reuters / Brian Snyder

L’équipe de Donald Trump assure qu’il ne fait pas de préparation aux débats, mais qu'il a plutôt des discussions sur des enjeux avec ses conseillers.

Fidèle à son habitude, il a paré de façon préventive à une éventuelle bonne performance de son adversaire. Il a critiqué ABC – qu’il poursuit d’ailleurs pour diffamation en lien avec un de ses procès au civil –, comme le réseau le plus malhonnête, le plus méchant, le plus vilain. Il a aussi prétendu que Kamala Harris obtiendrait les questions à l’avance.

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Certains de ses alliés espèrent qu'il offrira une version disciplinée de lui-même en se concentrant sur les enjeux, notamment l'économie, la question prioritaire des électeurs. Et qu’il se tiendra loin des griefs personnels sur sa défaite électorale de 2020 et ses procès, mais aussi loin des insultes.

Pour citer une source du New York Times, son camp espère qu’il sera le Trump joyeux et non le Trump méchant et intimidateur.

Extrémiste de San Francisco, cinglée de la gauche radicale, marxiste, folle, stupide comme une pierre, fasciste, faible, ratée, un éventuel jouet aux mains des dirigeants étrangers, Kamala la rieuse, Kamabla : l’ancien président a multiplié les angles d’attaques contre sa nouvelle adversaire, souvent à coups d’insultes grossières et de surnoms peu flatteurs.

Je pense que j'ai le droit de lancer des attaques personnelles. Je n'ai pas beaucoup de respect pour elle. [...] Ils veulent que je sois gentil. Mais ils ne sont pas gentils avec moi. Ils veulent me mettre en prison.

Donald Trump a aussi avancé que Mme Harris, dont la mère est d'origine indienne et le père d'origine jamaïcaine, avait commencé récemment à se définir comme une personne noire pour des raisons politiques et mis de côté ses origines indiennes.

Le républicain insistera vraisemblablement sur les volets les plus impopulaires de l’administration Biden, notamment sur l'enjeu de l'économie, surtout l’inflation, et l'immigration illégale, qu’il lie à la criminalité.

Il devrait aussi soulever l’un des échecs les plus retentissants du président Biden, le retrait militaire d’Afghanistan de 2021.

Donald Trump ne manquera pas d’accuser l’administration actuelle d’être responsable des guerres à Gaza et en Ukraine, dont il soutient qu’elles n’auraient pas eu lieu s’il avait été à la Maison-Blanche.

Il a aussi télégraphié son intention de dépeindre son adversaire comme une femme de gauche aux politiques dangereuses, tout en soulignant les revirements de la candidate, qui a recentré ses positions sur des enjeux comme la sécurité frontalière ou la fracturation hydraulique.

Un micro sur deux restera fermé

Héritière de règles exigées par Joe Biden lors des négociations avec CNN et ABC, l'équipe de la candidate démocrate a réclamé sans succès que les microphones restent ouverts en tout temps.

Interrompu des dizaines de fois par un Donald Trump indiscipliné lors de leur premier duel, en 2020, Biden espérait cette année livrer plus facilement son message.

Mais les nouveaux paramètres, y compris l’absence de public, dont les réactions nourrissent habituellement le républicain, l’ont cependant aidé à se montrer plus posé et à projeter ainsi une image plus positive.

Avec 51,3 millions de téléspectateurs au rendez-vous, le débat présidentiel entre Donald Trump et Joe Biden, dans la foulée d’un match revanche qu’une large proportion d’Américains ne voulaient pas, a été le moins regardé en 20 ans.

L'intérêt pourrait être accru avec une nouvelle protagoniste dans l’équation.

Depuis le premier débat en 1960, il n’y aura eu que deux femmes qui auront participé à un duel présidentiel, soit Hillary Clinton en 2016, puis Kamala Harris, huit ans plus tard. Les deux auront eu Donald Trump pour adversaire.

Donald Trump et sa rivale démocrate Hillary Clinton lors du deuxième débat qui les a opposés, en 2016.

Photo : Reuters / Rick Wilking

Avec les informations de New York Times, NBC News, Reuters et NOTUS

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