L’absence de Karl Tremblay s’est fait sentir pendant le gala de l’ADISQ dimanche soir. Le dernier album sur lequel il a chanté, Pub Royal, sorti quelques mois après sa mort, a valu aux Cowboys Fringants trois des dix Félix qui ont été remis. Ces prix s’ajoutent aux trois autres remportés par le groupe mercredi lors du Premier Gala, et font d’eux les grands gagnants de l’annuelle fête de la chanson.
Les Cowboys Fringants ont ainsi porté à 29 le nombre de Félix qu’ils ont reçus en carrière, dont la majorité est issue du vote du public. Mais c’est la première fois que le talent de Jean-François Pauzé, qui a remporté le prestigieux trophée de l’Auteur ou compositeur, est reconnu par le milieu.
« Comme on dit, il était temps que j’écrive un bon disque ! Sérieusement, merci pour cet honneur », a-t-il dit, remerciant Marie-Annick Lépine et Jérôme Dupras pour avoir enrichi ses chansons en les amenant plus loin.
« Je partage ce prix avec quelqu’un qui me manque énormément, mon bon vieux Karlo. Dans mon improbable carrière d’auteur-compositeur, j’ai eu un seul interprète, et c’en était tout un. »
La bande de Repentigny est montée deux autres fois sur scène, d’abord quand la bouleversante La fin du show a été plébiscitée Chanson de l’année. « Merci au public pour votre soutien indéfectible au cours de la dernière année », a dit le bassiste Jérôme Dupras.
Puis les Cowboys ont été sacrés Groupe de l’année, pour la septième fois depuis leurs débuts en 2002. Très digne, Marie-Annick Lépine a évoqué les derniers jours de son amoureux, et rappelé à quel point le groupe était soudé comme une vraie famille. « On était une belle équipe. Il nous manque énormément, je lui dis de reposer en paix : tu en as fait beaucoup pour le Québec déjà. »
Déjà gagnante de quatre Félix mercredi pour son album Inuktitut, la grande Elisapie en a ajouté un à sa récolte en étant nommée dimanche soir Artiste autochtone de l’année, catégorie soumise pour la première fois au vote du public.
C’est la deuxième fois que la chanteuse originaire de Salluit remporte ce prix – elle l’avait eu aussi en 2020. En recevant son trophée des mains de la vénérable cinéaste Alanis Obomsawin, Elisapie était fort émue. « Si vous ne la connaissez pas, elle est ici depuis si longtemps… », a-t-elle dit, en félicitant les autres finalistes de la catégorie.
Elle a aussi rendu hommage à son oncle qui lui a montré son métier, et qui chante depuis 50 ans. « Pour ceux qui doutent de notre place, il ne faut pas oublier qu’il y avait des gens avant qui faisaient de la musique. Continuons d’aller à leur rencontre. »
Dans la catégorie Succès populaire, Alexandra Stréliski a devancé avec son album Néo-Romance, pourtant sorti en mars 2023, de grosses pointures comme 2Frères, Roxane Bruneau, Salebarbes et Daniel Bélanger. Très surprise, elle a reçu son prix en remerciant le public. « Sans vous, je ne serais pas ici aussi souvent ! »
La pianiste et compositrice montréalaise est revenue un peu plus tard pour venir chercher un deuxième trophée, celui de l’Artiste féminine, qu’elle remporte pour la deuxième année consécutive. Elle a alors été à l’origine du moment le plus significatif de la soirée, en demandant aux autres finalistes dans cette catégorie de venir la rejoindre sur scène.
Une fois entourée d’Isabelle Boulay, Sara Dufour, Roxane Bruneau et Ingrid St-Pierre, la musicienne s’est adressée aux « petites filles à la maison ».
« J’ai envie de vous dire que vous avez le droit de ressembler à toutes sortes de teintes de femmes, que vous pouvez laisser la musique vivre en vous, et laisser vivre votre différence. »
Reprise de l’an dernier également du côté de l’Artiste masculin avec Daniel Bélanger, qui est sur le point de terminer sa tournée Mercure en mai. En recevant son 32e Félix en carrière, il s’est amusé un peu. « J’ai eu beaucoup de plaisir cette année, et l’année d’avant, et les autres beaucoup, beaucoup avant. C’est mon deuxième Félix, je suis très heureux, je vais pouvoir dormir avec peut-être ! »
Du côté de la Révélation de l’année, BARNEV, qu’on a découvert à l’époque de Dubmatique et qui a été choriste de Céline Dion pendant plus de 25 ans, a été préféré à Arielle Soucy, Émile Bourgault, Rau_Ze et Sophie Grenier. « Je me sens comme si j’avais 20 ans encore », a-t-il dit, l’air sonné.
Après avoir remporté mercredi le prix de l’Album country pour À boire deboutte, Salebarbes a reçu dimanche le Félix du spectacle de l’année. C’est la deuxième année d’affilée que le joyeux quintette, qui est en tournée perpétuelle et qui fait salle comble partout où il passe, est récompensé dans cette catégorie.
Avant de remercier son équipe et le public, Jonathan Painchaud a tenu à rendre hommage à tous les artisans du milieu. « Même ceux qui ne sont pas ici, même ceux qui ne sont pas nommés. Merci d’apporter votre lumière partout où il y a de la noirceur. »
Après avoir remporté deux prix mercredi, pour l’Album et le Spectacle anglophones, Charlotte Cardin, qui connaît une année exceptionnelle avec son album 99 Nights, a reçu le prix du Rayonnement international. La chanteuse montréalaise, qui était en lice avec son amoureux Aliocha Schneider, Alexandra Stréliski, Elisapie et Moonshine, chantera d’ailleurs au cours des prochaines semaines au Caire, à Istanbul et à Ankara, puis fera (entre autres) une tournée de cinq Zénith en France.
Elle a tenu à partager ce prix avec son public québécois, qui la suit depuis 10 ans. « Tout rayonnement a un sens, a-t-elle dit, visiblement très heureuse. C’est grâce à vous que j’ai pu partager cette musique à l’extérieur du Québec. Parce que j’ai un noyau ici. Je suis extrêmement reconnaissante. »