Cher petit papa Noël
Je me permets de te donner ma liste de souhaits pour l’année qui s’en vient. Je pense sincèrement mériter qu’ils soient tous exaucés, ayant été toute l’année un gentil chroniqueur. Mes désirs de cadeaux, comme tu le devines, sont tous liés à l’éducation.
Allons-y donc.
Ce texte est publié via notre section Perspectives.
J’aimerais beaucoup, petit papa Noël, que l’on gagne ce procès qui s’en vient concernant les salles de prière dans nos écoles publiques. Celles-ci n’ont absolument pas leur place dans une école laïque.
C’est que l’école est, par définition, avec d’autres lieux, un lieu civique, et c’est justement pour ces lieux qu’existe la laïcité, et pas pour les lieux privés ou publics. Je pense même, pour tout te dire, que si la laïcité ne devait s’appliquer qu’en un de ces lieux civiques, ce devrait être à l’école. Par elle, en effet, par les savoirs qu’on y transmet, les enfants sont initiés à tout ce qui fera plus tard d’eux des citoyens d’une société elle-même laïque et, mieux encore, par elle, on donne à tous les enfants la perspective d’un avenir ouvert, un avenir qui n’est pas limité par leurs origines familiales.
Le deuxième cadeau que j’aimerais recevoir concerne lui aussi la laïcité. Vois-tu, cher père Noël, je souhaiterais qu’on l’applique partout, dans toutes les écoles, sans exception.
Dans le même ordre d’idées, je souhaiterais que l’on mette fin au financement public des écoles privées. Celles-ci pourraient bien entendu continuer d’exister, mais ce serait les gens qui les fréquentent qui en assumeraient entièrement les coûts.
INNE et manque d’enseignantsAutre sujet. Je souhaiterais que l’Institut national d’excellence en éducation (INEE) fasse très vite, par l’excellence de ses contributions à notre compréhension des grands enjeux en éducation, par les précieux éclairages qu’il apporte, par la démonstration de sa pertinence, de sa capacité à se maintenir au-delà des querelles de chapelle qui depuis trop longtemps font du mal à l’éducation. Je surveillerai de près ses premières interventions.
J’aimerais aussi, très vite puisque le temps presse, qu’on installe une voie rapide de formation pour le secondaire pour les personnes détenant une formation universitaire dans un domaine pertinent. Abolir le certificat en enseignement secondaire dans les années 1990 a été une gravissime erreur, que je dénonçais d’ailleurs dès cette époque. Réinstallons une voie rapide pour ce niveau d’enseignement. On y enseignerait notamment tout ce que le savoir plus crédible a établi en didactique, on mettrait en garde contre les légendes pédagogiques et on donnerait les outils pour les reconnaître. On ferait la belle place qui lui revient à l’histoire de la pédagogie et à la philosophie de l’éducation. Je fais le pari que cela aiderait à la rétention des enseignants.
Ce n’est pas fini. J’aimerais que l’on apprenne très bientôt que la grève en cours est terminée et que ce qui s’est négocié rendra la tâche des enseignants plus facile et plus attractive, ce qui signifie bien plus qu’une simple augmentation des salaires. Et qu’on aura mis en place ce qui s’impose pour aider les élèves en difficulté et ayant des troubles de comportement ou d’apprentissage.
Je vous vois sourire, petit papa Noël. Vous avez deviné que je rigolais un peu en écrivant tout ce qui précède. Ni vous ni personne, et c’est fort heureux, ne peut réaliser ces souhaits d’un simple individu. Ceux-ci sont peut-être partagés par beaucoup de gens, mais il est aussi très clair que d’autres, possiblement fort nombreux eux aussi, s’y opposent avec force.
Que faire alors, que faire compte tenu du triste état dans lequel se trouve aujourd’hui notre système d’éducation ?
Parent 2.0 plus que jamaisIl n’y a à mon avis qu’une seule manière de faire, qu’une seule solution pour résoudre ce grave problème. Elle consiste à dresser au mieux l’état de la situation, à s’informer de la manière la plus complète possible de ce que collectivement nous souhaitons, et de prendre tout cela en compte pour formuler des solutions du savoir le mieux établi.
Gros défi, mais qui a déjà été relevé avec succès au Québec, avec la fameuse commission Parent des années 1960. Elle a donné naissance aux grandes structures, institutions, législations qui ont fait notre système d’éducation actuel.
Je pense avoir été le premier à dire que nous devons aujourd’hui mettre sur pied une telle commission, ce que j’appelais une commission Parent 2.0, non partisane et à laquelle on donnerait le temps qu’il faut pour faire son indispensable travail. Je disais cela en 2016. Voir lancer cette commission en 2024 est mon seul grand souhait. C’est la chose à faire. Je ne comprends pas que, devant tout ce qui s’est produit, se produit et menace de continuer à se produire, et qui est dramatique, des gens sérieux et informés n’en conviennent pas.
Mais je me réjouis d’apprendre que Québec solidaire et le Parti québécois appuient cette idée. Bravo !
Je croise les doigts. Ces choses sont d’une importance capitale pour nos enfants, bien entendu, mais aussi pour le Québec tout entier.
Je vous souhaite de joyeuses Fêtes.
Cette chronique vous reviendra le 6 janvier.
Docteur en philosophie, docteur en éducation et chroniqueur, Normand Baillargeon a écrit, dirigé ou traduit et édité plus de soixante-dix ouvrages.
Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.