Québec remet en question le changement d'heure

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Coucher de soleil automnal à Montréal

Quelles vertus à cette pratique presque centenaire ?

Dix jours avant qu’on recule horloges et montres d’une heure, Québec a lancé mardi une consultation sur l’heure avancée.

« Le temps est venu de réfléchir à la possibilité d’abolir le changement d’heure et de garder une seule et même heure toute l’année », a déclaré le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette. La consultation aura lieu jusqu’au 1er décembre.

Cette mesure, prise à l’origine pour accroître la production estivale durant la Première Guerre mondiale, a seulement été adoptée au Québec dans les années 1940.

Mais plus les années passent, plus elle est remise en question. D’ailleurs, la Saskatchewan n’avance plus les cadrans depuis 1966.

Quels sont les avantages et les inconvénients des changements d’heure ? Et si on gardait la même heure toute l’année, laquelle choisir ? La Presse a discuté du sujet avec deux experts.

« Tout le monde aime mieux avoir une journée plus longue le soir », indique Charles Morin, psychologue et spécialiste du sommeil à l’Université Laval. « Les joueurs de golf ont une saison écourtée si on reste à l’heure normale. Mais au niveau du sommeil, il n’y a pas de bonne raison pour changer l’heure. » Pour le commun des mortels, les effets de l’heure de moins de sommeil au printemps sont somme toute limités, selon M. Morin. « Mais pour certains groupes, comme les adolescents qui manquent chroniquement de sommeil, ça peut avoir un effet important. Sur l’humeur, notamment. » Ces impacts ont un effet réel sur les enfants et les adolescents à l’école, selon M. Morin. « Ce n’est pas aussi évident à Québec et Montréal, mais dans les régions plus à l’ouest du fuseau horaire, plusieurs enfants vont aller à l’école carrément dans le noir. La capacité d’attention est alors diminuée. » Côté santé physique, le seul effet bien démontré de l’heure avancée est l’augmentation des problèmes cardiovasculaires à cause du manque de sommeil, indique Charles Morin. En 2008, une étude publiée dans The New England Journal of Medicine, une revue médicale américaine, calculait que dans les deux semaines suivant le changement d’heure du printemps, le nombre de crises cardiaques augmentait de 0,5 %. Comme le manque de sommeil au printemps peut causer de l’inattention, le passage à l’heure avancée pourrait causer des accidents de voiture. « Le problème, c’est qu’il y a eu des études qui montraient une augmentation des accidents au printemps, mais d’autres aussi en automne, quand on a une heure de plus de sommeil », commente M. Morin. Le manque de sommeil au printemps causerait une augmentation de 6 % du nombre de suicides, ainsi que de morts par surdose, d’après une étude américaine publiée dans la revue spécialisée Health Economics. Mais cet impact du changement d’heure sur les suicides serait moins bien établi que celui pour les problèmes cardiovasculaires. « Il y a des données contradictoires », signale M. Morin. Est-ce que l’heure avancée toute l’année diminuerait la dépression saisonnière, associée au manque de lumière ? « A priori, si on diminue les heures de clarté, on peut penser que oui. Mais ce n’est pas certain, il n’y a pas assez de données », répond M. Morin. En 2007, les États-Unis ont préconisé une solution de compromis en repoussant de quatre semaines la fin de l’heure avancée. Le Québec a emboîté le pas, note le directeur associé de l’Institut de vente de HEC Montréal, Jean-Luc Geha. « Ça montre l’importance de rester sur la même heure que nos principaux partenaires d’affaires, l’Ontario et l’est des États-Unis. » Est-ce que les magasins vendent moins quand il fait noir ? « Non, il n’y a pas de données qui montrent que l’heure avancée favorise les ventes », répond M. Geha. Et qu’en est-il des golfeurs qui peuvent jouer plus tard ? « C’est une activité assez marginale », observe-t-il.

Participez à la consultation publique sur le changement d’heure