Abolir le changement d'heure pourrait-il être bénéfique à l'économie?

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Changement d'heure

Au moment où le gouvernement Legault lance une consultation sur l’abolition du changement d’heure, des experts rappellent que mettre fin à cette pratique aurait des impacts économiques.

L’idéal serait de ne pas changer l’heure, mais sans faire cavalier seul, explique Jean-Luc Geha, professeur et directeur associé de l’Institut de vente HEC Montréal. Il faudrait que cette décision découle d’une « réflexion nord-américaine » menée en concertation avec nos voisins. « Je pense que ça doit être réfléchi de façon beaucoup plus large et inclure au minimum l’Ontario avec le Québec. Ensuite, si on est capable d’avoir les États américains limitrophes, ce serait très, très bien. »

« Sur une base personnelle, comme tout le monde, je n’aime pas l’idée de changer d’heure. Ça dérange les habitudes », reconnaît M. Geha. Sur le plan individuel, le changement d’heure perturbe notre routine et nécessite une période d’adaptation. Y mettre fin nous soulagerait donc de ce fardeau, mais « nous avons des montres. Nous sommes capables de savoir il est quelle heure [à quel endroit] », même si la pratique continue.

Dans le milieu des affaires, cesser de changer l’heure aurait des conséquences plus complexes. « C’est un monde de haute vitesse. On est pressé. On manque de temps. Si nos principaux clients et nos principaux fournisseurs ne sont pas à la même heure que nous, chaque fois [qu’on les contacte], il faut qu’on y pense. » Pour tout ce qui touche au service à la clientèle et à la vente, s’assurer des heures d’ouverture de tout un chacun avant de le contacter « rend la vie très compliquée », indique Jean-Luc Geha.

Veiller plus tard, dépenser plus

Quantifier les effets de l’abolition du changement d’heure est une tâche ardue. En novembre 2017, une commission spéciale de l’État du Massachusetts a publié le rapport de son étude coûts-bénéfices sur un éventuel maintien de l’heure avancée toute l’année. Si le rapport final de la commission est plutôt avare de chiffres, on y lit toutefois que « bien qu’il y ait des coûts appréciables [qui y soient] associés, dans l’ensemble, la commission estime que cela pourrait avoir des effets positifs ».

Pour en arriver à cette conclusion, les commissaires ont déterminé que « l’heure avancée à longueur d’année a le potentiel de créer de la croissance économique » puisqu’elle permet aux gens de magasiner, d’aller souper et de mener différentes activités commerciales plus longtemps avant que le soleil se couche. Abolir le changement d’heure permettrait aussi d’accroître la productivité de la main-d’oeuvre et de « diminuer le nombre de blessures en milieu de travail et leur sévérité, ce qui pourrait faire diminuer les coûts pour les entreprises ».

La commission est aussi d’avis que l’adoption permanente de l’heure avancée aurait des effets positifs sur la santé publique, notamment en réduisant le nombre de crises cardiaques liées au changement d’heure, et sur la criminalité, en diminuant le nombre de crimes, dont les cambriolages. Il serait toutefois opportun de retarder l’heure de début des classes dans les écoles pour éviter que surviennent des accidents lorsque les élèves attendent l’autobus scolaire dans le noir le matin.

Conséquences financières

Le changement d’heure a aussi des conséquences négatives sur les marchés financiers, explique au Devoir la professeure de finance à l’Université de Toronto Lisa Kramer. Avec deux collègues, elle a publié une étude sur le sujet en 2000 dans l’American Economic Review. On y apprend que les marchés boursiers tendent à sous-performer le lundi suivant un changement d’heure. Aux États-Unis, cette pratique entraînerait une perte de 31 milliards de dollars en une journée dans les trois principaux marchés boursiers américains.

Une hypothèse avancée par l’experte pour expliquer ce phénomène est que « voir votre sommeil perturbé serait suffisant pour vous inciter à être plus prudent dans vos décisions financières ». Les investisseurs seraient plus anxieux à la suite d’un changement à leur routine de sommeil et seraient ainsi plus réticents à acheter ou à conserver des actifs risqués.

Serait-il préférable de conserver l’heure normale ou l’heure avancée ? « Les deux côtés ont de très bons points » et il n’y a pas de consensus sur le sujet, répond-elle. Certaines personnes voudraient qu’on priorise les arguments des experts du rythme circadien, qui sont d’avis qu’il faudrait garder l’heure normale à l’année pour coordonner la luminosité avec notre horloge biologique, tandis que d’autres voudraient qu’on privilégie les arguments économiques.

D’ici à ce que la question soit tranchée, « tout le monde attend que quelqu’un d’autre bouge et, finalement, aucune décision n’est prise », résume Mme Kramer.

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