Tous les diplomates canadiens devront parler français en 2026

4 days ago
Canadiens

Les diplomates unilingues anglophones ne pourront bientôt plus bénéficier d’un passe-droit leur permettant d’occuper les postes bilingues à Affaires mondiales Canada, a annoncé le ministère dans une note interne obtenue par Le Devoir.

Le courriel envoyé lundi reconnaît implicitement que des diplomates, des gestionnaires, et même des membres de la haute direction n’ont présentement pas les compétences linguistiques exigées par leur poste, ou n’ont pas passé d’examen pour le démontrer.

Une « ligne directrice » du ministère oblige pourtant depuis deux ans tous les gestionnaires à prouver un niveau de maîtrise suffisant de sa langue seconde pour obtenir une promotion. Cette exigence a été promise par la ministre Mélanie Joly en 2021, avant qu’elle ne passe du portefeuille des Langues officielles à celui des Affaires étrangères.

« Il [a] été difficile de respecter ces lignes directrices à la lettre, notamment en raison de la difficulté à programmer les tests », peut-on lire dans la note signée du sous-ministre des Affaires étrangères, David Morrison.

À partir du « cycle d’affectation de 2025 », qui est organisé à ce temps-ci de l’année, aucun employé de la haute direction d’Affaires mondiales Canada ne pourra être confirmé dans son poste sans avoir démontré qu’il maîtrise sa langue seconde.

L’ensemble du personnel diplomatique connaîtra le même sort l’année suivante, en 2026. Sont concernés les fonctionnaires « tant à l’étranger qu’à l’administration centrale [à Ottawa], tout personnel permutant, y compris le personnel non-cadre ». Finalement, dès 2027, les diplomates devront prouver leurs compétences linguistiques au moment de soumettre leur candidature à de nouveaux postes.

Affaires mondiales Canada (AMC) est depuis plusieurs années sous le feu de critiques internes pour n’avoir fait accéder que des anglophones aux postes les plus prestigieux de la diplomatie. On reproche aussi au ministère de ne pas faire de place au français dans ses réunions. En 2023, la ministre Joly a confié à l’ex-ambassadeur québécois Antoine Chevrier l’ambitieuse tâche de changer la culture organisationnelle d’AMC.

Les exceptions sont la norme

Le Devoir a obtenu par accès à l’information une note de service datée du 23 février 2024, qui démontre qu’une directrice adjointe à Affaires mondiales Canada demande, puis obtient, le droit de rester à son poste malgré le fait qu’elle n’a pas obtenu la note « C » en communication orale en français, qui est associée au niveau « avancé ». Cette cadre effectuait malgré tout depuis plus de deux ans un travail qui exigeait cette connaissance du français.

Plusieurs sources au sein du ministère confirment que cette situation est loin d’être un cas isolé. Un régime très tolérant en matière de respect des exigences linguistiques des postes permettrait à des diplomates unilingues anglophones d’accéder à des emplois dont la description de tâche exige pourtant la maîtrise du français.

« On dit souvent que l’exception confirme la règle, mais là [en matière d’exigences linguistiques à AMC], c’est plutôt l’exception qui devient la règle », explique l’ex-diplomate Louise Blais, qui a été représentante permanente adjointe du Canada aux Nations unies de 2017 à 2021.

Elle atteste du fait que ces exceptions bénéficient essentiellement aux anglophones qui ne maîtrisent pas le français, et jamais l’inverse. La plupart du temps, les besoins opérationnels prennent le dessus sur le suivi des promesses d’apprendre le français.

Travailler en anglais

La diplomate en résidence à l’École supérieure d’études internationales de l’Université Laval insiste sur le fait qu’un grand nombre de ses collègues anglophones ont appris le français. Or, le milieu de travail au ministère serait tellement anglicisé que certains d’entre eux perdent l’usage de la langue de Molière au cours de leur carrière.

« Souvent, ce qui arrive, c’est que les tests [de français langue seconde] ne sont pas renouvelés. Le ministère n’était pas assidu là-dessus. Donc on se retrouvait avec des gens dont les tests de langue étaient échus. On les envoyait quand même à l’étranger, et c’est la même chose avec les cadres », témoigne Louise Blais.

Toute cette tolérance sera bientôt chose du passé, à en croire l’avertissement formulé par la haute direction du ministère. « Nous sommes désormais déterminés à mettre pleinement en oeuvre cet engagement [de forcer la maîtrise de la langue seconde], tout en laissant suffisamment de temps aux employés intéressés par les occasions de permutation pour qu’ils développent leurs compétences linguistiques », peut-on lire dans la note de lundi.

On rappelle aussi que tous les gestionnaires d’Affaires mondiales Canada doivent obligatoirement obtenir les résultats de leur test de langue pour prouver qu’ils ont atteint le niveau « CBC ». Cela signifie, dans la langue administrative, un niveau « avancé » en compréhension écrite et expression orale, et « intermédiaire » en expression écrite de sa langue seconde.

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