Un espoir pour les victimes de la maladie dont souffre Bruce Willis

20 Dec 2023
Bruce Willis

Une thérapie génique visant à freiner — voire stopper — la démence fronto-temporale, la pathologie dont souffre l’acteur américain Bruce Willis, sera bientôt expérimentée à Montréal. Le Neuro (l’Institut-hôpital neurologique de Montréal), où sera menée cette étude clinique, recrute actuellement des patients atteints de cette démence qui accepteraient d’y participer.

La démence fronto-temporale (DFT) est non seulement beaucoup moins fréquente que la maladie d’Alzheimer, mais elle se développe aussi nettement plus précocement, soit entre l’âge de 40 et 50 ans. Cette maladie neurodégénérative peut se manifester sous une forme dite comportementale, où la personne présente un changement de personnalité, ou sous une forme langagière, affectant diverses composantes du langage.

Entre 20 % et 30 % des cas de DFT sont héréditaires et imputables à une mutation génétique. Plusieurs mutations ont été découvertes, mais trois d’entre elles sont responsables de la plupart des cas. La thérapie génique qu’on s’apprête à éprouver au Neuro s’adresse aux personnes qui sont porteuses d’une de ces trois mutations, soit celle qui affecte le gène PGRN, qui est responsable de la synthèse de la progranuline, une protéine anti-inflammatoire essentielle au maintien de la santé des cellules nerveuses. Les personnes dotées de cette mutation ne produisent pas suffisamment de progranuline, ce qui entraîne une dégénérescence précoce des lobes frontaux et temporaux de leur cerveau.

Dans cette forme génétique de DFT, une seule copie anormale du gène PGRN est suffisante pour induire la maladie. Si l’un des deux parents porte un gène muté, ses enfants ont donc une probabilité sur deux d’en hériter et de développer la maladie.

Le but du traitement qui sera expérimenté est d’accroître la quantité de progranuline dans le cerveau. Pour ce faire, « on ne peut pas simplement prendre un supplément de progranuline [par voie orale], il faut faire en sorte que le cerveau en produise plus, d’où l’idée d’avoir recours à une thérapie génique », précise le Dr Simon Ducharme, spécialiste des démences fronto-temporales et responsable de l’essai clinique au Neuro.

L’institut montréalais est l’un des trois sites d’expérimentation du traitement, avec celui de l’Université de Pennsylvanie — à laquelle est associée la compagnie Passage Bio, maître d’oeuvre de l’étude — et un autre au Brésil. 

Introduire un gène sain

Le traitement se compose de virus qui ont été vidés de leur propre contenu génétique et dans lesquels on a introduit une copie du gène normal de la progranuline. Un neurochirurgien injecte ces virus à la base du crâne des patients, plus précisément dans l’espace sous-arachnoïdien, où circule le liquide cérébrospinal, ce qui leur permettra d’entrer dans le cerveau.

Ces virus trafiqués vont ensuite pénétrer dans les cellules nerveuses du cerveau, où ils relâcheront le gène de la progranuline. Celles-ci transcriront alors la séquence de ce gène en un ARN messager qui produira une protéine de progranuline.

« Ces virus n’ont pas de toxicité, ils ne sont pas contagieux et ne vont pas se propager. On ne se sert que de leur enveloppe pour acheminer le gène normal dans le cerveau. Et l’administration d’une seule dose devrait suffire, car le nouveau code génétique qu’on va injecter va rester à perpétuité dans les neurones », assure le Dr Ducharme.

L’étude qu’on s’apprête à mener au Neuro est la première phase d’un essai clinique dont les objectifs visent à vérifier que « le traitement est bien toléré par les patients, ainsi qu’à déterminer la dose optimale qu’il faut injecter pour obtenir un effet thérapeutique, car pour le moment, on se base sur [ce qu’on a observé chez] des modèles animaux de rongeurs et de singes », précise le chercheur.

Objectif : freiner la maladie

Pour cette première phase, l’équipe du Neuro recherche des patients qui présentent déjà quelques symptômes de la DFT, mais dont la maladie n’est pas trop avancée, car « ils doivent être en mesure de pouvoir se déplacer à l’hôpital pour subir la chirurgie d’injection et les procédures de suivi ».

« Si le patient a déjà des symptômes, on ne s’attend pas, de façon réaliste, à ce qu’il revienne normal, même si théoriquement ce traitement pourrait être curatif. Car quand on a des symptômes, cela signifie qu’il y a eu un peu de dégénérescence, que des neurones sont morts. Or, on ne réussira pas à faire repousser ces neurones », prévient le Dr Ducharme.

Le scénario optimal, auquel les chercheurs aspirent, serait de « bloquer la progression de la maladie ou de la ralentir drastiquement ». « Si on arrive à faire ça, la prochaine étape serait d’offrir le traitement à des porteurs asymptomatiques — des gens qui ont la mutation, mais qui ne présentent pas encore de symptômes », annonce-t-il.

La mutation affectant le gène de la progranuline est assez rare au Québec, indique le Dr Ducharme. On espère néanmoins recruter des patients — autant que possible qui ont ou ont eu un parent atteint de DFT — qui habiteraient en Ontario, dans les Maritimes ou dans l’est des États-Unis. L’une des premières étapes préalables à leur enrôlement dans l’étude consistera à effectuer un test génétique sanguin afin de vérifier s’ils sont bel et bien porteurs de la mutation PGRN.

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