Une vague d'intérêt pour Bluesky après les élections américaines
Depuis l’élection présidentielle, des milliers d’internautes se sont rués vers la plateforme Bluesky à la recherche d’un espace de discussion plus « libre » et « sécuritaire ». L’engouement soudain pour le réseau social ne garantit peut-être pas sa pérennité, mais il témoigne certainement d’un mécontentement de ce qu’est devenue la plateforme X après son acquisition par Elon Musk, estiment des experts.
« Twitter a fondamentalement changé après Elon Musk », commente Camille Alloing, professeur au Département de communication sociale et publique à l’UQAM. L’absence de modération et le rétablissement des comptes qui avaient été bannis sont deux raisons pour lesquelles les usagers ne se sentent plus « en sécurité » sur X, estime-t-il.
Selon le chercheur, n’importe quel internaute qui passe du temps sur la plateforme peut s’apercevoir de la négativité qui règne dans le contenu suggéré. « On assiste à une vague de personnes qui fuient X. » Un contexte idéal pour qu’un réseau social plus « ouvert » et « décentralisé » émerge et attire une clientèle à la recherche d’une nouvelle plateforme.
Pour lui, cette vague de déplacements vers Bluesky est la troisième d’une série ayant commencé quand Elon Musk a acheté Twitter. C’est à ce moment que le chercheur a créé son compte, « par curiosité, mais aussi par intérêt ».
La deuxième, qu’il nomme la « vague brésilienne », est survenue après que X a été banni au Brésil. La dernière, « la plus importante », a commencé après l’élection de Donald Trump, mais n’est tout de même pas une garantie que cette nouvelle popularité du réseau perdurera.
Bases communautairesChanel Robin, étudiante à la maîtrise en communication à l’Université de Montréal qui se spécialise en réseaux sociaux « alternatifs », n’hésite pas à pointer du doigt le riche homme d’affaires comme catalyseur de cette nouvelle vague de débrayage. « La figure d’Elon Musk est une prise de conscience pour les usagers », dit-elle. « Ses valeurs sont très clairement transmises dans son réseau social, et ça fait peur à plusieurs », résume l’étudiante.
Dans ce contexte, Bluesky offre une option de rechange « décentralisée », qui se place en opposition avec le moyen de fonctionner de X. L’application permet de partager des commentaires allant jusqu’à 300 caractères, et fonctionne de la même manière que Twitter et X. La différence ? Au lieu d’être contrôlé par une seule personne, Bluesky est créé sur des bases communautaires, explique Stéphane Couture, professeur au Département de communication de l’Université de Montréal. Ainsi, ce ne sont pas les valeurs d’un seul individu qui sont transmises par la plateforme.
Aussi, Bluesky permet une « meilleure gestion des données », explique le professeur. « En ce moment, les gens qui quittent X doivent recommencer de zéro. Avec Bluesky, si l’usager n’est pas satisfait de la plateforme, il peut transférer ses publications et ses abonnés, par exemple, sur une nouvelle plateforme. »
Là où Threads et Mastodon ont échoué, Bluesky pourrait réussir, mais « pas du jour au lendemain », juge David Grondin, spécialiste de culture populaire et professeur titulaire à l’Université de Montréal. « Ce qui est certain, c’est que X est polarisant et plus agressif qu’avant. Elon Musk est une figure galvanisante qui effraie certaines voix plus progressistes », détaille-t-il. « Peut-être que Bluesky va fonctionner, mais on ne le sait pas encore. »
La plateforme a annoncé mardi qu’elle comptait 1 million de nouveaux utilisateurs depuis la semaine dernière et que, depuis le mois de novembre, elle comptait près de 14,5 millions d’usagers.