Bluesky, réseau social rival de X, prend son envol
Ces derniers jours, une nouvelle vague d’inscriptions gagne le réseau social Bluesky, au détriment de X (ex-Twitter), son rival. Et cette fois-ci, la migration est si importante au Québec, que plusieurs croient qu’elle pourrait renverser l’échiquier des plateformes de microblogage.
Depuis l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis il y a une semaine, quelque un million de personnes ont rejoint le réseau social Bluesky.
Ce nouvel afflux d'inscriptions fait suite à celui qui est survenu à la mi-octobre, quand plus de 1,2 million de personnes ont migré vers la plateforme en deux jours, encouragées par la modification des règles de blocage de comptes sur X.
Et en septembre, trois millions d’internautes avaient créé un compte sur Bluesky dans la semaine suivant le retrait de X au Brésil. [Le réseau social X est de nouveau accessible dans ce pays depuis le début d'octobre.]
Le mouvement n’a toutefois pas gagné que nos voisins américains.
Sur l’App Store d’Apple au Canada, l’application figurait mardi au deuxième rang des réseaux sociaux gratuits les plus téléchargés, devant Threads de Meta, un autre rival de X.
Lorsqu'on leur demande quelles sont leurs motivations à changer pour Bluesky, plusieurs internautes évoquent le manque de sécurité de X, sa toxicité, ou encore ses publicités jugées trop nombreuses.
Les opinions politiques de son propriétaire, Elon Musk, qui a joué un rôle clé dans la campagne de Trump, ne font pas l’unanimité non plus.
On vit un moment charnière dans lequel il va y avoir de plus en plus d’utilisateurs.
Il y a un effet repoussoir de X, et d’autres plateformes [...] Beaucoup se rendent compte que de discuter avec des gens qui ne sont là que pour polariser, ça ne fonctionne pas, affirme Camille Alloing, professeur au Département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
L’espace sur Bluesky commence à devenir particulièrement attrayant en ce moment au Québec, avec une présence francophone de plus en plus forte, encouragée entre autres par des journalistes et des médias locaux tels que La Presse, Radio-Canada, Noovo et Le Devoir.
Camille Alloing est professeur au Département de communication sociale et publique de l'UQAM.
Photo : UQAM
À cela s'ajoutent les vedettes, prolifiques sur d’autres plateformes, qui commencent à migrer sur Bluesky.
C’est le dernier point attractif : que des personnalités politiques et des personnalités du monde du spectacle, qu’on suivait ailleurs, viennent s’installer sur la plateforme.
Certaines personnes disent même retrouver sur Bluesky l’engouement du Twitter du début des années 2010.
Des fonctions au service des utilisateursSi vous trouvez que l’interface de Bluesky a des airs de X (ex-Twitter), c’est qu’avant de devenir une entreprise à part entière en 2021, le réseau social était développé au sein même de Twitter en 2019.
Jack Dorsey, le PDG du réseau des gazouillis à l’époque, souhaitait en faire une plateforme décentralisée, c’est-à-dire hors du contrôle d’une seule entreprise. Il n’est toutefois plus impliqué dans le réseau social depuis au moins mai 2024, moment où il a annoncé qu’il avait quitté son conseil d’administration.
Le fondateur et ex-PDG de Twitter, Jack Dorsey (Photo d'archives)
Photo : AFP/Getty Images / Prakash Singh
Tout comme son rival, Bluesky offre la possibilité de republier des messages (limités à 256 caractères), d’ajouter des photos et des vidéos, d’envoyer des messages privés et de créer des listes.
Mais l’application comprend aussi des options non bloquées par défaut, qui permettent une personnalisation des fils de l’application. On peut choisir à son aise d’afficher tantôt les publications de personnes suivies et de leurs amis, tantôt ce qu’elles aiment et partagent, etc. On peut également créer des kits de démarrage (starter kit) sur toutes sortes de sujets et consulter différents fils personnalisés selon des thématiques.
Les possibilités en matière de modération se distinguent également, selon Camille Alloing. On peut faire une liste de comptes qu’on a bloqués pour faire économiser du temps aux gens, on peut également détacher une citation d’un de nos messages afin de ne pas imposer à cette personne du harcèlement qui pourrait être associé à son message.
Les fonctionnalités sont réellement au service des internautes [...] On vous propose un espace dans lequel c’est vous qui allez modeler comment interagir avec les autres.
Pour l’instant, l'application ne répond pas à des impératifs économiques comme c’est le cas pour Threads ou X, par exemple.
Là pour rester?Avec près de 15 millions d’inscriptions, l’achalandage sur Bluesky demeure loin derrière ses rivaux X et Threads. Ceux-ci comptent respectivement 619 millions (selon Statista) et 275 millions de comptes actifs par mois.
Threads, le dernier-né de Meta (Facebook), a célébré sa première année d'activité en juillet.
Photo : CBC News / Ashley Fraser
Pour le chercheur, les trois plateformes se comparent difficilement, puisqu’elles offrent des expériences différentes à ses adeptes. Sur Threads, c’est dirigé complètement par des algorithmes pour offrir du contenu aseptisé [...] Sur X, l’expérience est totalement agressive, il n’y a pas une seule publication sans commentaires insultants, dit le chercheur.
Sur Bluesky, ça reste encore à être modelé. Personnellement, je vais suivre un petit cercle de personnes, et je ne vais même pas prendre le risque d’être attaqué, indique-t-il.
Aujourd’hui, on peut dire qu’on a une plateforme qui permet vraiment d’éviter au maximum d’être exposé à des propos, des injonctions, des prises de paroles et des attaques dont on n'a pas envie de subir.
Les prochains jours seront un test important pour les fonctionnalités de modération de Bluesky, croit le chercheur.