« Je me retire » : Joe Biden donne son soutien total à Kamala Harris

21 Jul 2024

Dans un dénouement saisissant, mais que les pressions croissantes semblaient rendre inéluctable, le président Joe Biden a mis fin à sa campagne pour la présidentielle, donnant son appui à la vice-présidente Kamala Harris.

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Photo ICI.Radio-Canada.ca

Fragilisé et confronté aux appels croissants des membres de son propre camp à passer le flambeau, en chute dans les sondages, largué par les donateurs, Joe Biden a fini par céder sa place, lançant sur le réseau X cette bombe qui bouleverse radicalement la dynamique de la campagne.

Servir en tant que président a été le plus grand honneur de ma vie . Et même si c'était mon intention de chercher à me faire réélire, je crois qu'il est dans l'intérêt supérieur de mon parti et du pays que je me retire et que je me concentre uniquement sur l'accomplissement de mes fonctions de président pour le reste de mon mandat, a écrit le président Biden dans une lettre publiée sur son compte X.

Dans un message subséquent, il a mis tout son poids derrière la candidature de sa vice-présidente, Kamala Harris.

Ma toute première décision en tant que candidat du parti en 2020 a été de choisir Kamala Harris comme vice-présidente. Et c'est la meilleure décision que j'ai prise, a-t-il écrit.

Aujourd'hui, je veux offrir mon soutien total à Kamala pour qu'elle soit la candidate de notre parti cette année. Démocrates – il est temps de s'unir et de battre Trump. Faisons-le.

Depuis le débat, Mme Harris avait affiché sa loyauté à l'endroit de son patron en coulisses et dans tous les événements de campagne.

À moins de quatre mois de l'élection, ce revirement est inédit : c'est la première fois qu'un président sortant se désiste de la course aussi tard dans le cycle électoral.

Ce dénouement s'inscrit dans une campagne sans précédent déjà marquée par des événements exceptionnels – la tentative d'assassinat contre Donald Trump ainsi que le procès criminel, premier procès intenté contre un candidat à la présidence, de surcroît un ancien président, qui s'est soldé par un verdict de culpabilité.

Joe Biden a indiqué qu'il s'adresserait à la nation plus tard cette semaine pour expliquer davantage sa décision, annoncée 24 jours après un débat présidentiel catastrophique.

Le désistement de Joe Biden a pour conséquence de jeter l'éclairage sur l'âge de Donald Trump : dorénavant, c'est le candidat républicain, âgé de 78 ans, qui deviendra le candidat le plus âgé à briguer la présidentielle dans toute l'histoire américaine.

Selon CNN, le processus entourant cette décision, prise en collaboration avec sa famille et ses proches conseillers, a été mis en branle hier, mais Kamala Harris n'en aurait été informée qu'aujourd'hui.

Les démocrates lancent des fleurs, les républicains réclament sa démission

Les réactions ont évidemment fusé après l'annonce.

Les démocrates, notamment ses alliés qui craignaient que Joe Biden les prive d'une majorité dans les deux Chambre, ont vanté son patriotisme et son bilan, notamment son plan d'investissements massifs dans les infrastructures, l'abaissement des coûts des médicaments sous ordonnance, ses actions pour contrer les changements climatiques et le leadership international qu'il a exercé après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Dans un texte publié sur le site Medium, l'ancien président Barack Obama a rendu hommage à son ancien second, insistant aussi sursa profonde empathie et sa résilience durement acquise.

Joe Biden a été l'un des présidents américains les plus importants, ainsi qu'un ami et un partenaire très cher pour moi. Aujourd'hui, on nous a également rappelé – une fois de plus – qu'il est un patriote de premier ordre.

L'ancienne présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi y est allée d'un message similaire, faisant la louange d'un Américain patriotique qui a toujours fait passer notre pays en premier. Sa vision, ses valeurs et son leadership font de lui l'un des présidents les plus importants de l'histoire des États-Unis. Dieu a béni l'Amérique avec la grandeur et la bonté de Joe Biden, a-t-elle conclu.

Joe Biden n'a pas seulement été un grand président et un grand leader législatif, c'est aussi un être humain extraordinaire. Sa décision n'a évidemment pas été facile à prendre, mais il a une fois de plus donné la priorité à son pays, à son parti et à notre avenir, a écrit le leader de la majorité démocrate à la Chambre, Chuck Schumer sur X.

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Photo ICI.Radio-Canada.ca

L'Amérique est un meilleur endroit aujourd'hui parce que le président Joe Biden nous a menés avec intelligence, grâce et dignité. Nous lui en sommes éternellement reconnaissant, a pour sa part déclaré le leader de la minorité démocrate à la Chambre, Hakeem Jeffries.

Les réactions étaient tout autres chez les républicains, qui espéraient affronter un candidat qu'ils jugeaient plus faible.

Dans un message vitriolique publié sur son réseau Truth Social, le candidat républicain à la présidentielle et ancien président Donald Trump, que son équipe a présenté comme un rassembleur depuis la fusillade, a notamment écrit : L'escroc Joe Biden n'était pas apte à se présenter à l'élection présidentielle et n'est certainement pas apte à servir – et ne l'a jamais été.

Sur X, son colistier J. D. Vance a lancé un message que martèlera inlassablement le camp républicain au cours des prochaines mois.

Si Joe Biden met fin à sa campagne de réélection, comment peut-il justifier de rester président ?

Le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a accusé les démocrates d'avoir invalidé les votes de plus de 14 millions d'électeurs qui ont voté pour Joe Biden lors des primaires. Il doit démissionner de [la présidence] immédiatement, a-t-il écrit sur X.

Harris entend « mériter » la nomination à l'investiture démocrate

La vice-présidente américaine, Kamala Harris, lors d'un événement de campagne à Fayetteville, en Caroline du Nord.

Photo : Getty Images / AFP / ALLISON JOYCE

Dans un communiqué, la vice-présidente, âgée de 59 ans, s'est dite honorée d'avoir le soutien du président. Mon intention est de mériter et de gagner cette nomination, a-t-elle dit.

« Il nous reste 107 jours avant le jour de l'élection. Ensemble, nous nous battrons. Et ensemble, nous gagnerons.

La nomination de Kamala Harris serait historique, puisqu'elle serait la première femme noire, ainsi que la première personne ayant des origines asiatiques. En vertu des règles du parti et de la résistance de certains démocrates à sa candidature, le soutien de Joe Biden n'entraîne cependant pas automatiquement qu'elle deviendra le porte-étendard de la formation pour la présidentielle.

Certains démocrates, dont l'ex-président Bill Clinton et sa femme Hillary, candidate malheureuse à la présidentielle de 2016, se sont rapidement ralliés à la candidature de l'ancienne sénatrice de Californie.

Nous sommes honorés de nous joindre au président Biden pour appuyer Kamala Harris et nous ferons tout ce que nous pouvons pour la soutenir, ont-ils écrit dans un communiqué publié sur X.

Dans un communiqué, l'influent représentant afro-américain Jim Clyburn, dont le soutien envers Joe Biden en 2020 avait été déterminant dans sa victoire à l'investiture démocrate, a lui aussi apporté son appui à Kamala Harris. Je suis fier de suivre [l']exemple de [Joe Biden] pour soutenir sa candidature, a-t-il dit.

Le gouverneur de la Pennsylvanie, Josh Shapiro, qui était vu comme un successeur possible de Joe Biden est qui est dorénavant vu comme un colistier potentiel de Kamala Harris, lui a donné son soutien non équivoque dans un communiqué.

Sur CNN, le gouverneur du Colorado, Jared Polis, a indiqué qu'il l'appuyait aussi.

D'autres ténors du parti n'ont cependant pas fait allusion à l'appui que Joe Biden a accordé à sa vice-présidente.

J'ai une confiance extraordinaire dans le fait que les dirigeants de notre parti seront en mesure de mettre en place un processus qui permettra l'émergence d'un candidat exceptionnel, a écrit Barack Obama.

Nancy Pelosi n'y a pas fait mention non plus. Selon le site Politico, lors d'une réunion avec des collègues il y a deux semaines, l'ancienne présidente de la Chambre des représentants a insisté sur la nécessité d'avoir un processus ouvert afin d'éviter l'apparence d'un couronnement de Kamala Harris advenant le désistement de Joe Biden.

Le communiqué de Mme Harris semble indiquer qu'elle ne mise pas nécessairement sur un couronnement, du moins publiquement, quoiqu'elle s'affaire déjà en coulisses pour s'assurer des appuis.

Les délégués remportés par Joe Biden lors des primaires étaient engagés à voter pour lui, mais leur vote n'est pas automatiquement transféré vers sa colistière.

Certains démocrates estiment que Kamala Harris est la meilleure successeure possible, ou du moins qu'il s'agirait de la décision la plus sage dans les circonstances.

D'autres espèrent la tenue d'une mini-primaire qui connaîtrait son dénouement à la Convention nationale démocrate, qui se tiendra à Chicago, en Illinois, du 19 au 22 août. Ce camp inclut tout autant des démocrates qui ne croient pas qu'elle est la mieux placée pour battre Donald Trump que des démocrates qui, sans être opposés à sa candidature, espèrent une compétition.

La liste des candidats dont les noms comme remplaçants éventuels de Joe Biden ont été évoqués dans les dernières semaines inclut plusieurs gouverneurs, dont Gretchen Whitmer (Michigan), Gavin Newsom (Californie), J. B. Pritzker (Illinois), Josh Shapiro (Pennsylvanie), Andy Beshear (Kentucky) et le secrétaire aux Transports, Pete Buttigieg.

Chronique d'un retrait annoncé

Le président Joe Biden lors du débat contre Donald Trump, le 27 juin 2024.

Photo : Reuters / Brian Snyder

Depuis le duel oratoire du 27 juin, le président démocrate avait manifesté une détermination sans faille à rester dans la course, maintenant qu'il était le meilleur candidat pour battre un rival qu'il qualifie de danger pour la démocratie.

Son équipe de campagne avait pris l'initiative de ce débat – qui s'est tenu trois mois avant la date habituelle – espérant changer la trajectoire d'une course relativement statique qui semblait favoriser son adversaire.

Mais sa performance catastrophique l'a modifiée au-delà de ce qu'anticipaient Joe Biden et son équipe, l'amenant 24 jours plus tard, à jeter l'éponge.

Dès la première portion du duel oratoire de 90 minutes organisé par CNN, le politicien de 81 ans, d'une voix enrouée et faible, a bafouillé, quelques fois marmonné, donné des réponses confuses, peiné à terminer ses phrases, perdu par moments le fil de ses idées et échoué à dénoncer les nombreux mensonges de l'ancien président républicain.

Le choeur de ceux qui l'appelaient à renoncer à briguer un second mandat grossissait de plus en plus, et une trentaine d'élus avaient publiquement relayé ce message.

La semaine dernière, des fuites vraisemblablement orchestrées ont indiqué que des poids lourds du Parti démocrate doutaient tous de sa capacité à remporter l'élection de novembre ou même l'avaient encouragé directement à mettre un terme à sa campagne.

Les sources des médias américains mentionnaient ainsi Barack Obama, Nancy Pelosi, Hakeem Jeffries ainsi que le leader de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer.

Selon un sondage AP-NORC publié mercredi dernier, 70 % des électeurs américains estimaient par ailleurs que Joe Biden devait se retirer et permettre à son parti de choisir un autre candidat. La proportion est à peine plus faible chez les démocrates : 65 % espéraient avoir la chance de voter pour un autre candidat démocrate.

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