Espionnage de Canada Soccer | Bev Priestman doit partir

24 Jul 2024
Bev Priestman

(Paris) Le mois dernier, j’ai rencontré l’entraîneuse-chef au cœur du scandale d’espionnage de Canada Soccer, Bev Priestman, dans un hôtel de Montréal. L’objectif ? Mieux connaître les Canadiennes et leurs adversaires en vue des Jeux de Paris. Après tout, ce n’est pas comme si les matchs des Colombiennes et des Néo-Zélandaises étaient diffusés deux fois par semaine à RDS. Elle m’a gentiment décrit le style de jeu des autres équipes.

« Mais comment les étudiez-vous ? »

« Nous avons tout le vidéo nécessaire. Avant notre camp de préparation, notre équipe technique présente ce qu’elle voit. Après, nous mettons les informations à jour en fonction des dernières performances. Nous avons déjà une idée nette de ce qui nous attend [à Paris], même pour les tours éliminatoires. Je ne veux pas de surprise. Si nous sommes pour affronter l’Allemagne en finale, je veux déjà savoir à haut niveau à quoi m’attendre. »

Et qui fait tout ce boulot ?

« Nous tous. Nous mettons la main à la pâte. Quelqu’un surveille la défense, l’attaque, les jeux arrêtés, puis nous nous réunissons pour tout mettre en œuvre. »

Ce qu’elle ne m’a pas dit, c’est que l’équipe misait aussi sur une arme secrète.

Un drone.

Enlevons nos gants blancs : le Canada a triché.

Envoyer un drone filmer deux entraînements de la Nouvelle-Zélande, les 20 et 22 juillet, c’était mettre le pied dans le vestiaire de l’autre équipe. Ça permettait aux entraîneurs canadiens de deviner à l’avance l’alignement et le schéma tactique de l’adversaire. Gros, gros avantage. L’équivalent d’un frappeur au baseball qui connaît les lancers à venir.

Les forces de l’ordre ont arrêté l’opérateur du drone à Saint-Étienne. Son nom ? Joseph Lombardi. C’est un analyste de Canada Soccer qui se trouvait en France sans accréditation olympique. Il a reconnu avoir espionné l’équipe de la Nouvelle-Zélande. Le Comité olympique canadien, « bouleversé et déçu » de ce scandale, l’a renvoyé à la maison. Sa supérieure, l’entraîneuse adjointe, Jasmine Mander, a elle aussi été expulsée, même si elle a affirmé à la police n’avoir rien à voir avec les actes commis. Bev Priestman, elle, est toujours ici. Le COC ne l’a pas sanctionnée. Une décision étonnante, injustifiable et inexplicable.

Bev Priestman a décidé de ne pas diriger le match de jeudi contre les Néo-Zélandaises « dans l’intérêt des deux équipes, et pour garantir que tout le monde sache que l’esprit sportif est maintenu pour ce match ». C’est son adjoint Andy Spence qui sera en poste. Après, ce n’est pas comme si vendredi matin, tout allait être effacé, et que Canada Soccer deviendra un modèle d’esprit sportif. Voyons donc.

Croyez-vous vraiment que Bev Priestman ignorait tout de l’opération d’espionnage ?

Moi non plus.

En point de presse à Saint-Étienne, mercredi, elle s’est fait demander par Radio-Canada : « saviez-vous quelque chose ? » Elle s’est excusée. Elle a expliqué pourquoi elle n’allait pas être sur les lignes de côté jeudi. Mais elle n’a jamais répondu oui ou non à la question. La FIFA a ouvert une enquête pour la violation de deux articles de son code disciplinaire. La fédération nomme spécifiquement Bev Priestman parmi les personnes visées par les procédures.

Cet acte d’espionnage contrevient bien sûr à toutes les règles d’éthique. C’est bien sûr dommageable pour les Néo-Zélandaises, qui préparent ce match depuis des semaines. C’est également insultant pour les joueuses canadiennes. Le message qu’on leur envoie, c’est bravo pour votre titre olympique à Tokyo, mais là, pour battre les Néo-zélandaises, 28es au monde, désolé, on n’a pas le choix.

Il faut tricher.

Bonjour la confiance. Comment une entraîneuse-chef peut-elle garder la crédibilité de son groupe après un affront comme celui-là ?

Je vous invite d’ailleurs à noter les premiers mots du communiqué qu’elle a envoyé avant son point de presse. « Au nom de l’ensemble de notre équipe, je désire tout d’abord m’excuser auprès des joueuses et du personnel de New Zealand Football et auprès des joueuses d’Équipe Canada. »

J’essaie de comprendre l’analyse des coûts et bénéfices de cette opération. L’urgence d’employer un drone dans un pays où le niveau d’alerte attentat est au maximum, au moment où les forces de l’ordre sont aux aguets. Le risque de ruiner sa réputation pour savoir si un pays négligé sur la scène internationale déploiera un 4-3-3 ou un 4-4-2. Quel gâchis.

Ce scandale, causé par le personnel de Canada Soccer, est une immense distraction pour les joueuses. Le retour de Bev Priestman pour le deuxième match, contre l’équipe hôtesse de la France, prolongera encore plus longtemps la vie de cette affaire. C’est une situation intenable.

Mercredi, Bev Priestman a insisté sur son leadership, et sur le fait qu’ultimement, elle était « responsable pour n’importe quel acte commis à l’intérieur du camp ». Alors, selon cette logique, une décision s’impose.

Son départ.

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