Bangladesh | Le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus se dit prêt ...

6 Aug 2024

(Dacca) Le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus s’est dit mardi prêt à prendre la tête d’un gouvernement intérimaire au Bangladesh après la dissolution du Parlement, de quoi satisfaire les demandes des étudiants à l’origine du mouvement qui a fait fuir la première ministre Sheikh Hasina.

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Photo La Presse

Publié à 6h29 Mis à jour à 12h29

Ce qu’il faut savoir

Les États-Unis ont annoncé mardi avoir ordonné l’évacuation de leur personnel non essentiel au Bangladesh comme mesure de précaution après que d’importantes manifestations ont provoqué la fuite de la première ministre Sheikh Hasina. Des groupes de défense des droits de la personne et des diplomates au Bangladesh ont exprimé mardi leurs inquiétudes en raison d’informations concernant des attaques contre des minorités, notamment hindoues. Les manifestations contre un système de quotas d’embauche dans la fonction publique ont fait plus de 400 morts depuis début juillet à travers le pays. Elles ont finalement abouti lundi au départ de Sheikh Hasina, 76 ans, contrainte de s’enfuir à bord d’un hélicoptère. Le chef de l’armée bangladaise, le général Waker-Uz-Zaman a annoncé lundi la formation prochaine d’un gouvernement intérimaire. Il a promis de réparer « toutes les injustices » et de lever le couvre-feu dès mardi.

« J’ai toujours mis la politique à distance […] Mais aujourd’hui, s’il faut agir au Bangladesh, pour mon pays, et pour le courage de mon peuple alors je le ferai », a affirmé Muhammad Yunus dans une déclaration écrite à l’AFP, en appelant à l’organisation d’« élections libres ».

L’économiste de 84 ans, connu pour avoir sorti des millions de personnes de la pauvreté grâce à sa banque de microfinance, pionnière en la matière, s’était attiré l’inimitié persistante de Mme Hasina, qui l’avait accusé de « sucer le sang » des pauvres.

Auparavant, un porte-parole de la présidence, Shiplu Zaman, avait annoncé, dans un communiqué, que le président avait « dissous le Parlement ».

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Les étudiants protestataires appelaient à cette dissolution, tout comme le principal parti d’opposition, le Bangladesh Nationalist Party (BNP), qui exige des élections d’ici trois mois.

« Nous faisons confiance au Dr Yunus », a écrit sur Facebook Asif Mahmud, l’un des principaux dirigeants du collectif Students Against Discrimination (Étudiants contre la discrimination), principal mouvement étudiant à l’origine des manifestations initiées début juillet contre un système de quotas d’embauche dans l’administration jugée inique.  

PHOTO ALEXANDER KLEIN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix

Lundi a été la journée la plus meurtrière depuis le début du mouvement, avec au moins 122 morts, et 10 autres personnes ont été tuées mardi, portant le bilan à au moins 432 morts, selon un décompte de l’AFP basé sur les chiffres de la police, des responsables gouvernementaux et de médecins dans des hôpitaux.

La contestation a finalement abouti lundi au départ de Sheikh Hasina, 76 ans, contrainte de s’enfuir en hélicoptère. Elle a atterri dans une base militaire près de New Delhi, selon la presse indienne, mais une source de haut niveau a affirmé qu’elle ne faisait que « transiter » par le pays avant de se rendre à Londres. L’appel du gouvernement britannique à une enquête de l’ONU sur des « niveaux de violence sans précédent » au Bangladesh a cependant mis en doute cette destination.

La police demande pardon

Dans le pays troublé, le principal syndicat de policiers au Bangladesh a demandé « pardon » pour avoir tiré sur des étudiants, dans un communiqué publié mardi. Le syndicat a affirmé que les policiers avaient été « forcés à ouvrir le feu » puis présentés comme les « méchants ». Il a annoncé aussi une grève pour garantir la sécurité des policiers.

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L’armée a procédé à plusieurs remaniements parmi ses hauts gradés, notamment en rétrogradant certains d’entre eux jugés proches de Mme Hasina.

Le chef de l’armée bangladaise, le général Waker-Uz-Zaman, avait annoncé lundi la formation prochaine d’un « gouvernement intérimaire ».

La situation était calme mardi dans la capitale, Dacca.  

PHOTO MOHAMMAD PONIR HOSSAIN, REUTERS

Des personnes marchent à côté de voitures détruites, après la démission de la première ministre bangladaise Sheikh Hasina, à Dacca, au Bangladesh, le 6 août 2024.

Si la circulation a repris et les magasins ont rouvert, les bureaux de l’administration restaient cependant fermés.

Après l’allocution de M. Waker lundi, des millions de Bangladais avaient envahi les rues de Dacca. Les manifestants avaient envahi le Parlement, incendié des chaînes de télévision progouvernementales et brisé des statues du père de la première ministre déchue, Sheikh Mujibur Rahman, héros de l’indépendance du pays.

Les bureaux de la Ligue Awami, le parti de Mme Hasina, ont été incendiés et pillés à travers le pays, ont indiqué des témoins à l’AFP. Des commerces et des maisons appartenant à des hindous – un groupe considéré par certains comme étant proche de Mme Hasina – ont également été attaqués, selon des témoins.

Les diplomates de l’Union européenne au Bangladesh se sont déclarés mardi « très inquiets » après des informations faisant état d’attaques contre des minorités. L’ambassade des États-Unis a également appelé au « calme » après les « attaques contre des minorités religieuses et des sites religieux ».

PHOTO ABID HASAN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

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Des manifestants antigouvernementaux célèbrent devant le Parlement du Bangladesh après la démission de la première ministre Sheikh Hasina, à Dacca, au Bangladesh, le 5 août 2024.

L’Inde s’est dite « profondément préoccupée » par la crise et a dit surveiller « la situation en ce qui concerne le statut des minorités ».

« De telles attaques contre les minorités vont à l’encontre de l’esprit fondamental du mouvement étudiant antidiscrimination », a fustigé Iftekharuzzaman, directeur de Transparency International Bangladesh.

Khaleda Zia libérée

Revenue au pouvoir en 2009, Mme Hasina avait remporté en janvier un cinquième mandat à l’issue d’une élection sans véritable opposition.

Les manifestations avaient commencé début juillet après la réintroduction d’un régime réservant près d’un tiers des emplois dans la fonction publique aux descendants d’anciens combattants de la guerre d’indépendance. Le gouvernement de Mme Hasina avait été accusé par les organisations de défense des droits de la personne de mettre à son service les institutions pour asseoir son emprise et éradiquer toute dissidence.

Le chef de l’État a ordonné lundi en fin de journée la libération des personnes arrêtées lors des manifestations.

PHOTO ANDREW BIRAJ, REUTERS

Khaleda Zia, ex-première ministre et cheffe de l’opposition

L’ex-première ministre et cheffe de l’opposition Khaleda Zia, 78 ans, a par ailleurs été libérée mardi, selon le porte-parole de sa formation, le Parti nationaliste du Bangladesh. Grande rivale de Mme Hasina, la cheffe du BNP avait été condamnée à 17 ans de prison pour corruption en 2018.  

Dès mardi à Dacca, les mères de certains des centaines de prisonniers politiques secrètement emprisonnés sous le régime de Mme Hasina attendaient devant les services du renseignement militaire, espérant des nouvelles.  

La Chine a dit espérer un retour rapide de la « stabilité sociale » au Bangladesh, selon un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères dans un communiqué.

Pour Thomas Kean, du groupe de réflexion International Crisis Group, les nouvelles autorités font face à un formidable défi : « Le gouvernement intérimaire […] va devoir se lancer dans la lourde tâche de reconstruire la démocratie au Bangladesh, qui a été gravement abîmée ces dernières années ».

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